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4e dimanche de Carême C - 1er mars 2016
 

Le Père des miséricordes

Retour du fils prodigue, par Pompeo Batoni

Retour du fils prodigue, par Pompeo Batoni.

 

 

La brebis égarée : Luc 15, 1-3.11-32
Autres lectures : Josué 5, 10-12; Psaume 33(34); 2 Corinthiens 5, 17-21

 

Au cœur de l'Année jubilaire extraordinaire de la miséricorde, au milieu du temps liturgique du carême, l'Église nous invite à revisiter la dernière des trois paraboles de Luc 15 qui illustrent, de façon exceptionnelle, comment Jésus nous a enseigné que Dieu était engagé dans une quête inlassable de ce qui est perdu. Le contexte de ces paraboles nous met en face des pharisiens et des scribes qui récriminent contre Jésus en voyant son attitude face aux publicains et aux pécheurs. Ces derniers, toujours d'après le texte de Luc, viennent tous à Jésus pour écouter sa parole. Quant à Jésus, il est dépeint comme quelqu'un qui fait bon accueil aux publicains et aux pécheurs et qui mange avec eux. Or la mission de Jésus et toute sa vie sont « révélation du visage de Dieu ». Je regarde Jésus agir, je l'écoute et j'apprends de lui qui est Dieu. Je regarde comment Jésus agit envers les publicains et les pécheurs; puis, j'écoute comment, dans la parabole, il décrit le comportement du Père face au fils cadet et j'apprends de l'agir et de l'enseignement de Jésus où Dieu se situe face aux publicains et aux pécheurs. Bien plus, si je regarde la façon respectueuse avec laquelle Jésus s'adresse aux pharisiens et aux scribes en utilisant le langage des paraboles et que j'écoute, de la bouche de Jésus, la présentation qu'il fait du père face au fils aîné, est-ce qu'il ne me dit pas quelque chose d'essentiel sur l'attitude de Dieu face aux pharisiens et aux scribes?

Argent gagné sans effort est vite dépensé

     Prenons le temps d'accueillir cette parabole de la miséricorde.  Dès le point de départ, le cadet apparaît comme un adolescent qui n'a pas encore pris la mesure de ce qui a été fait pour lui depuis sa conception. L'héritage qu'il ne peut recevoir que parce que son père a bien géré les avoirs familiaux lui semble un dû. C'est avec un impératif qu'il aborde son père : Donne-moi et il se réfère à l'héritage comme à quelque chose qui lui revient.  L'immaturité et l'irresponsabilité du jeune homme caractérisent tout son comportement. Il ramasse tout ce qu'il a; il va vers un pays lointain; il gaspille dans une vie de désordre; il dépense tout. C'est à la faveur d'une famine dans la région où il se trouve, parce qu'il expérimente la faim, qu'il s'engage dans une réflexion encore très auto-référentielle. Il meurt de faim alors que des porcs de cette région sont mieux nourris que lui et les ouvriers de la maison de son père ont du pain en abondance.

     La suite de la réflexion montre un cheminement chez l'homme de « party » d'hier; il parle de retourner chez son père, d'avouer qu'il a péché contre lui et contre le ciel et qu'il ne mérite plus le nom de fils; il reconnaît qu'il doit prendre rang parmi les serviteurs. Il passe ensuite du désir à l'acte : il se met en route.

Un père aux entrailles de miséricorde

     Jésus nous présente ensuite le père de ce jeune homme : rien ne nous avait été dit de sa réaction à la demande formulée par le fils qui pourrait indiquer quelque surprise, déception ou tristesse devant un agir si insensible. Ce que Jésus trouve important de nous révéler, c'est ce père qui scrute l'horizon, qui aperçoit son fils alors qu'il est encore loin; c'est donc qu'il l'attendait, peut-être qu'il n'avait cessé d'attendre son retour. Et lorsqu'il le voit, est-ce la colère qui l'envahit, est-ce le désir de punir qui prend le dessus?  Au contraire, il est pris de pitié comme si ses entrailles étaient remuées à l'intérieur de lui; il court, se jette à son cou, le couvre de baisers. Le fils avait choisi le pays lointain; le père ouvre la maison, la proximité. Le fils sentait le besoin d'exprimer sa conscience de s'être éloigné; le père multiplie les signes pour exprimer au fils que pour son père, rien n'avait changé : le plus beau vêtement, la bague au doigt, les sandales aux pieds et, pour culminer cet accueil inconditionnel: le veau gras, le festin. Oubliez le deuil que nous avons vécu, la perte que nous avons pleurée. L'heure est à la fête, à la vie, aux retrouvailles.

     Le récit aurait pu se terminer avec cette fête en l'honneur du fils qui revient en bonne santé alors que son père craignait qu'il ne soit perdu, qu'il ne soit mort.

Le regard du fils ainé sur lui-même

     Jésus poursuit sa parabole en mettant en scène le fils aîné.  Il est aux champs au moment du retour de son frère. Quand il est proche de la maison, il entend la musique et les chants et demande à un domestique la raison de cette fête. Apprenant ce qui se passe, il se met en colère et refuse d'entrer. Pourquoi? C'est que pendant que son frère bambochait, lui, durant tant d'années, a été au service de son père et n'a jamais désobéi à ses ordres.  Le jugement qu'il porte sur lui-même, c'est qu'il a été fidèle. A-t-il été si fidèle à son père puisqu'il le juge injuste d'avoir fêté le retour du cadet?  A-t-il été si fidèle puisqu'à ses yeux, son frère est réduit à n'être que « celui qui a dépensé l'argent de leur père avec les filles »? Qu'est-ce qu'être fidèle?

La révélation du cœur de Dieu

     Ce qui intéresse Jésus par-dessus tout, c'est de « révéler le cœur de Dieu ».  Il l'a fait en décrivant l'accueil inconditionnel du fils cadet par le père de la parabole.  Il le fait maintenant dans ce dialogue avec son aîné qui a refusé d'entrer chez lui, dans la maison familiale, et d'abord par des gestes qui ne trompent pas.  Il sort vers son fils; il le supplie d'entrer, mais, surtout, il lui dit : Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi et tout ce qui est à moi est à toi.  Voilà qui dit comment le Père se voit face à son aîné. Le père va plus loin, oui, il est bien le père de ce cadet : ton fils que voici, mais l'aîné doit apprendre ce que c'est que d'être frère quand on a un même Père : ton frère que voilà.

     Jésus nous dit comment Dieu se situe par rapport aux humains de type « pharisien et scribe » et par rapport aux humains de type « publicain et pécheur », par son attitude personnelle dans ses rencontres.  Mais, pour nous aider à mieux saisir ce que son agir nous révèle de Dieu, permettons-lui de nous aider par le truchement des paraboles. Et, s'il est une parabole qui  nous parle merveilleusement du mystère de l'amour infiniment miséricordieux  de  Dieu, n'est-ce pas  celle que nous venons de méditer,  avec ce père à l'amour inconditionnel, de Luc 15?

     Ce père ne se laisse-t-il pas déjà deviner dans cette arrivée dans la terre de Canaan, après  le passage du Jourdain  et cet accès des fils d'Israël aux produits du sol, après les quarante années au désert, dont nous parle le livre de Josué (Jos 5, 10-12) que nous avons en première lecture?

     Quant à Paul, dans 2 Corinthiens (5, 17-21), ne dirait-il pas au fils aîné de la parabole : réconcilie-toi avec ton frère. Regarde ton père; apprends de lui le chemin de la réconciliation. Moi, dirait l'apôtre des nations, j'ai compris que le père dont Jésus nous parle dans la parabole de la miséricorde, était pour lui «image de Dieu» qui nous a réconciliés avec lui, par le Christ, qui nous demande de travailler à la réconciliation, qui nous demande d'être ambassadeurs du Christ dans le mystère de la réconciliation du monde.

     Et j'entends notre frère François, dans la Bulle d'indiction de l'Année Sainte de la Miséricorde, rappeler que, dans les paraboles de Luc 15, « Dieu est toujours présenté comme rempli de joie, surtout quand il pardonne. Nous y trouvons le noyau de l'Évangile et de notre foi, car la miséricorde  y est présentée comme la force victorieuse de tout,  qui remplit le cœur d'amour et qui console en pardonnant ».

 

Lorraine Caza, CND

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2480. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Le nom de Dieu : « Je suis celui qui suis ».