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Dimanche du St-Sacrement du Corps et du Sang du Christ B - 7 juin 2015

 

Faire mémoire de la Pâque de Jésus, c'est recevoir son amour et devenir pain de vie

St-Sacrement du Corps et du Christ

Corpus Christi, ou, Saint-Sacrement du trésor de la Cathédrale Sainte-Marie de Tolède, Espagne

 

 

Les préparatifs du repas pascal : Marc 14, 12-16.22-26
Autres lectures : Exode 24, 3-8; Psaume 115(116); Hébreux 9, 11-15

 

En ce dimanche, l'Église célèbre l'Eucharistie et invite les chrétiens à approfondir le noyau central de leur foi : le mystère de la mort et de la résurrection de leur Seigneur. Il est bon de parcourir la puissance évocatrice d'une Parole qui traverse les siècles, une Parole qui fait ce qu'elle dit : Prenez ceci est mon corps... Puis, prenant une coupe… il la leur donna... Ceci est mon sang… (vv. 22-25).

L'heure de la Passion

     Le récit de Marc situe l'action au premier jour de la fête des pains... Où l'on immolait l'agneau pascal (v. 12). Alors que les disciples vont s'affairer aux préparatifs, trouver le lieu de rencontre, une tâche difficile compte tenu de l'affluence des pèlerins dans la ville sainte, Jésus leur donne un signe : la rencontre de l'homme à la cruche d'eau (1 Samuel 10, 1-7). Les disciples de Jésus s'exécutent, mais on ne dit rien des préparatifs du repas, ni de l'agneau pascal qu'on devait sacrifier sur les parvis du Temple. En fait, Jésus sait qu'il est lui-même l'agneau pascal et les disciples le découvriront plus tard après la résurrection. Pour mieux saisir l'inouï de ce que vit Jésus, le rappel de quelques aspects de la vie religieuse juive peut faciliter une meilleure compréhension du mystère abyssal de l'offrande du Christ.

En amont : les pratiques cultuelles du peuple juif

     Les mots choisis pour exprimer l'offrande que Jésus fait de sa vie donnée à ses disciples et à son peuple s'inspirent des écrits bibliques du Premier Testament. En faisant alliance avec Israël, au Sinaï, Dieu choisit son peuple et s'engage à son égard. Le peuple, par la médiation de Moïse qui reçoit la Loi, s'engage à observer les commandements. Mais les Israélites rencontrent des obstacles, la volonté des uns et des autres se pervertit; ils se livrent à des actes répréhensibles. Pour soulager leur culpabilité et se réconcilier avec Dieu, ils vont, au fil des siècles, présenter des offrandes au Seigneur, soit des produits agricoles, soit des sacrifices d'animaux.

     En parcourant les huit premiers chapitres du livre du Lévitique, on peut découvrir la description de différents types de sacrifices, l'étendue des prescriptions à observer, la complexité des rites : l'holocauste (1, 15ss), le sacrifice de réparation (5, 4ss), le sacrifice de louange (7, 12), l'offrande (2, 1ss), et tout particulièrement le sacrifice pour le péché (4, 1ss) et le sacrifice de communion ou de paix (3, 1ss) où, avec le sang de la victime, on asperge l'autel.

     Le sang! Il joue un rôle primordial dans le sacrifice expiatoire. Selon la conception hébraïque, le sang contient la vie, il est la vie même, et donc, il appartient souverainement à Dieu qui dispense la vie; et en recevant en hommage cultuelle le sang, la vie des victimes, Yahvé considère comme réparées les fautes des Israélites : L'âme (la vie) de la chair est dans le sang, et moi je vous l'ai donné pour l'autel, afin de faire l'expiation pour vos personnes; car c'est le sang qui, par l'âme (la vie), fait l'expiation (Lévitique 17, 11; Bible d'Osty).

     Que signifiait ces démarches pour le fidèle? Il s'agissait d'offrir à Dieu le gage d'une disponibilité totale à son égard : reconnaître, en immolant un animal, que Dieu est le souverain maître de toutes choses; ou encore de l'inviter, Lui, le bienveillant, à se souvenir de son fidèle.

     Au fil des siècles, les prophètes critiquent l'attitude légaliste des fidèles et des prêtres et déplorent que le cœur ne s'engage pas dans un véritable processus de conversion (Amos 5, 22-24; Osée 6, 6; Isaïe 1, 11-18). Pour sa part, Jérémie formule le même reproche (6, 20; 7, 21-23), mais, par ailleurs, il affirme qu'une alliance nouvelle entre Dieu et le peuple sera consignée désormais dans le cœur des croyants (31, 31.33-34). Cette conscience de la faiblesse des dispositions intérieures percent dans le psaume 40 : Sacrifice et oblation, tu n'en veux pas, holocauste, expiation, tu n'en demandes pas; alors j'ai dit: Voici, je viens, dans le rouleau du livre il est écrit de moi : À faire ta volonté, mon Dieu, je prends plaisir et ta Loi au fond de mes entrailles (vv. 7-9; Hébreux 10,5-7).

Buvez... ceci est mon sang...

     Pour Jésus, l'heure est venue comme l'évangéliste Jean le formulera plus tard. Comment, en ce moment précieux d'un banquet, ne pas se souvenir que Jésus, au service de la volonté de son Père, a enseigné, guéri et soulagé pauvres et affligés? Comment ne pas se remémorer qu'il n'a pas été reconnu prophète dans son propre pays, que les résistances se sont multipliées, venant d'adversaires religieux, sadducéens, pharisiens et autres; que le peuple s'est divisé à son sujet. À ce repas unique de Jésus avec ses disciples, la situation est sombre, l'atmosphère, lourde, l'échec se précise : Jérusalem va bientôt refuser le prophète de Galilée et sceller son sort. C'est à cette heure que Jésus ramasse sa vie, la condense dans un acte inouï, incommensurable d’amour.

     À ce repas, Jésus est le centre, l'unique contenu. L'essentiel, c'est Lui-même. Ceci est mon corps... Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, répandu pour la multitude (v. 24). Le corps, selon la langue hébraïque désigne l'ensemble de l'individu, il inclut le sang. Oui, les deux termes, corps et sang, sont parallèles chacun rendant compte de la totalité de l'humanité de Jésus; quant à l'expression le sang versé, elle témoigne avec éloquence de la plénitude de l'offrande. La vie livrée pour la multitude commence un temps nouveau. Par ces paroles, Jésus anticipe l'effusion de son sang à la croix, il manifeste la conscience qu'il a de la puissance expiatrice de sa propre mort (J. Jérémias), et, les disciples qui participent au repas doivent pressentir qu'ils sont impliqués dans cette mort annoncée, cette rédemption qu'ils découvriront tardivement comme une participation à une vie nouvelle.

     L'insondable mystère de la mort ignominieuse et sanglante du Christ est approfondi dans la deuxième lecture de ce dimanche (Épître aux Hébreux). L'auteur de cette épître scrute avec acuité l'opposition entre le culte ancien (8, 13 - 9, 10) et le déroulement du sacrifice du Christ (9, 11-15) : Le Christ est le grand prêtre du bonheur qui vient. Le temple de son corps est plus grand et plus parlait que celui de l'ancienne Alliance; il n'a pas été construit par l'homme, et n'appartient donc pas à ce monde...

À la table du Seigneur la communion au Corps et au Sang du Christ, resserre les liens entre les invités

     Prenez, ceci est mon corps... Ceci est mon sang... Par cette parole prophétique, Jésus résume toute sa vie de partage, de compassion, d'amour. L'Alliance scellée jadis au Sinaï connaît son achèvement dans l'Esprit Saint (Hébreux 9, 14). C'est la nouvelle Alliance qui dépasse l'ancienne (1 Corinthiens 11, 25).

     La communion du Père et du Fils dans l'Esprit appelle « la commune-union » entre les participants de toute assemblée chrétienne. C'est ensemble que « l'Eucharistie fait l'Église » (H. De Lubac). Nous devenons ce que nous recevons : pain et vin pour nos frères et sœurs, au cœur du quotidien avec ses heures de joie et ses heures de souffrance. La communauté, chaque dimanche, reçoit l'appel de vivre autour d'une table.    

     Quand on observe tant soit peu les êtres humains, on constate que très souvent la tendance des individus à se centrer sur leur moi, leurs besoins, leurs objectifs, leurs projets en oubliant un élément important… Lequel? Celui que nous dévoile des personnes dévouées, généreuses, serviables qui font passer la communion avec l'autre avant, peut­ on dire, le devoir. Alors, nous sommes admiratifs et nous nous réjouissons que ces êtres manifestent la vocation eucharistique du peuple chrétien; qu'elles témoignent du Seigneur Jésus dont l'amour pour son Père et pour les hommes et les femmes a été totalement gratuit, inépuisable, insondable et si bouleversant.


« Veux-tu comprendre ce qu'est le corps du Christ? Écoute l'apôtre dire aux fidèles : Vous êtes le corps du Christ et ses membres (1 Corinthiens 12, 27). Si vous êtes le corps du Christ et ses membres, c'est votre propre mystère qui repose sur la table du Seigneur. C'est votre propre mystère que vous recevez. À ce que vous êtes, vous répondez « Amen » et votre réponse marque votre adhésion. Tu entends : « Le corps du Christ », et tu réponds : « Amen ». Sois donc un membre du corps du Christ, afin que ton « amen » soit vrai » (Saint Augustin).

 

Julienne Côté, CND

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2450. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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