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23e dimanche ordinaire C - 4 septembre 2016
 

Suivre le Christ : un don à accueillir

Enrique Simonet, 1892

Enrique Simonet, 1892.

 

 

Renoncer à tout pour suivre Jésus : Luc 14, 25-33
Autres lectures : Sagesse 9, 13-18; Psaume 89(90); Philémon 9-10.12-17

 

L'extrait évangélique de ce dimanche s'inscrit dans « l'exode » de Jésus vers Jérusalem, que le récit de Luc fait commencer avec le chapitre 9 pour se terminer au chapitre 19, 28.  Jésus enseigne à de grandes foules en employant des paraboles : celles du figuier stérile, de la graine de moutarde (13, 6, 21), de la vigilance (12, 35-48), des invités (14, 15-24). Il évoque l'urgence de la conversion (13, 1-5). À l'occasion de la guérison d'un malade (14, 1-6), Il rappelle la nécessité du renoncement et propose l'humilité comme l'attitude fondamentale pour recevoir le Royaume de Dieu. Le renoncement! Une réalité que nos sociétés d'abondance fuient. La parole de Jésus à ce sujet (14, 26) apparaît bien rude, abrupte, voire insupportable. Mais que devons-nous comprendre? À quelle priorité sommes-nous convoqués? Vers qui notre regard doit-il se porter?

Suivre le Christ : un chemin de vie
Deux paraboles

     L'extrait choisi comporte deux brèves paraboles.  La première (14, 28-30) évoque la construction d'une tour. Cela exige des connaissances, un savoir-faire, toutes les ressources pour mener à terme un tel projet. Il convient de calculer ses avoirs, de réfléchir et d'agir avec prudence avant de commencer le chantier. La deuxième parabole (14, 31-32)  met en scène un roi qui se lance dans une aventure guerrière sans jauger la force de son armée. Si on part sans connaître ses effectifs et ses chances de succès,  l'entreprise est pure folie et il y a le risque d'un désastre total. Ces deux comparaisons acheminent les foules qui faisaient route avec Jésus (14, 25) vers un engagement  sérieux.

Un choix radical

     Trois paroles encadrent les deux paraboles. Ces paroles explicitent la condition du disciple et résonnent avec force dans l'esprit et le coeur de ceux et celles qui écoutent, car elles expriment une exigence radicale qui, sur le coup, peut apparaître totalement inhumaine, voire choquante. Il s'agit de choisir le Christ et de consentir à Le suivre, de Le rechercher avant tout autre bien, -les biens d'ordre matériel et ceux, combien précieux, des relations familiales et des liens amicaux. Cette décision importante, qui implique des combats et des renoncements, se vit dans le concret du quotidien souvent trépidant; une fois, le choix fait, il est hors de question de revenir en arrière.

  • Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses soeurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple.
    Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple  (14, 26-27).
  • De même, celui d'entre vous qui ne renonce pas à tous ses biens, ne peut être mon disciple (14, 33).

     La traduction littérale du texte grec emploie le mot haïr : Si quelqu'un vient auprès de moi, et ne haït pas son propre père... Ce mot signifierait « aimer moins » comme le mentionne la note explicative dans la Traduction œcuménique de la Bible. La plupart des traductions rendent le verbe grec par « préférer », ce qui rend avec justesse la réalité évoquée.

     Le disciple est donc appelé à penser et à déployer sa vie en référence au Christ. Observons que Jésus propose, il n'impose pas. Les parents, les amis, les collègues et soi-même -sa propre vie-, ne peuvent concurrencer le Christ Jésus. Ce choix de Jésus,  premier servi, chemin de vie, n'est pas incompatible avec une profonde affection pour les membres de sa famille. Loin de là! Il priorise et ordonne valeurs et engagements; il dilate le coeur, nourrit des rencontres signifiantes et ouvre au partage et à la générosité.

     Aussi, faut-il se rappeler que Jésus marche vers Jérusalem lorsqu'Il propose un chemin exigeant pour le disciple. Il va vers une désappropriation totale de sa vie. Malgré l'angoisse de Gethsémani, Il portera sa croix pour le salut de tous. Pas à pas, un jour à la fois, le disciple a  à inventer avec le Christ un chemin de vie.

Paul, Philémon et Onésime

     La deuxième lecture, tirée de la Lettre à Philémon 9b-10.12-17, offre un exemple d'une vie résolument et authentiquement vécue à la suite du Christ. Comment le renoncement peut-il être vécu dans un contexte d'attente : celui du retour du Christ dans un futur très proche? Comment la Parole imprègne-t-elle le coeur d'un croyant du premier siècle? Pour Paul, vivre, c'est le Christ (Galates 2, 20).  Il consacre ses talents et toute son énergie à faire connaître le Ressuscité. De villes en villes grecques, malgré les oppositions et les revers, il forme des communautés de baptisés qu'il appelle au partage et à la communion.  Certaines communautés lui apportent soutien et réconfort et lui procurent une grande joie.  Au moment où il écrit sa Lettre à Philémon, l'apôtre-missionnaire est emprisonné à Rome -à cause du Christ Jésus (v. 9), où il rencontre Onésime à qui il fait connaître Jésus. Ce nouveau baptisé a ceci de particulier qu'il est l'esclave de Philémon et qu'il a fui son maître. Comment Paul qui marche à la suite du Christ peut-il se positionner quant à cette structure d'oppression qu'est l'esclavage? quant à Philémon, son collaborateur?

     L'apôtre va jouer franc jeu avec son bien-aimé compagnon d'armes (v. 2) qui  vivait vraisemblablement à Colosses.  Avec diplomatie,  délicatesse et fraternité, il suggère à Philémon la clémence alors que  la loi romaine  permet un châtiment sévère à l'égard d'un coupable. Paul supplie, mais il n'impose pas, ne formule pas un ordre; il est même prêt à rembourser la dette qu'Onésime a pu contracter : Et s'il t'a fait quelque tort ou s'il a quelque dette envers toi, porte cela à mon compte (v. 18). Et l'apôtre va plus loin dans l'amour, il suggère que le fugitif rendu à son maître soit affranchi de sa condition d'esclave et devienne un frère aimé. Quel renversement au nom de l'Évangile! Quel renoncement consenti pour l'amour du Christ qui est venu instaurer, par sa mort et sa résurrection, une relation nouvelle! Quel chemin de vie suggéré à Philémon et à Onésime! Paul conduit ses deux frères dans la foi à vivre une communion qui reflète l'union vécue entre le Père et le Fils.  Et l'amour vainc les obstacles.

     Cette lettre de Paul à Philémon comprend 25 versets. Ne nous privons pas de parcourir ce texte significatif, écrit à l'aube du christianisme.

Sagesse 9, 13-18

     L'attitude de détachement, vécue par Paul et que Philémon est appelé à vivre ne peut être qu'un don reçu de Dieu, une sagesse offerte. La première lecture souligne la fragilité humaine: Les réflexions des mortels sont mesquines, et nos pensées, chancelantes (9, 14). C'est l'envoi de la Sagesse qui permettra à l'homme de saisir la volonté de Dieu et d'orienter sa conduite dans la bonne direction: Et qui aurait connu ta volonté, si tu n'avais pas donné la Sagesse et envoyé d'en haut ton Esprit Saint? C'est ainsi que les chemins des habitants de la terre sont devenus droits; c'est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plaît et, par la Sagesse, ont été sauvés (9, 17-18).


Le désarmement personnel

La guerre la plus dure, c'est la guerre contre soi-même. Il faut arriver à se désarmer. J'ai mené cette guerre pendant des années, elle a été terrible. Mais je suis désarmé. Je n'ai plus peur de rien, car l'amour chasse la peur.

Je suis désarmé de la volonté d'avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres. Je ne suis plus sur mes gardes, jalousement crispé sur mes richesses. J'accueille et je partage... J'ai renoncé au comparatif...

C'est pourquoi je n'ai plus peur. Quand on n’a plus rien, on n'a plus peur. Si l'on se désarme, si l'on se dépossède, si l'on s'ouvre au Dieu-Homme qui fait toutes choses nouvelles, alors, lui, efface le mauvais passé; et nous rend un temps neuf où tout est possible (Patriarche Athénagoras).

 

Julienne Côté, CND

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2497. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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