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Dimanche du St-Sacrement du Corps et du Sang du Christ C - 29 mai 2016
 

Le Seigneur Jésus Christ, Pain de notre vie

Multiplication des pains

Mosaïque de la multiplication des pains et des poissons

 

 

Multiplication des pains : Luc 9, 11-17
Autres lectures : Genèse 14, 18-20; Psaume 109(110); 1 Corinthiens 11, 23-26

 

L'épisode de la multiplication des pains fait l'objet de six récits (Luc; Jean 6, 1-15, Marc 6, 30-44; 8, 1-9; Matthieu 14, 13-21; 15, 32-38) et constitue un de ces faits profondément gravés dans la mémoire des chrétiens de l'Église primitive. On ne dégagera pas les ressemblances et les différences des six rédactions, ni la perspective théologique des auteurs bien que ce serait très éclairant. On regardera plutôt la richesse du récit de Luc dont le témoignage est enraciné dans la vie ecclésiale de la communauté post-apostolique de Syrie, en majorité composée de chrétiens d'origine païenne.

Le pain multiplié

     Le récit de la multiplication des pains s'insère dans la période appelée galiléenne. Jésus prêche le Royaume, il guérit les malades. Les foules accourent et le suivent (9, 11; 5, 15; 6, 11.19; 7, 9.11; 8, 40). Puis, Il  envoie ses disciples en mission en leur donnant des consignes précises (9, 3-6). On peut dire qu'ils entrent alors dans une période d'apprentissage où Jésus les convie à partager sa mission et son destin, en leur transmettant toute puissance sur les démons et les maladies (9, 1-2). Son autorité passe en ceux qu'ils délèguent, alors qu'ils ne l'ont pas encore reconnu, comme le Christ, Sauveur. La foi est cependant le secret de cette force qui passe du Maître aux disciples. Si  le contexte immédiat du récit relate l'activité des disciples, il porte également sur l'identité de Jésus.  Alors qu'Hérode, mis au courant de l'action de Jésus demeure perplexe et s'interroge (9, 7-9), Pierre confessera plus tard que son Maître est le Messie, le Christ de Dieu (9, 18-22).

     La lecture évangélique de ce dimanche permet donc  de constater que Jésus fait advenir le Règne de Dieu. Les guérisons de ceux qui en ont besoin (9, 11) constituent  un enseignement en action. Jésus continue à  initier ses disciples, car, un jour, ils iront porter le message pascal aux peuples avoisinant la Méditerranée (Actes 14, 27; 15, 4.12). Pour l'heure, le Maître écoute le compte rendu de l'apostolat de ses disciples, devant la foule qui a suivi. Aux disciples qui invitent Jésus à  renvoyer la foule (9, 12), car le jour commença à baisser, Jésus ordonne : Donnez-leur à manger vous-mêmes (9, 13).  Ici, à nouveau, il apprend à ses collaborateurs à être au service du peuple en leur conférant le soin d'organiser l'assemblée : Faites-les asseoir par groupes de cinquante (9, 14). La foule sera donc assemblée en bon ordre : non pas debout, mais assise, allongée pour partager la nourriture comme dans un repas de conclusion d'Alliance (Psaume 23 (22), 1-2.5). À la fin, la foule sera rassasiée et on ramassera les morceaux qui restent: cela remplit douze paniers (9, 17). Auparavant, Jésus n'a-t-il pas proclamé : Heureux, vous, les pauvres... Heureux, vous qui avez faim, maintenant, vous serez rassasiés (6, 20-21)!


Le miracle

     Ce n'est pas un tour de magie. Mais, tout de même, ne peut-on pas reconstituer l'événement en question ? Cela semble difficile.  Le texte ne relève pas du genre procès-verbal. Le récit constitue un témoignage de disciples-croyants qui ont vécu quelque chose d'essentiel, de décisif: ils ont été interpellés, ils s'attardent à la signification de l'événement. Pour eux, l'événement est devenu un signe de l'action de Dieu en Jésus. Et à la lumière de la résurrection du Christ, les disciples, dans la foi, ont perçu davantage la grandeur et la profondeur du mystère de l'amour infini de leur Maître.

     Le miracle est, en fait, une mise en route. Il est toujours en relation avec la découverte personnelle du Christ Seigneur.

     Le récit de la multiplication des pains s'apparente au miracle accompli par Élisée qui nourrit une foule de cent personnes avec 20 pains d'orge (2 Rois 4, 42-44). Jésus dépasse infiniment Élisée. Cette foule rassasiée fait surgir également à notre mémoire le souvenir de la situation de détresse vécue au désert, et la sollicitude de Dieu à l'égard de son peuple : Il commanda aux nuées d'En-Haut... Pour les nourrir, il fit pleuvoir la manne... chacun mangea le pain des Forts; il leur envoya des vivres à satiété (Psaume 78, 23-25,29; Exode 12; Deutéronome 8, 3.16).

     Dans le récit de Luc, qu'observe-t-on encore? Avant la distribution, Jésus leva son regard vers le ciel - attitude maintes fois attestée lors des guérisons-  et Il prononce la bénédiction sur le pain, selon la coutume juive bien attestée : Il prit les cinq pains et les deux poissons, les bénit, les rompit, les donna à ses disciples ... (9, 16). Ce geste annonce le dernier repas pris avec ses disciples, la veille de sa mort, où il se livre par amour pour le salut de tous.

     Observons, qu'au départ, il y a peu de nourriture, une faim physique et spirituelle. La foule est démunie, les disciples, impuissants. C'est dans cette pauvreté que tous, hier comme aujourd'hui, sont rejoints par le Seigneur. À la fin, c'est l'abondance, le surplus, tous sont enveloppés dans sa bonté, « embrassés par l'infini de sa miséricorde, appelés à devenir le pain de Dieu ». Le don surpasse le besoin, et le désir, et l'attente, et la demande. Ce récit évoque la vie de Jésus dans son ministère publique et dans sa mort; une surabondance de vie donnée sans condition, dans la louange et l'action de grâce; une vie livrée par amour, au service d'une foule immense, dans une totale fidélité à la volonté de son Père.

Le mémorial du pain et du vin

     L'Apôtre Paul n'a pas connu Jésus. Un jour il reçoit de Jésus crucifié une révélation qui le transforme. Dans sa première lettre aux Corinthiens (11, 23-26; deuxième lecture), écrite vers l'an 55-56, il témoigne d'une tradition relative au mémorial eucharistique. Cette tradition est reçue soit des fondateurs de l'Église primitive, lors d'une première rencontre à Jérusalem, vraisemblablement entre l'an 46 et 50, ou soit lors de son initiation au mystère chrétien, vécue dans la communauté de Damas. Donc, environ dix ans après la mort et la résurrection de Jésus, le mémorial du mystère pascal est déjà fixé et utilisé dans la célébration liturgique. Cette pratique ecclésiale de l'Eucharistie sera mentionnée plus tard par les quatre évangélistes, soit avant l'an 70 pour Marc, l'an 80 pour Matthieu et Luc, et l'an 99-100 pour Jean.

     Ceci est mon corps, qui est pour vous... Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang... Faites cela en mémoire de moi (11, 24-25). Au moment du dernier repas avec ses disciples, dans un climat d'action de grâce, Jésus pose le geste souverainement libre de livrer tout son être, par amour, don qui sera scellé par un sacrifice sanglant au Calvaire. Il condense sa vie dans un acte de service pour le salut de tous et il associe ses disciples, présents autour de Lui. Avec le temps, dans la prière et la réflexion, assistés par l'Esprit, ceux-ci comprirent qu'au repas d'adieu, Jésus s'était approprié « sa propre mort en la représentant devant eux »; ils se rendirent compte qu'Il avait vécu à l'extrême le destin du prophète martyr annoncé dans la prophétie d'Isaïe (Isaïe 53, 12). Pour eux, le dernier repas constitua définitivement  un moment charnière, fondamental de l'expérience ecclésiale et ce serait dans le « faire mémoire » que les communautés, à travers les siècles, se construiront et s'unifieront (11, 26).

     Le contexte de la deuxième lecture (11, 17-22) ébauche les difficultés et les dérives vécues dans l'Église de Corinthe : le clivage entre les hommes libres et les esclaves, la précipitation à prendre son repas en omettant de vivre la communion que le pain et la coupe expriment, l'ivresse de certains qui ne peuvent plus discerner le corps du Seigneur (11, 29). Paul réprouve ses comportements incompatibles avec le mémorial eucharistique. Par le rappel de la tradition, il essaie de provoquer une prise de conscience quant à la signification du pain et de la coupe, ainsi qu'un engagement envers le Seigneur et envers les frères et sœurs dans la foi.

 

Julienne Côté, CND

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2492. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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