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3e dimanche de l'Avent C - 13 décembre 2015

 

Gaudete!

Prédication de Jean le Baptiste

Jean le Baptiste prépare les foules à la venue du Messie

 

 

La prédication de Jean le Baptiste : Luc 3, 10-18
Autres lectures : Sophonie 3, 14-18; Psaume : Isaïe 12; Philippiens 4, 4-7

 

Peut-être que le rose 1 de la chasuble de votre « bon curé » vous arrachera un sourire en entrant à l’église ce dimanche? Tant mieux si c’est le cas, car c’est le dimanche de la joie! Le troisième dimanche de l’Avent est en effet appelé « Gaudete » - traduit en français par « Soyez dans la joie » - d’après le premier mot de l’introït latin de cette messe. L’antienne et la prière d’ouverture de ce dimanche incitent en effet à anticiper la joie de la fête de la Nativité du Christ. Les textes de la Parole de Dieu comporteront aussi des appels à la réjouissance, mais en matière de joie, on trouvera plus de motifs dans les deux premières lectures et le Cantique que dans l’Évangile où on retrouvera, pour un deuxième dimanche de suite, le personnage quelque peu austère de Jean le Baptiste.

Personnage de l’Avent

     En effet, les évangiles des deuxième et troisième dimanches de l’Avent nous ramènent invariablement le personnage de Jean Baptiste. À quelques jours de célébrer la naissance du Messie, Jean, le Précurseur de ce dernier, ne trouve-t-il pas naturellement sa place dans la liturgie de l’Avent? Jean prépare le chemin à Celui qui doit venir, Jean annonce l’arrivée d’un plus grand que lui qui baptise dans l’Esprit Saint et le feu, Jean ne se sent même pas digne d’être l’esclave de ce Messie à venir (geste de défaire sa sandale). Jean lui-même cède la place à Jésus avant même de le connaître, ne laissant au peuple aucune ambiguïté quant à son rôle joué sur l’échiquier de l’histoire du salut 2.

Dans la ligne des prophètes

     Austère, le personnage de Jean? À l’écoute de l’extrait d’Évangile de ce dimanche on ne soupçonnera pas la sévérité de sa prédication, on la trouvera simplement raisonnable et sensée. C’est que le lectionnaire liturgique, ayant tendance à ne garder que le côté gentil des Évangiles, a coupé les trois versets qui précèdent, empreints d’une certaine violence (Lc 3, 7-9). Si les foules, venues à Jean, en viennent à lui demander Que devons-nous faire?, c’est que celles-ci viennent tout juste de se faire traiter par Jean d’engeance de vipères, accuser de ne pas porter de vrais fruits de conversion et menacer du jugement divin par l’image de la cognée qui se trouve déjà à la racine des arbres.

     Prédication sévère de Jean qui n’est pas sans rappeler celle des prophètes de l’Ancien Testament, soucieux gardiens de l’alliance du peuple d’Israël avec son Dieu. Le langage justicier de Jean trahit sa croyance en l’imminence du Jour de Yahweh, ce fameux Jour que le judaïsme attendait pour la fin des temps, jour d’une intervention fulgurante de Dieu en faveur d’Israël où le jugement divin s’exercerait universellement sur les bons et sur les méchants. Il est clair que Jean entrevoit l’arrivée du Messie coïncidant avec l’avènement du Jour de Yahweh, jour de colère et de grand ménage ! Les images empruntées aux scènes de la moisson palestinienne, vannage du grain et de la paille, sont traditionnelles pour parler du jugement eschatologique. Héritier de la tradition prophétique de l’Ancien Testament, Jean ne peut pas encore soupçonner la révolution qu’apportera Celui dont il annonce la venue : le jugement divin s’exercera bien, mais coloré de la miséricorde amoureuse d’un Dieu Sauveur qui nous envoie son Fils.

« Que devons-nous faire ? »

     Malgré la sévérité d’une prédication à laquelle les assemblées de l’Antiquité étaient sans doute plus habituées que nous, le baptême de conversion que Jean propose attire néanmoins les foules au désert. Le « Que devons-nous faire ? », scandé trois fois, découle naturellement de son annonce de l’imminence des temps derniers. Trois groupes différents s’enquièrent de la conduite à tenir dans l’attente de ce jour : les foules en général, un groupe de publicains et un autre de soldats. À noter l’ouverture universaliste de Jean qui ne ferme pas la porte du repentir à certaines catégories de personnes que le judaïsme officiel de l’époque pouvait exclure en raison de leur collaboration avec l’occupant romain. Publicains qui collectaient l’impôt pour l’idolâtre César aux prétentions divines, soldats juifs enrôlés dans l’armée d’Hérode et/ou soldats romains travaillant à garder le peuple soumis au pouvoir de Rome. Jean ne cède pas à une idéologie nationaliste, pharisienne ou zélote, de séparation d’avec la nation païenne occupant la terre sainte. Les uns comme les autres, il ne les exhorte pas à changer de vie, mais simplement à pratiquer le partage avec ceux qui ont moins, à exercer leur métier avec probité, honnêteté et respect de la justice. Jean prêche la justice élémentaire sur laquelle pourra s’édifier l’édifice de l’amour, règle d’or du Royaume de Dieu inauguré par Jésus. Jean Baptiste devance Jésus comme la justice devance l’amour, car il n’est pas de véritable amour sans la justice ! Et peut-être aussi que la pratique de la justice est déjà une forme d’amour.

Bonne Nouvelle !

     Universalisme de la conversion et justice préparatoire à la venue du Règne de l’Amour, voilà peut-être les raisons pour lesquelles l’évangéliste Luc, en fin de l’extrait, qualifie déjà le message de Jean d’annonce de la Bonne Nouvelle! En fin de compte, l’évangile de ce dimanche est peut-être aussi porteur de joie justifiant le port de la chasuble rose qui vous fera sourire!

Pousse des cris de joie, fille de Sion !

     Sophonie est l’un de ces douze « Petits prophètes » de l’Ancien Testament. Prêchant au 7e siècle av. J. C., le petit livre portant son nom comporte autant d’oracles de menaces que de promesses de restauration et de salut pour Jérusalem et Juda (appelés « Fille de Sion »). C’est à lui que l’on doit le fameux Dies Irae (Jour de colère) qui annonce ce Jour de Yahweh, jour redoutable où le Seigneur éliminera toute injustice (So 3, 14-18). Pourtant, aux oracles de malheurs, succèdent des annonces de restauration d’une grande tendresse due à la présence du Seigneur au milieu de son peuple. C’est une de ces annonces, exhortant à un débordement de joie, que nous entendons en ce dimanche, à quelques jours de fêter le « Dieu avec nous ».

_____________

1 Le rose est la couleur liturgique suggérée pour ce troisième dimanche de l’Avent.

2 Sur ce sujet, soit la situation du rôle de Jean par rapport à Jésus dans l’Église primitive, lire le Feuillet biblique no 2425, aussi disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.interbible.org/interBible/cithare/celebrer/2015/b_avent_03.html

 

Patrice Bergeron, bibliste

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2468. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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