INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant

Imprimer

4e dimanche de Carême A - 26 mars 2017
 

Alors Jésus se mit à pleurer

Vitrail représentant La résurrection de Lazare, Jésus rend la vie à un mort, dans l'église Saint-Sulpice à Breteuil-sur-Iton

Vitrail représentant La résurrection de Lazare,
Jésus rend la vie à un mort,
dans l'église Saint-Sulpice à Breteuil-sur-Iton.

 

 

Mort de Lazare et retour de Jésus en Judée : Jean 11, 1-45
Autres lectures : Ézéchiel 37, 12-14; Psaume 129(130); Romains 8, 8-11

 

L’Évangile selon Jean a la réputation de présenter une image spirituelle de Jésus qui semble parfois déconnectée. Or, le récit de la résurrection de Lazare nous offre un regard sur la profondeur de l’humanité de Jésus. Je vous propose d’explorer cette scène pour mieux comprendre les émotions attribuées à Jésus et du même coup nos propres émotions en situation de deuil.

Celui que tu aimes

    Lazare semble si proche de Jésus qu’il n’est même pas nécessaire de l’identifier par son nom : Seigneur, celui que tu aimes est malade (Jn 11,3). Cette façon de caractériser la relation entre Lazare et Jésus rend la suite difficile à comprendre. Jésus semble de glace devant les difficultés de son bon ami. À cette nouvelle, Jésus répond : Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié (v.4). Cette affirmation est vraie, mais elle manque cruellement de compassion ou de timing. Son ami est mourant, et lui ne semble aucunement affecté; il répond à un appel à l’aide par une affirmation théologique.

Je me réjouis

    On peut comprendre la consternation de Marthe et Marie. Si votre frère, votre sœur, un de vos parents ou un de vos enfants est sur son lit de mort, les affirmations théologiques n’offrent habituellement que peu de réconfort. Dans un moment si difficile, on cherche d’abord la présence de quelqu’un qui serait prêt à mettre sa propre vie sur pause pour venir à nos côtés. Pourtant, lorsque Jésus reçoit le message, il passe deux jours avant d’entreprendre un voyage qui le conduira auprès de ses amis. Le temps passe et Lazare meurt. Jésus dit même à ses disciples qu’il se réjouit de ne pas être là. À ce moment de l’histoire, ce propos semble d’un sarcasme déconcertant. Il prend à nouveau un registre théologique en affirmant que son absence permettra la foi.

Alors Jésus pleura

    Marthe et Marie accusent Jésus dont la désinvolture a causé la mort de leur frère : Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort (v. 21).

    Les lamentations de Marie, et des autres, troublèrent Jésus qui ressentit une profonde colère (v. 33). Puis, c’est en voyant où Lazare était déposé que Jésus pleura (v. 35). À la vue de ces larmes, les passants disent : Voyez comme il l’aimait ! Mais certains reprennent les reproches de Marthe et Marie : Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir?  (v. 37).

    Nous comprenons bien les pleurs de Jésus. C’est naturel de pleurer lorsqu’on aime. On voudrait que la puissance de l’amour puisse protéger ceux et celles que l’on aime de la souffrance et de la mort. Cependant, même l’amour le plus fort ne peut y parvenir. Ce n’est pas dans la puissance, mais dans la capacité de souffrir avec... de pleurer avec... que l’amour s’exprime. Nous pleurons pour ce que nous avons perdu et ces pleurs peuvent nous relier profondément avec la souffrance et la douleur des autres. Étonnamment, même après avoir pleuré toutes nos larmes, on peut découvrir des années après un drame qu’un rien déclenche nos souvenirs et nous amène à pleurer de nouveau. 

Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui !

    Le contexte de ce récit montre que Jésus est en danger. Venir auprès de ses amis le mène à Béthanie, non loin de Jérusalem et des autorités. Peut-être que c’est la raison du délai avant le départ de Jésus ? En effet, lorsque Jésus décide de partir, Thomas dit : Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! (v. 16). À ce moment dans la trame narrative de l’Évangile selon Jean, le conflit entre Jésus et les autorités devient de plus en plus grand. L’atmosphère est tendue et l’action de Jésus à Béthanie pourrait accélérer le tout. Jésus n’était pas seulement en route pour la mort de Lazare, mais il était en route vers la sienne. Ce récit est en effet le pont entre la première partie du livre de Jean qui traite des signes de Jésus et la deuxième partie qui raconte les événements reliés à sa passion et sa résurrection.

    Avec cette information, nous pouvons comprendre autrement les propos déconcertants de Jésus. Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié (v. 4). Il s’agit d’une parole prophétique qui anticipe la crucifixion de Jésus. Avec la tension qui grandit, Jésus sait qu’un voyage à proximité de Jérusalem et que l’action qu’il aurait à poser à cause de la maladie de Lazare seraient si provocantes qu’elles accéléreraient sa propre mort.

    Les passants qui croyaient que Jésus pleurait à cause de son amitié pour Lazare n’avaient compris qu’une des raisons de ses larmes. Il pleure aussi sa propre mort. Remarquez qu’en Jean, les spectateurs sont souvent comme Réjean dans la « P’tite vie », ils sont bien intentionnés, mais ils ne comprennent pas tout ce qu’il se passe.

Donner sa vie pour ceux qu’on aime 

    Dans cet évangile, il n’y a pas de récit à Gethsémani. Cette scène où Jésus pleure au bord du tombeau de Lazare joue un rôle similaire.

    Je sais que plusieurs d’entre vous connaissent trop bien la coupe que doit boire Jésus. Personne ne veut souffrir, mais la souffrance fait partie de la vie. Lorsque meurt une personne que nous aimons, ou quand nous présentons que des actions éventuelles risquent d’entraîner des réactions négatives, la coupe nous est donnée. Ceux et celles qui sont en train de la boire présentement savent ce que signifie faire face à la puissance de la mort.

    Et on peut s’imaginer que Jésus pleura aussi pour nos propres souffrances. Après tout, sa vie, Jésus ne l’a pas offerte juste pour Lazare, mais pour le monde entier. Lazare est devenu un symbole de la proclamation chrétienne : en Jésus Christ, la mort n’a pas le dernier mot. La coupe que nous devons parfois boire, elle non plus n’a pas le dernier mot.

    Lorsque Jésus eut fini de pleurer, il était prêt à aller jusqu’au bout de sa mission. Il était prêt à faire ce qu’il fallait pour aider ses amis, même s’il savait que ce geste le mènerait fort probablement à sa propre mort. C’est alors qu’il a crié d’une voix forte dans la tombe de Lazare. Un cri à réveiller les morts !

Ils décidèrent de le faire périr

    Ironiquement, Jésus sera mis à mort parce qu’il a ramené Lazare à la vie. C’est après ce geste que les autorités se rassemblent pour décider quoi faire avec ce Jésus qui accomplit un grand nombre de signes. Sans le savoir, le personnage de Caïphe prononce alors une parole prophétique pour justifier l’exécution de Jésus : il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas (v. 50). L’ironie se poursuit. Lazare qui était revenu à la vie sera mis à mort par le Sanhédrin à cause de son témoignage (Jn 12, 10-11). Comme Jésus, Lazare meurt parce qu’il rend témoignage à la vie éternelle.  

    Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime (Jn 15,13). L’Évangile selon Jean présente la résurrection de Lazare comme une précipitation de l’intrigue qui mènera à l’exécution de Jésus. En redonnant la vie à Lazare, Jésus a donné sa vie pour ceux et celles qu’il aime.

 

Sébastien Doane, bibliste

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2527. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
Et la lumière fut