L’apparition aux disciples. Duccio di Buoninsegna. Détails de La Maestà, 1308-1311. Museo dell’Opera Metropolitana del Duomo (Sienne).

Julienne Côté, CND | 3^e dimanche de Pâques (année B) - 15 avril 2018

L’apparition aux Onze : Luc 24, 35-48
Les lectures : Actes 3, 13-15. 17-19 ; Psaume 4 ; 1 Jean 2, 1-5a
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

La sollicitude du Seigneur à l'égard de ses disciples éveille et soutient leur foi, ainsi que celle des chrétiens et chrétiennes d'aujourd'hui.

À l'Heure de la Passion, les disciples se sont défilés, effondrés, à l'exception de Jean. À l'Heure de la Résurrection quel est leur comportement? Les évangélistes mentionnent qu'ils avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs (Jn 20,19). Thomas va déclarer que si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l'endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je n'y croirai pas (20,25). Les disciples d'Emmaüs que Jésus rejoint sur la route avaient un visage sombre, secoués, bouleversés par ce qui est arrivé à leur Maître(Lc 24,17-21). Et lorsque Jésus se trouve au milieu du groupe des disciples, ceux-ci, frappés de stupeur et de crainte, le prennent pour un esprit (24,37). Comment ces hommes que le prophète Jésus a choisis et formés deviennent-ils capables de croire en la résurrection? Comment Jésus les accompagne-t-il dans ce parcours?

L'extrait évangélique choisi en ce dimanche (24,35-48) montre Jésus qui accompagne ses disciples dans cette période de ténèbres qu'ils vivent. Les gestes qu'Il pose éveillent au cœur de ces hommes qui souffrent un horizon de vie insoupçonné, une espérance nouvelle.

À la lumière des Écritures

C'est à la lumière de l'ensemble du Pentateuque, des Prophètes, des Psaumes et des recueils sapientiaux que les disciples approfondissent les actions du Maître à l'égard des malades, des infirmes, des rejetés de son époque; qu'ils réfléchissent aux enseignements et aux prises de position à l'égard des autorités religieuses et politiques de l'époque; qu'ils regardent son comportement à l'Heure de sa passion. Pendant un certain temps, – celui des apparitions, résumées en une journée, chez Luc –, ils ont eu besoin d'expériences sensibles, de s'assurer de la corporéité de Celui qui prend l'initiative de les visiter : tantôt, le Maître réclame un morceau de poisson grillé (v. 42), tantôt Thomas demande de mettre son doigt à la marque des clous. Sur la route et à la table d'Emmaüs, Jésus, le Ressuscité, leur explique ce qui est arrivé (24,17-44). Et, petit à petit, ils découvrent l'identité profonde de Celui que Dieu a ressuscité d'entre les morts (v. 15).

Dans ce cheminement, c'est le Ressuscité lui-même qui instruit à nouveau ses disciples. Tout ce qu'Il a enseigné sur l'Alliance de Dieu avec Abraham, Isaac et Jacob (v. 12), avec Moïse et son peuple souvent infidèle, s'est résumé et accompli dans sa mort et sa résurrection. Moïse a été le libérateur de son peuple, mais Jésus, le Fils du Père, est le nouveau Moïse (Ac 3,23) qui délivre toute l'humanité d'une façon qui est sans commune mesure. C'est grâce au Christ ressuscité que les disciples ouvrent leur esprit à l'intelligence des Écritures... Il leur dit : Voici les paroles que je vous ai adressées quand j'étais encore avec vous. C'est bien ce qui était annoncé par l'Écriture : les souffrances du Messie, sa résurrection d'entre les morts, le troisième jour (vv. 45-46). De toute évidence, cet accomplissement des Écritures est à comprendre non seulement comme une vérification de ce qu'ont dit les prophètes, mais avant tout comme un débordement d'amour, une surabondance de vie.

À l'instar de son Maître, l'Apôtre Pierre, s'adressant aux Hommes d'Israël (Ac 3,13-19, la première lecture de ce dimanche), les invite à comprendre le mystère de sa vie. De quelle manière? En montrant que les prophéties du Premier Testament concernaient Jésus. La vie de Jésus, le Galiléen, est …

• celle du Juste, ami de Dieu (5,31; Lc 1,6; Is 53,11);

• celle du Saint (Ac 3,14; 4,27; 2,27; Lc 4,34; Jn 6,69);

• celle du Chef ou Prince des vivants, « initiateur de vie » (v. 15);

• celle du Serviteur (v. 14; Isaïe chapitres 42-53),

• du Messie souffrant (v. 18) qui réconcilie les gens, qui dispense la justice (Isaïe 52,13).

Par cette démarche d'approfondissement, les disciples accèdent au Ressuscité qui a traversé la mort, qui accède à la vie au-delà de la mort, une vie nouvelle, imprévisible, non limitée par le temps et l'espace. Le Maître n'est plus comme jadis. Pour Jésus, le Ressuscité, il ne s'agit pas d'un retour dans une vie mortelle, comme le vécurent Lazare, le fils de la veuve de Naïm (Lc 7,11-17) et la fille de Jaïre (8,40-56). Transcendant le monde mortel, Il « n'est pas le même, tout en étant le même » (François Varillon). Il est dans une manière toute nouvelle de vivre.

Le temps de la foi

À la vue du Ressuscité, les disciples ont comme un voile sur leurs yeux et leur cœur. Ils éprouvent méfiance et désarroi, stupeur et effroi, figés dans une incompréhension totale, dans la non-foi : ils n'osaient pas encore y croire (v. 41), tellement ils sont envahis par des débats intérieurs. Ils croient voir un esprit, un fantôme, réaction déjà exprimée au moment où Jésus a marché symboliquement sur la mer (Mt 14,25-26). Jésus alors s'adresse à eux dans la situation où ils se trouvent, selon le degré d'intelligence qui est le leur, comme une maman balbutie avec son tout petit, parce que celui-ci est à ce stade et qu'elle ne peut l'atteindre autrement. Saint Grégoire dira : « Jésus se présente à eux au dehors tel qu'Il était au-dedans dans leur cœur. » Jésus se fait reconnaître dans sa réalité corporelle transfigurée, Il veut conduire ses disciples dans une réalité qui dépasse ce que les prophètes ont annoncé, dans un ordre nouveau, transcendant, dans un type nouveau d'expérience, avant tout intérieure, spirituelle, unique et intense, « dans une mémoire de l'intériorité des événements ». Cette étape de cheminement des disciples est celle de la foi en l'événement unique de la mort et de la résurrection de Jésus, événement préparé au cours de l'histoire dramatique et douloureuse du peuple juif que Dieu, dans sa patience, sa bienveillance et son pardon, va délivrer. Israël, ainsi que toute l'humanité, est sauvé par la Pâque du Christ. C'est l'heure du choix pour la vie et non pour la mort.

Un appel à vivre en ressuscité

Notre foi est possible et réside dans l'amour indéfectible du Christ, manifesté à l'heure de la Croix, événement éclairé intérieurement. Notre foi se fonde sur le témoignage des disciples dont plusieurs ont vécu leur attachement au Seigneur Jésus Christ, jusqu'au martyre. Car, que font-ils après avoir adhéré au Ressuscité, sinon se vouer entièrement à la mission qu'Il leur a confiée, assurés qu'Il est avec eux et qu'Il nourrit leur espérance.

À travers les âges, la transmission de la foi s'est faite par une multitude de témoins et cela jusqu'à nos parents. À l'instar des Apôtres, nous pouvons grandir dans la foi en scrutant les Écritures, en aimant y consacrer du temps. Il vient parmi nous à nos assemblées eucharistiques. Il marche avec nous pour que nous soyons ses témoins dans nos familles, nos milieux de vie; pour que nous pardonnions comme le Ressuscité l'a fait à l'égard de Pierre qui l'a renié trois fois. S'adressant aux Hommes d'Israël, celui-ci leur dira : je sais bien que vous avez agi par ignorance... (Ac 3,17: la deuxième lecture); pour que nous assurions la paix comme Il l'a fait avec ses disciples désemparés, traumatisés par sa mort et son échec apparent.

Comme Lui, nous sommes appelés à nous faire proche d'autrui, à l'écouter, à l'accompagner dans les passages difficiles qu'il vit. Le Ressuscité, le Vivant est le seul capable de donner une jeunesse sans fin, une vie toujours renouvelée.

Source : Le Feuillet biblique, no 2572. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.