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5e dimanche ordinaire A - 29 janvier 2017
 

Le sel et la lumière

La Lumière du monde (1854) par William Holman Hunt

La Lumière du monde (1854) par William Holman Hunt

 

 

Le sel et la lumière : Matthieu 5, 13-16
Autres lectures : Isaïe 58, 7-10; Psaume 111(112); 1 Corinthiens 2, 1-5


Le Seigneur invite les chrétiens et les chrétiennes à ne pas rester passifs dans le monde. Ils doivent constamment lutter pour la dignité humaine et pour la justice sociale. Ainsi, en aimant comme le Christ, ils deviendront le sel de la terre et la lumière du monde.

     L'Évangile débute avec le pronom « Vous ». Jésus met ses auditeurs devant un fait accompli. En devenant ses disciples, les enfants de Dieu n'ont pas à se baser sur leurs propres capacités ou mérites pour aimer comme le  Père. En devenant des baptisés, le Christ leur donne l'Esprit Saint et les rend ainsi aptes à introduire la miséricorde divine dans le monde. Ils sont immédiatement capables de devenir le sel de l'univers et la lumière divine dans le milieu où ils vivent.

Le sel

     Dans ses paraboles, Jésus choisit toujours des symboles simples et universels qui peuvent être compris dans toutes les cultures. Sur la terre, la plupart des gens ont salé leurs aliments pour leur donner du goût ou pour les conserver. Dans l'Ancien Testament, le sel symbolise aussi la sagesse de Dieu. En utilisant le sel comme symbole, Jésus conserve cette signification. Les héritiers de la Nouvelle Alliance seront désormais les personnes qui concrétiseront cette sagesse du Père dans les affaires humaines.

     Cette sagesse divine est infinie. Elle s'oppose à la sagesse humaine qui est limitée. L'amour divin ne peut pas être quantifié. Les ouvriers de la dernière heure recevront un salaire identique aux travailleurs qui ont oeuvré toute leur vie à répandre l'Évangile. L'amour du Père surpasse aussi l'amour humain qui  est dirigé souvent vers leurs amis. Dieu, qui aime infiniment, appelle les baptisés à aimer sans limite leurs ennemis et à toujours leur pardonner. Le sel a aussi un autre sens dans l'Ancien Testament. Il est la saveur privilégiée de Yahvé. Les sacrifices faits au Temple doivent être salés (Lv 2, 13) pour plaire à Dieu. Jésus, en reprenant le symbole, s'inscrit donc dans la tradition biblique et il l'accomplit car il sera dorénavant celui qui va mettre le grain de sel divin sur la terre. Le sel est aussi un ingrédient qui empêche la pourriture de dégrader les aliments. En utilisant cette allégorie, Jésus indique que les baptisés, en répandant l'Évangile, empêcheront le monde de se dégrader sous l'effet du péché.

La lumière

     Les baptisés sont désormais, grâce à l'Esprit, la lumière du monde. La communauté ecclésiale est la ville située sur la montagne de la parabole. Par son action pour la justice sociale et les démunis, elle témoigne du Père. Le Christ affirme aussi que ce nouvel éclairage ne doit pas être caché sous un boisseau. Il faut préciser que le terme utilisé par le Seigneur dans sa parabole est très fort. La lumière n'est pas cachée par un simple abat-jour aux dimensions régulières. La clarté est plutôt obscurcie par un immense contenant qui est désigné par la quantité qu'il contient: un boisseau Cette ancienne mesure correspond aujourd'hui à 12,5 litres. Un immense poids pèse donc sur cette lumière. Dans les premiers siècles du christianisme, les enfants du Père étaient torturés ou exécutés à cause de leur foi. Ils refusaient de pratiquer la religion officielle de l'Empire romain qui faisait de l'Empereur un dieu. Lorsque le christianisme est devenu la religion de l'Empire au 4e siècle, le témoignage scandaleux de plusieurs clercs, évêques et papes ont nui à la diffusion de la lumière évangélique. Les fidèles se détournaient de personnes qui prêchaient un message et qui, dans leur vie, faisaient le contraire de ce qu'ils disaient. Aujourd'hui les deux éléments se côtoient. Dans une société où la science est devenue la nouvelle religion, la foi est ridiculisée à cause de quelques croyances qui contredisent les découvertes scientifiques (la virginité de Marie, les miracles, etc.). De plus, les abus commis par des responsables dans toutes les familles chrétiennes (pédophilie, crimes financiers, etc.) ont détourné les gens de l'Église.

     Enfin, certains croyants diront que cette parabole de Jésus contredit d'autres éléments évangéliques comme la consigne de prier, de jeûner et de donner aux pauvres en secret (Mt 6, 1-18). Le boisseau qui cache la lumière serait donc le bienvenu. L'opposition apparente entre ces deux propositions disparaît lorsqu'on cerne la motivation à la base de ces pratiques. Jésus fait remarquer que les gestes des pharisiens servent à leur propre gloire. En étalant devant un public réceptif leur piété qui semblait remarquable, ils se forgeaient une excellente réputation dans leur communauté. L'opinion favorable du monde à leur égard leur vaut admiration et même pouvoir sur les consciences. Ils ne sont pas comme l'apôtre Paul  dans la deuxième lecture qui, en arrivant à Corinthe, se sent faible et craintif. Paul représente l'antithèse des pharisiens. Après avoir constaté sa vulnérabilité, les Corinthiens seront surpris de sa force lorsqu'il proclamera la Bonne Nouvelle. Ainsi, intégrés, ils demanderont la source de sa force. Paul pourra leur indiquer que le Christ lui permet de dépasser ses limites humaines. Donc les chrétiens et les chrétiennes qui agissent pour témoigner de la puissance divine doivent éclairer le monde. Les baptisés qui agissent dans le but d'être reconnus dans le monde devraient plutôt se cacher.

La charité

     La première lecture définit la composition du sel et de la lumière chrétienne. C'est la miséricorde divine dont la particularité est de s'intéresser à toute l'humanité : riches, pauvres, dominants, dominés, savants, ignorants. Dieu a cependant un amour privilégié pour les démunis et les exclus qui ont souvent Dieu comme seule richesse. Dieu ne rejette pas les bien-nantis. Quand ils partagent leur richesse sans une compagne de relations publiques qui glorifient leur don, Dieu les bénit. Quand ils utilisent les ressources qu'ils ont à leur disposition pour lutter contre l'injustice, Dieu les bénit. Quand, patrons, ils traitent leurs employés avec justice, Dieu les bénit. Les riches et les puissants doivent devenir des témoins du Père qui donnent au monde une nouvelle saveur et un éclairage nouveau.

     Certains chrétiens ne partagent pas la vision d'Isaïe. Pour eux, la charité n'est pas essentielle au salut. En se basant sur plusieurs extraits bibliques, ils soutiendront que la foi est le seul élément nécessaire au salut. Quand une personne accepte le Christ comme Sauveur et Seigneur, elle fait désormais partie de la grande famille des enfants de Dieu. La mission de chaque enfant  serait de transmettre cette conviction et d'amener les êtres humains au baptême. La charité, dans cette interprétation du message du Christ, est souhaitable mais secondaire. L'Église catholique a toujours soutenu une autre interprétation. La foi et la charité sont également nécessaires pour être sauvé. Une personne ne peut se prétendre disciple du Christ si elle amasse une fortune sans tenir compte du bien commun. Actuellement, en ce XXIe siècle, les inégalités sociales et économiques n'ont jamais été aussi présentes. La charité est plus que jamais indispensable. Les sacrements et la liturgie restent importants pour que la conscience humaine soit pleinement nourrie de la grâce divine qui permet d'aimer comme Jésus. Mais les baptisés ont plus que jamais la tâche de soulager la misère humaine et ainsi de répandre la miséricorde divine, le sel et la lumière de la Nouvelle Alliance.

 

Benoît Lambert, bibliste

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2519. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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