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3e dimanche ordinaire C - 24 janvier 2016
 

Accueillir et proclamer l'Évangile de la miséricorde

 

Saint Luc, Nicolas Fouquet, Heures de Raguier et Robertet, f.15, Pierpont Morgan Library, ms.M834

Saint Luc, Nicolas Fouquet, Heures de Raguier et Robertet, f.15, Pierpont Morgan Library.

 

 

Prologue : Luc 1, 1-4; 4, 14-21
Autres lectures : Néhémie 8, 1-4.5-6.8-10; Psaume 18(19); 1 Corinthiens 12, 12-30

 

Dimanche dernier, nous étions invités aux noces dans un petit village de Galilée appelé Cana. Cette semaine, nous nous retrouvons dans un autre petit patelin de Galilée, le lieu où Jésus a grandi, Nazareth. Mais avant d’en arriver là, l’évangéliste Luc, qui sera notre guide pendant les dimanches de l’année C, prend le temps de nous expliquer pourquoi et pour qui il prend la plume.

Les événements accomplis parmi nous

     Plusieurs ont entrepris de composer un récit des événements…  Luc sent tout de même le besoin d’écrire à son tour. Selon la tradition, Luc était un chrétien de troisième génération. Disciple de Paul, il n’avait pas connu Jésus du temps où il parcourait la Galilée. Pourtant, Luc écrit à propos de ce qui a été accompli parmi nous! Il laisse entendre par là que son récit ne nous parlera pas uniquement d’un personnage du passé. Son évangile veut révéler la présence parmi nous du Seigneur ressuscité, qui continue d’œuvrer dans et par son Église.

Solidité, témoignage, service

     Luc écrit à Théophile. Nous ne saurons probablement jamais qui était ce personnage historique. Mais son nom, qui signifie « ami de Dieu », nous révèle quelque chose sur nous-mêmes : nous sommes aimés de Dieu et nous l’aimons en retour. Luc écrit pour chacun de nous un exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as reçus (Lc 1,3-4). Comme Théophile, nous avons été catéchisés. Pourtant, devant les défis de notre temps, la foi, l’espérance et la charité qui nous habitent ont besoin d’être fortifiées.

     Luc écrit après [s]’être informé soigneusement de tout depuis les origines (Lc 1,3). Il veut être fidèle à ceux qui nous ont transmis ces événements, ceux qui, dès le début, furent les témoins oculaires et sont devenus les serviteurs de la Parole (Lc 1,2). Je veux y voir un appel à devenir nous-mêmes témoins, puis serviteurs de cette Parole faite chair qu’est le Christ.

Les débuts de Jésus et la puissance de l’Esprit

     En suivant le découpage du Lectionnaire, nous faisons ensuite un saut du chapitre 1 au chapitre 4 de l’Évangile de Luc. Après avoir raconté le ministère de Jean Baptiste et son arrestation (3,1-20), Luc nous a fait contempler Jésus en prière après son baptême, l’Esprit Saint qui descend sur lui et la voix du Père qui lui déclare : C’est toi mon Fils : moi, aujourd’hui, je t’ai engendré (3,22). Après avoir dressé la généalogie de Jésus (3,23-38), Luc le présente vainqueur de l’épreuve (4,1-13).

     Nous nous retrouvons donc ce dimanche au tout début du ministère de Jésus, au moment où, avec la puissance de l’Esprit, [il] revint en Galilée (4,14a). Luc est l’évangéliste qui insiste le plus sur cette présence de l’Esprit. Celui-ci était descendu sur Jésus après son baptême (3,22). Puis, Jésus, rempli de l’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; il fut conduit par l’Esprit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut mis à l’épreuve par le démon (4,1-2). Au moment où il revient dans son coin de pays, il agit avec la puissance de l’Esprit (4,14). L’Esprit n’est donc pas une présence éphémère, mais il accompagne Jésus tout au long de son ministère. Ainsi guidé, Jésus connaît d’abord un grand succès : Sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues des Juifs, et tout le monde faisait son éloge (4,14b-15).

Un commencement différent

     Dans les textes parallèles de Matthieu et de Marc, ce sommaire de l’activité initiale de Jésus comporte une parole de sa part : Les temps sont accomplis : Le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle (Mc 1,15 ; voir Mt 4,17). Mais pas chez Luc, qui se distingue encore de Matthieu et Marc en ceci : eux racontent la visite de Jésus à Nazareth beaucoup plus loin dans leurs trames respectives (Mt 13,53-58// Mc 6,1-6), alors que lui la place au début du ministère de Jésus. C’est que Luc écrit d’une façon ordonnée (Lc 1,3). L’ordre qu’il suit est théologique plus qu’historique.

Bienvenue à la synagogue

     Luc profite de la visite à Nazareth pour nous révéler la manière dont Jésus enseignait dans les synagogues des Juifs (4,15). Comme il en avait l’habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture (4,16b). Comment se déroulait une liturgie de la Parole dans une synagogue du premier siècle? On proclamait d’abord un texte de la Torah, puis on lisait un texte prophétique. Suivait l’homélie. Or, tout Juif masculin adulte pouvait être invité à proclamer la parole de Dieu et à la commenter.

     On lui présenta le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres (littéralement : proclamer aux captifs une délivrance [aphesis]), et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération [aphesis], annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur » (4,18-19). Jésus trouve le texte d’Isaïe 61,1-2. Ou plutôt, Dieu lui fait trouver et lui trace ainsi tout un programme.

La mission de Jésus

     Contrairement aux gens de la synagogue, nous savions déjà que l’Esprit est sur Jésus parce qu’il a reçu l’onction après son baptême (Lc 3,21-22). Nous découvrons maintenant sa mission : porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il s’agit d’abord d’une pauvreté matérielle et concrète comme celle de la première béatitude (6,20). Mais « l’offre de Jésus – la bonne nouvelle, l’aphesis, « libération », et le don de la vie renouvelée – surpasse, malgré tout ce qu’elle a de concret, toute espérance humaine »1. Le terme grec aphesis signifie aussi « pardon ». Quant à la lumière promise par Jésus aux aveugles, elle rappelle les paroles de Zacharie dans le Benedictus : Jésus est cet « astre d’en haut » qui vient nous visiter (1,78) pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix (1,79).

L’aujourd’hui de l’année de la miséricorde

     Encore aujourd’hui, cette parole s’accomplit pour nous qui l’entendons. Cette année, nous l’entendons dans le contexte tout particulier de l’année de la miséricorde. Dans sa Bulle d’indiction de ce jubilé extraordinaire, le pape François fait écho à l’évangile de ce dimanche. « Une année de bienfaits » ; c’est ce que le Seigneur annonce et que nous voulons vivre. Que cette Année Sainte expose la richesse de la mission de Jésus qui résonne dans les paroles du Prophète ; dire une parole et faire un geste de consolation envers les pauvres, annoncer la libération de ceux qui sont esclaves dans les nouvelles prisons de la société moderne, redonner la vue à qui n’est plus capable de voir car recroquevillé sur lui-même, redonner la dignité à ceux qui en sont privés. Que la prédication de Jésus soit de nouveau visible dans les réponses de foi que les chrétiens sont amenés à donner par leur témoignage »2.


1 François Bovon, L’évangile selon saint Luc (1,1-9,50) (Commentaire du Nouveau Testament, IIIa), Genève, Labor et Fides, 1991, p. 206.

 

 

Yvan Mathieu, SM

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2474. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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La miséricorde coule à flots