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23e dimanche ordinaire A - 10 septembre 2017
 

Coresponsables de la vie de l’Église

anelia

anelina / 123RF Stock Photo

La correction fraternelle et la prière communautaire : Matthieu 18, 15-20
Autres lectures : Ézékiel 33, 7-9; Psaume 94 (95); Romains 13, 8-10
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

 

Le texte évangélique que nous lisons aujourd’hui englobe différents thèmes. Ce texte tel que présenté peut être divisé en trois parties. Les vv. 15-17, qui décrivent la procédure pour garder dans la communauté un membre qui s’égare, constituent la première partie. Le v. 18, qui traite du jugement de l’Église, forme la deuxième partie. Et enfin, les vv. 19-20 consacrés à l’efficacité de la prière en commun représentent la dernière partie de notre extrait évangélique.

Les étapes de la correction fraternelle  

Si un frère vient à pécher, va le trouver et reprends-le seul à seul (v. 15a). Dans cet énoncé, le terme « péché » ne désigne pas une faute personnelle, mais une faute grave et publique qui, à l’intérieur, perturbe la vie communautaire ou, à l’extérieur, jette le discrédit sur le groupe. Dans un premier temps, un seul membre de la communauté doit rencontrer le pécheur pour le « reprendre », terme qui signifie ici « remplir le devoir » et non « ressentir de la colère ». Il s'agit de sauver un frère et de protéger la communauté contre le péché au lieu de se venger ou d'humilier le disciple fautif (Lv 19,17-18 ; voir Éz 3,18-21; 33,7-9). Le but de la conversation privée est aussi de protéger les sentiments du frère coupable. Sans la présence de témoins, le pécheur ne sera pas embarrassé ou gêné. Une telle réprimande peut avoir un résultat positif, celui de « gagner un frère » (v. 15b) non dans le sens de conquérir à la foi ni conserver à titre d'ami personnel, mais dans le même sens de 1 Co 9,19-22 : garder comme membre de la communauté qu'il était sur le point de quitter ou dont il allait être exclu. Si la rencontre personnelle ne suffit pas à ramener le frère à une meilleure vie dans l'Église, un nouvel entretien est suggéré « avec une ou deux personnes » (v. 16) selon la suggestion d'un passage vétérotestamentaire (Dt 19,15). Bien que rapportée dans des contextes différents, cette pratique est encore attestée par Matthieu en 26,60 et, ailleurs dans le Nouveau Testament, par Jean en 8,17 et par Paul chez les chrétiens de Corinthe en 2 Co 13,1. Le ou les deux témoins ont la tâche spécifique d'indiquer au pécheur sa faute et de le condamner, puisque selon la littérature rabbinique (m. Sanh. 5,1 ; 8,4 ; 10,4 ; m. Mak. 1,8-9 ; m. Sota 1,1-2) et d'après la documentation qumranienne (1 QS 6,1), la personne qui a été avertie par quelques témoins peut être légalement condamnée. Si cette seconde tentative échoue, le pécheur est amené devant toute l'Église (v. 17a), c'est-à-dire la communauté locale, qui mettra le fautif devant ses responsabilités. Si rien n'y fait, l'assemblée n'est plus garante du coupable. Elle pourra se résoudre à l'exclure de son sein (voir 1 Co 5,11-12 ; 2 Co 2,7-10) et de le considérer « comme le païen et le publicain » (v. 17b), gens jugés « impurs » avec lesquels les juifs pieux ne pouvaient frayer (voir 5,46-47 ; 9,10-11). Cette expression n'a toutefois rien d'un jugement de valeur puisque Jésus fut « l'ami des publicains » (Mt 11,19). Ce cliché sonnait bien aux oreilles des judéo-chrétiens de la communauté matthéenne pour résumer ce qu'il peut y avoir de plus étranger à la vie de l’Église. 

Cette démarche communautaire rapportée par Matthieu ne peut être pratiquée que dans les petites communautés, telle celle de notre évangéliste, dont les membres ont choisi d'adhérer. Dès qu’une Église devient une grande assemblée dans laquelle les fidèles sont nés ou qui englobe toute une nation, cette pratique disciplinaire ne peut pas être appliquée. Ces vv. 15-17 paraissent destinés à modérer le zèle de chrétiens exigeant l'exclusion immédiate des pécheurs.

Le jugement de l’Église

Au v. 18, des membres de l'Église peuvent réintégrer le pécheur en son sein ou l'exclure selon le sens du couple « lier/délier », termes empruntés au vocabulaire juridique du judaïsme qui utilisait la formule « lier/délier » pour signifier « défendre, permettre ». L’expression s’applique au domaine disciplinaire (excommunication) et aux décisions doctrinales ou juridiques. En Mt 16,19, Pierre reçoit ce pouvoir à un titre éminent (voir Jn 21,15-17). Ici, l'évangéliste applique l’autorité aux disciples, groupe qui, pour Matthieu, est identique aux Douze. Un logion johannique rapporte que le Ressuscité confère ce pouvoir aux disciples en employant les mots « retenir et remettre », termes qui disent la même réalité (Jn 20,23). La communauté prise dans son ensemble est ainsi assurée que son pardon est pardon de Dieu lui-même. Mais si Dieu donne son aval à l'activité disciplinaire de l'Église, il s'agit cependant pour celle-ci d'une lourde responsabilité dont les vv. 19-20 précisent l'esprit.

La vie de prière

Le contexte des vv. 19-20 suggère de comprendre que le Christ assiste les chrétiens dans leur démarche qui tendent à parfaire l'unité de la communauté et qu'il les confirmera de sa propre autorité. Les « deux » et « trois » que l’on retrouve dans ces versets rappellent le nombre des témoins du v. 16. Le v. 19 s'inspire d'une promesse de Jésus : Tout ce que vous demandez dans la prière, croyez que vous l'avez déjà reçu, cela vous sera accordé (Mc 11,24). Matthieu adapte cette recommandation au contexte : dans son dialogue avec le pécheur, l'Église n'agira pas en se fiant à sa propre sagesse, mais se mettra à l'écoute de Dieu en le priant pour que réussisse la correction fraternelle. Le v. 20, qui clôt la dernière partie de notre péricope et qui élargit la situation concrète du v. 19, est un passage qui appartient aux énoncés christologiques de haut niveau du Nouveau Testament. Dans cet extrait, Matthieu recourt à la sentence juive ancienne : « Si deux hommes se trouvent ensemble et que les paroles de la Loi soient au milieu d'eux, la Présence réside au milieu d'eux » (m. ‘Abot 3,2.6) qu’il reformule ainsi Car là où deux ou trois s’assemblent en mon nom, je suis au milieu d’eux. Sans identifier Jésus à Dieu personnellement et ontologiquement, l’évangéliste indique que le Christ reprend et accomplit la figure et la promesse de la présence divine dans l’Ancien Testament (Ex 3,12 ; Jr 1,8 ; Es 41,10 ; 43,5) d’une part et, d’autre part, souligne que la présence du Christ, qui est une présence active et efficace tous les jours - assistance analogue à celle du Paraclet johannique (Jn 14,16 ; 16,7-11 ; voir 1 Jn 2,1) -, est force et puissance. Jésus qui rassemble les chrétiens, et dans la mesure où ils se réunissent pour agir en son nom dans les questions difficiles, sont assurés de sa présence. En d’autres termes, l’évangéliste, qui tient pour un devoir des communautés chrétiennes la pratique de la  « réprimande fraternelle », assure la présence du Ressuscité à ceux qui se livrent à tous les essais de correction et de réconciliation entre frères au sein de l'Église (voir 1 Co 5,3-5). Au dernier verset de son évangile (28,20), Matthieu réitère le v. 20. Cette reprise permet de rappeler à ses contemporains la présence du Christ dans leur vie qui est si importante pour la christologie de l’évangéliste (1,23). Mais ce rappel ne se limite pas seulement aux chrétiens du 1er siècle de notre ère. Dans un monde en perpétuel changement, le v. 20 de notre péricope signifie que le Ressuscité manifeste sa présence encore aujourd’hui dans la vie des croyants qui s’exercent à mettre en pratique les enseignements de Jésus, notamment ceux relatifs à la prière individuelle (Mt 6,6) et à la réconciliation (Mt 5,23-25 et parallèles), qu’il a donnés durant sa vie terrestre.

Béatrice Bérubé

Source : Le Feuillet biblique, no 2541. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Diocèse de Montréal.

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