L’Annonciation. Adriaen van de Velde, 1667. Huile sur toile, musée d’État d’Amsterdam

Avec Marie, accueillir le mystère

Yvan MathieuYvan Mathieu | 4e dimanche de l'Avent (année B) - 24 décembre 2017

Annonce de la naissance de Jésus : Luc 1, 26-38
Les lectures : 2 Samuel 7, 1-5.8b-12.14a.16 ; Psaume 88 (89) ; Romains 16, 25-27
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

En ce quatrième dimanche d’Avent, qui coïncide cette année avec la veille de Noël, nous lisons le récit de l’Annonciation. Or, ce passage fait suite à une première annonce de naissance, celle de Jean Baptiste (Lc 1,5-25). Pour bien saisir le message de Luc, il importe de comparer les deux annonces : celle à Zacharie et celle à Marie.

Une humble femme
Quand il présente le père et la mère de Jean Baptiste, Luc insiste sur leur descendance sacerdotale : Zacharie est « un prêtre du groupe d’Abia » (1,5). « Sa femme aussi était descendante d’Aaron ; elle s’appelait Élisabeth » (1,5). De même, Joseph, le fiancé de Marie, est « un homme de la maison de David » (1,27) ; il est de descendance royale. Rien de tout cela pour Marie. Luc ne nous dit pas de quelle tribu elle est. Il la décrit simplement comme « une jeune fille vierge » (1,27) qui habite « une ville de Galilée, appelée Nazareth » (1,26). Marie ne peut prétendre à aucun prestige humain.

Aller vers Dieu ou laisser Dieu venir vers nous ?

Pourtant, Marie a du prix aux yeux de Dieu. Zacharie s’était déplacé de chez lui vers le Temple de Jérusalem et, au moment où il entre dans le sanctuaire du Seigneur pour offrir l’encens, il reçoit l’annonce de la naissance de son fils. À la fin du récit, « lorsqu’il eut achevé son temps de service liturgique, il repartit chez lui » (1,23). Marie, elle, ne se déplace pas pour aller vers Dieu. Dieu lui envoie son messager : « l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu […] à une jeune fille vierge […] ; et le nom de la jeune fille était Marie » (1,26-27). Et au terme du récit, « l’ange la quitta » (1,38). On pressent déjà que l’humble Vierge de Nazareth sera mystérieusement Temple du Seigneur.

Une femme touchée par la grâce

La salutation de Gabriel nous révèle également que le regard de Dieu s’était déjà posé sur Marie : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi » (1,28). Marie est « Comblée-de-grâce », kecharitômenè. Ce participe grec indique que Dieu, dans le passé, a transformé Marie en la couvrant de sa charis, de sa grâce et que cette transformation se poursuit. C’est le mystère de l’Immaculée Conception, célébré le 8 décembre. Et cette grâce se poursuit dans le temps. Littéralement, « le Seigneur avec toi ». Ici, l’absence de verbe en grec indique bien que la présence du Seigneur auprès de Marie ne se limite pas au moment de la salutation de l’ange. L’expression fait écho aux récits de Gédéon et de Samson dans le livre des Juges.

Une crainte de Dieu qui met le cœur en marche

Cette grâce de Dieu dans le cœur de Marie se manifeste bien dans sa réaction à la parole de Gabriel. À la vue de l’ange, « Zacharie fut bouleversé et la crainte le saisit » (1,12). Cette crainte le paralyse. Marie, elle, « fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation » (1,29). Le bouleversement de Marie est plus grand que celui de Zacharie, mais au lieu de la figer, la crainte de Marie met son cœur en mouvement, elle cherche à comprendre.

Une naissance qui accomplira les promesses de Dieu

Quand il s’adressait à Zacharie, l’ange lui avait annoncé : « ta supplication a été exaucée : ta femme Élisabeth mettra au monde pour toi un fils, et tu lui donneras le nom de Jean » (1,13). Marie, elle, n’avait rien demandé. Gabriel lui dit : « Voici que tu vas concevoir (sullèmpsè en gastri) et enfanter (texèi) un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus » (1,31). Ses paroles font écho à l’oracle du prophète Isaïe : « Voici que la vierge est enceinte (en gastri hexei), elle enfantera (texetai) un fils, qu’elle appellera Emmanuel » (Is 7,14).

Jésus sera plus grand que Jean Baptiste

Le fils de Zacharie et Élisabeth « sera grand devant le Seigneur. Il ne boira pas de vin ni de boisson forte, et il sera rempli d’Esprit Saint dès le ventre de sa mère ; il fera revenir de nombreux fils d’Israël au Seigneur leur Dieu ; il marchera devant, en présence du Seigneur, avec l’esprit et la puissance du prophète Élie, pour faire revenir le cœur des pères vers leurs enfants, ramener les rebelles à la sagesse des justes, et préparer au Seigneur un peuple bien disposé. » (Lc 1,15-17). Quant au fils de Marie, il « sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin » (1,32-33).

Le doute de Zacharie, la foi de Marie

Devant une telle annonce, il est normal de soulever une question. Zacharie demande : « Comment vais-je savoir que cela arrivera ? Moi, en effet, je suis un vieillard et ma femme est avancée en âge » (1,18). Il ne croit donc pas la parole qui vient de lui être annoncée. Reprenant la question d’Abraham en Gn 15,8, Zacharie aurait dû se rappeler que rien n’est impossible à Dieu. Mais sa mémoire croyante est en panne. Marie, de son côté, pose une autre question : « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ? » (Lc 1,34). Elle est convaincue que cela va se faire. Elle cherche simplement à préciser quels seront son rôle et celui de Joseph dans cette merveille qui vient de lui être révélée.

Deux signes bien différents

En réponse, Gabriel donne un signe. Du côté de Zacharie, le signe est négatif : « voici que tu seras réduit au silence et, jusqu’au jour où cela se réalisera, tu ne pourras plus parler, parce que tu n’as pas cru à mes paroles ; celles-ci s’accompliront en leur temps » (1,20). Le refus de croire provoque le silence sans toutefois empêcher la réalisation de la promesse. Du côté de Marie, la question est bien accueillie et fait naître une autre parole de la part de Gabriel. « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu » (1,35). En plus de révéler comment cela se fera, l’ange donne deux autres titres au Fils de Marie. Puis il ajoute un signe grandiose. « Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu » (1,36-37). Et Marie de croire à l’impossible : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole » (1,38).

Apprendre de la foi de Marie

À quelques heures de Noël, il importe de reconnaître que notre expérience de foi ressemble à celle de Marie. Si celle-ci fut transformée par la grâce au moment de sa conception, nous avons, nous aussi, été touchés par la grâce de Dieu au jour de notre baptême. Comme il l’a fait avec Marie, Dieu se fait proche de nous et nous invite à collaborer avec lui pour que son Fils se manifeste au monde. Comme Marie, que notre crainte de Dieu, que notre foi mette notre cœur en marche. Disons au Seigneur notre foi et demandons-lui : « comment cela va-t-il se faire ? » Ou, en d’autres mots : « comment puis-je collaborer Seigneur à ton projet d’amour ? » Comme Marie, osons croire que rien n’est impossible à Dieu !

Membre de l’Ordre des Servites de Marie, Yvan Mathieu est professeur à l’Université Saint-Paul (Ottawa).

Source : Le Feuillet biblique, no 2556. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Diocèse de Montréal.

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