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29e dimanche ordinaire A - 22 octobre 2017
 

Rendre à Dieu ce qui est à Dieu

The Tribute Money

L’impôt dû à César
Pierre Paul Ruben, circa 1612
Huile sur bois, 144 x 190 cm
Fine Arts Museums of San Francisco

L’impôt dû à César : Matthieu 22, 15-21
Les lectures : Isaïe 45, 1.4-6a ; Psaume 95 (96) ; 1 Thessaloniciens 1, 1-5b.
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

L'écrit d'Isaïe nous transporte au 6e siècle av. Jésus-Christ, celui de l'Apôtre Paul, à l'année 50 après Jésus-Christ et l'évangéliste Matthieu vers 80. Deux récits évoquent l'action bienveillante de Dieu pour ses créatures, et l’évangile constitue un appel à rendre à Dieu ce qui est à Dieu.

Matthieu 22, 15-21

Depuis la première annonce de la Passion (16,21-23), Jésus se heurte à des adversaires hostiles qui ont décidé de le faire mourir.  L'heure de la passion  approche. L'extrait retenu s'insère dans l'ensemble des polémiques de Jésus avec les Pharisiens (de 21,23 à 22,46). Le récit évoque une délégation de Pharisiens et d'Hérodiens qui tendent un piège à Jésus, un filet dans lequel l'oiseleur isolera sa proie (Psaume 91,3). Jean le Baptiste leur a déjà désigné Jésus, mais eux ne sont pas intéressés à reconnaître Jésus comme un chemin de vie.

À cette époque, la Judée est sous la domination de l’empereur de Rome Tibère-César, donc soumise aux impôts dus à ce monarque: c'est le droit de l'occupant. Ne pas se soumettre à cette obligation, c'est se mettre hors-la-loi. Ce devoir représentait un dilemme pour les Judéens.  Dans cette société, les Zélotes, opposés aux occupants, utilisaient  le mécontentement des pauvres pour se rebeller contre les Romains. Les Hérodiens, partisans ou fonctionnaires d'Hérode le Grand, étaient favorables aux Romains. Quant aux Pharisiens et aux Sadducéens, il s'efforçaient de s'accommoder à l'empereur et payaient l'impôt exigé; c'est de leur poche que sort la pièce d’argent à l'effigie de César.

D’entrée de jeu Matthieunote que Les Pharisiens se concertèrent pour prendre en faute Jésus (v. 15).  Marc, pour sa part, indique que  les chefs des prêtres et les scribes et les anciens envoient des Pharisiens et des Hérodiens (12,13); quant à Luc, il mentionne que pour l'épier, ils (les chefs des prêtres et les scribes) lui envoyèrent des espions qui faisaient mine d'être justes, afin de le prendre en défaut (20,20). Les trois évangélistes relatent l'événement en insistant sur l'hostilité, la duplicité, la perversité (v. 18) de la délégation qui commence par un compliment de façade (v. 16) pour passer à l'attaque: Est-il permis, oui ou non de payer l'impôt à l'empereur? (v. 21). Si Jésus répond négativement, il se range dans le camp des Zélotes et passe pour un révolutionnaire dangereux qui mérite la condamnation; on le dénoncera aux autorités d'occupation. Si sa réponse est affirmative, d’une part il désavouerait  l'espérance de son peuple qui cherche à se libérer, et d'autre part il se discréditerait lui-même aux yeux des siens qui attendent un Messie qui soit un roi indépendant, régnant sur Jérusalem.

Une réponse inattendue: nous devons tout à Dieu, car tout pouvoir vient de Lui

Jésus reconnaît que, dans une société, les pouvoirs publics légifèrent en faveur du bien-être des citoyens. Ils sont appelés à participer à la politique des nations, à inventer des solutions aux plans économique et social, à assainir les relations entre humains. Toutefois, tout en reconnaissant la validité du pouvoir politique,  Jésus le relativise –voire le désacralise- et le dépasse.

Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu (v. 21; cf. Romains 13,1-2.6-7).Il y a plus grand que César dont le pouvoir est passager, toujours limité et  perfectible. À l’opposé, il y a la puissance de Dieu qui a créé l'univers (1 Chroniques 29,11-14), l'Unique qui, par amour, a façonné l'homme et la femme à son image, et non à l'image de César ou de Cyrus. La priorité et la primauté revient au Créateur et les hommes n'ont pas à sacraliser le pouvoir de l'empereur en lui offrant un culte divin, tel que cela se pratiquait à Rome et dans l'empire. Il ne s'agit pas de mettre en rivalité  deux autorités,  de confondre le profane et le surnaturel, de séparer les responsabilités civiles des engagements de la foi. Dieu est l'origine de toute vie. Du cœur de chaque humain doivent jaillir l’amour, la joie et la paix.  Son envoyé Jésus est celui qui enseigne le chemin de Dieu (v. 16). Par sa parole et son action, il instaure un  Royaume de justice, d'amour et de paix, privilégiant les pauvres et les opprimés. Les disciples, à l'instar de leur maître,  sont appelés à offrir lumière et réconfort, rendant ainsi visible la présence de Dieu à toutes les nations.

En ce dimanche, le Psaume 95(96) offre aux chrétiens le merveilleux moment de chanter la grandeur et la gloire de Dieu en reconnaissant que tout vient de Lui. Au vibrant hommage des humains en prière se joint la nature entière depuis les masses d'eau qui mugissent et les arbres des forêts qui dansent de joie (vv. 11-13).

Au 16e siècle, saint Laurent de Brindisi, capucin et docteur de l'Église a écrit : « Il nous faut payer à César le denier portant l'effigie et l'inscription de César, à Dieu ce qui a reçu le sceau de l'image et de la ressemblance divines : la lumière de ton visage a laissé sur nous ton empreinte, Seigneur (Psaume 4,7). Nous sommes faits à l'image et à la ressemblance de Dieu (Genèse 1,26). Chrétien, tu es donc la monnaie du trésor divin. Si donc, nous voulons être une image de Dieu, nous devons ressembler au Christ, puisqu'il est l'image de la bonté de Dieu et l'effigie exprimant son être (Hébreux 1,3). Et Dieu a destiné ceux qu'il connaissait par avance à être l'image de son Fils (Romains 8,29). Ainsi ceux qui ressemblent au Christ par leur vie, leur conduite, se modelant sur lui, rendent vraiment l'image de Dieu. Ils rendent à Dieu ce qui revient à Dieu. » (Les Pères de l'Église commentent l'Évangile, 1991)

Autre temps, autre empereur (Isaïe 45, 1-4.6a)

Israël a connu l'esclavage en Égypte, la faim au désert, la déportation à Babylone, en 587. Le Second Isaïe va relater la fin de ce dernier exil et nous fait connaître le roi Cyrus de Perse, qui  conquiert l'Assyrie, la Syrie, la Cappadoce, ainsi que Babylone en 559. Le roi d'Orient est un libérateur favorisant la liberté religieuse,  restituant  au peuple juif les trésors du Temple en 538. Le Second Isaïe (le Deutéro-Isaïe) légitime le roi Cyrus (559-529) bien que celui-ci  ignore Yahvé. Le prophète affirme que Dieu confère une tâche politique et religieuse au roi païen;  par  son intermédiaire, le peuple est délivré.  Il lui confère même les  titres de berger, de serviteur,  d'OInt (=Messie) alors que jusque-là, seuls Saul, David et Salomon ont reçu l'onction qui perpétue la monarchie de David. Choisi par Dieu, Cyrus gouvernera politiquement  et religieusement  le peuple. Le prophète, que voit-il en lui sinon la restauration du passé,  permettant aux Juifs captifs de rentrer dans leur patrie. Israël, de retour à Jérusalem, va retrouver les structures sociales, politiques et religieuses d'antan. Et cela, grâce à la puissance et à la bienveillance de Celui dont le nom est  au-dessus de tout nom. Cet événement manifeste la sollicitude de Dieu à l'égard d'Israël; il apparaît comme le Seigneur qui, mystérieusement, à toutes les époques, accompagne  l'histoire profane comme l'histoire du salut de chaque peuple.

Julienne Côté

Source : Le Feuillet biblique, no 2547. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Diocèse de Montréal.

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