Jésus prêchant par Fra Angelico

Le règne de Dieu est tout proche

Lorraine CazaLorraine Caza, CND | 3e dimanche du Temps ordinaire (B) - 15 janvier 2018

Première prédication et appel des premiers disciples : Marc 1, 14-20
Les lectures : Jonas 3, 1-5 ; Psaume 24 (25) ; 1 Corinthiens 7, 29-31
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Il est saisissant de constater avec quelle rapidité l’évangile de Marc passe du récit du baptême de Jésus par Jean Baptiste à l’énoncé-synthèse de l’Évangile de Dieu proclamé par Jésus (Mc 1,14s). Bien sûr, Marc a ménagé une très courte évocation des quarante jours au désert de Jésus, mais la liturgie des dimanches de l’année B nous fait passer directement du baptême de Jésus (dimanche précédent) au contenu de son message, c’est-à-dire à ce que Marc appelle « l’Évangile de Dieu ». L’évangéliste précise que cette bonne nouvelle de Dieu n’a été proclamée qu’après l’arrestation du Baptiste. On sait que l’exécution de ce dernier sera présentée en Mc 6,17-29.

Et si la Galilée avait valeur symbolique en Marc?

La proclamation par Jésus, précise Marc, s’est faite en Galilée, dans la région nord-ouest du lac de Génésareth. C’est donc en cette région du monde que s’est déroulé, selon Marc, l’essentiel de l’activité publique de Jésus, les commencements de son ministère. Le fait que le jeune homme assis à la droite du tombeau de Jésus, en Mc 16,7, dise aux femmes : « Allez dire à ses disciples et à Pierre qu’il vous précède en Galilée : c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit » conduit R. Schnackenburg à appeler la Galilée : le symbole de la bonne nouvelle de l’évangile.

La mission de Jésus, en abrégé

Cet « Évangile de Dieu », nous dit l’évangéliste, est résumé par Jésus en ces quelques mots : « Les temps sont accomplis. Le Règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. » Arrêtons-nous d’abord à cette brève, mais si riche formulation du message que Jésus a mission de proclamer au monde: Les temps sont accomplis.

Qu’est-ce qui accomplit le temps?

 De quels temps s’agit-il? De quel accomplissement est-il question? Est-ce le temps de l’attente de l’intervention par excellence de Dieu dans l’histoire? On ne peut oublier la formule de Paul dans sa Lettre aux Galates : Quand vint la plénitude du temps où l’apôtre se réfère à l’Incarnation du Fils  (Ga 4,4). Est-ce que l’on exprime l’arrivée des temps messianiques et eschatologiques?  La suite de la proclamation est éclairante : le « Règne de Dieu est tout proche ».

À quels traits reconnaît-on le monde où Dieu règne?

Est-ce à dire qu’avec la venue de Jésus, Dieu règne « sans restriction et sans entraves », que disparaissent désormais les souffrances et les ténèbres, le monde du péché et de l’angoisse? Quel changement ces temps accomplis, cette approche du Règne de Dieu apportent-ils à notre terre?

Regardons Jésus agir : il enseigne ; il guérit les malades ; et chasse les démons ; il pardonne les péchés et apporte la miséricorde à tous les êtres humains.  En tout cela, on peut parler d’une présence du Règne de Dieu, dans l’activité publique de Jésus. Cette présence, elle est mystère, elle est secret (Mc 4,11). À l’œuvre dans tout l’agir de Jésus, le Règne est aussi présent dans ce retournement en profondeur des êtres humains que Jésus demande : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. »

La conversion et la foi qui la sous-tend

Se convertir, c’est rebrousser chemin, se rendre compte qu’on n’est pas engagé dans la bonne direction, puis, prendre la suite de Jésus, s’engager sur la route tracée par sa vie et son enseignement, aimer jusqu’au bout, aimer les personnes aimables mais aussi les ennemis, renouveler en profondeur l’intime de son cœur, se mettre complètement à la disposition de Dieu.

Mais comment opérer une conversion au Christ si on n’a pas foi dans le Christ? À l’appel à la conversion est donc intimement liée l’exhortation à croire à la Bonne Nouvelle, à l’offre de salut qui nous est faite par Dieu en Jésus Christ, à la puissance salvatrice de Jésus Christ. On pense à la réponse de Jésus au père du démoniaque épileptique qui lui dit: «Mais si tu peux quelque chose, viens à notre aide et prends pitié de nous».  Jésus, en effet, répond : « Si tu peux… Tout est possible à celui qui croit. » C’est donc dire que la foi marque l’entrée dans le monde de Dieu.

Le passage de l’évangile de Marc que nous considérons en ce troisième dimanche (Mc 1,14-20), nous plonge au cœur du message de l’évangéliste touchant Jésus.  Les deux premiers versets, avons-nous vu, situeront Jésus par rapport à Jean Baptiste, le campent dans sa petite patrie, la Galilée, et résume pour nous l’Évangile de Dieu que Jésus va proclamer par toute sa vie.  

Marc ne présente pas Jésus sans ses disciples

Les cinq versets qui suivent nous présentent l’appel des quatre premiers disciples en un récit « extrêmement sec et surprenant », observe Jean Delorme.  On est au bord du lac de Génésareth. Il faudrait être bien naïf pour croire que cet appel de Pierre et d’André, puis, de Jacques et de Jean a été, en raison de sa place dans le texte, la toute première action du ministère public de Jésus. Les contacts des quatre avec Jésus avaient certainement commencé avant ce jour.  Un coup d’œil dans l’évangile de Jean nous est ici d’un grand secours. C’est alors qu’il est disciple du Baptiste qu’André entend ce dernier pointer vers Jésus en affirmant : « Voici l’Agneau de Dieu. »  Selon le quatrième évangile, André se met alors à la suite de Jésus, rencontre son frère Simon et l’informe qu’il vient de trouver le Messie. André, alors, amène Simon à Jésus. Mise en scène fort différente, mais qui nous dit quelque chose d’important au sujet de Marc. Ce dernier n’entend pas nous présenter une biographie historique de Jésus.

Et nous?

Lorsqu’en ce 21 janvier 2018, nous reprenons en Église ces versets du premier chapitre de l’évangile de Marc, ne manquons pas d’être attentifs au lien étroit que Marc a signalé entre l’ancienne alliance  et la nouvelle par sa façon de situer Jean Baptiste par rapport à Jésus. Ce commencement de l’Évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu, mentionne la prédication de Jean avant même d’introduire celle de Jésus. Puis, on assiste au baptême de Jésus par Jean. Enfin, cet évangile nous offre un récit de l’exécution cruelle et injuste de Jean qu’on ne peut que rapprocher de la passion et de la mort de Jésus.

 Il y a ensuite cette importance donnée au ministère en Galilée, couronnée par ce message du Ressuscité convoquant les disciples et Pierre à le joindre en Galilée où Il les précédera. Le centre du judaïsme, la Ville sainte du peuple juif, c’est pourtant Jérusalem. Pourquoi alors cette attention toute spéciale à l’humble Galilée?

Le thème de la présence du Règne de Dieu est central, en Mc 1,15. Ne nous invite-t-il pas d’une part à scruter la manifestation de ce Règne  dans toute la vie et l’enseignement de Jésus, mais aussi à discerner quelque chose de cette présence dans nos humbles réponses à l’appel à la conversion et à la foi?

Enfin, Marc, qui unit dès le seuil de son évangile sa présentation de Jésus et celle de ses disciples ne nous stimule-t-il pas à un engagement profond de disciple missionnaire de Jésus, à la suite des quatre?

Et les autres lectures

Le passage du livre de Jonas que nous avons en première lecture connaît aussi le langage de la conversion, avec cet appel vibrant du prophète aux Ninivites. L’appel est si bien accueilli et la conversion du peuple si profonde  que Dieu pardonne et donc que quelque chose du monde de Dieu apparaît,  désarçonnant Jonas.

La seconde lecture, prise de 1 Co 7, 29-31, reprend le thème du temps pour rappeler qu’il est limité. Y a-t-il un lien à découvrir entre les temps sont accomplis (Mc 1,15) et ce monde tel que nous le voyons, est en train de passer (1 Co 7,31)?

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Lorraine Caza est bibliste et professeure honoraire du Collège dominicain de philosophie et de théologie (Ottawa).

Source : Le Feuillet biblique, no 2560. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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