Jean, précurseur du messie (photo : internet)

 

Jean, le visiteur de l’Avent

Lorraine Caza Patrice Bergeron | 3e dimance de l’avent (C) – 16 décembre 2018

La prédication de Jean et l’annonce du messie : Luc 3, 10-18
Les lectures : Sophonie 3, 14-18a ; Cantique d’Isaïe 12, 2-6 ; Philippiens 4, 4-7
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Jean le Baptiste est un visiteur régulier de la période de l’Avent. Deux évangiles dominicaux sur quatre lui sont consacrés au cours de ce temps liturgique préparatoire aux fêtes de la Nativité de Jésus. Pas surprenant, lui dont le rôle est de préparer la route à Celui qui vient !

Jean, l’incontournable

À en juger par la place qu’il occupe dans les évangiles et par l’énergie que les évangélistes déploient à situer son rang par rapport à Jésus, on devine que Jean fut une figure incontournable de l’avant-scène religieuse juive aux abords de l’ère chrétienne. Contemporain de Jésus et comme lui, il fut un maître spirituel influent à l’origine d’un mouvement de disciples qui lui survécut, ceux-ci croyant même en sa messianité. Fait embarrassant pour les premiers missionnaires de l’Évangile : les communautés chrétiennes seront en compétition avec ces communautés se réclamant du Baptiste pendant les trois ou quatre premiers siècles de l’histoire de l’Église. Jean ferait-il ombrage à Jésus? Pourtant, pas question d’esquiver ce personnage admiré et des premiers chrétiens et de Jésus, lui qui l’a même qualifié du plus grand des enfants des hommes (Mt 11,11 ; Lc 7,28). Plutôt que d’ignorer l’embarras, les quatre évangélistes l’affrontent dès le début de leur œuvre, déclinant sans ambages son identité (il n’est pas le Messie), mais lui octroyant une place d’honneur de Précurseur, préparant immédiatement l’arrivée du Messie-Sauveur que sera Jésus.  

Jean, le prophète de la conversion

L’évangile de ce dimanche donne quelques échos de la prédication de Jean. Les foules viennent à lui, au désert, attirées par la démarche de conversion qu’il propose par le biais d’un geste symbolisant le changement de vie : le baptême dans l’eau du Jourdain. Ce changement de vie est motivé par l’imminence du Jour redoutable de Dieu que Jean, à l’instar des prophètes de l’Ancien Testament, annonce à ses contemporains. Il aurait fallu entendre le début menaçant – voire violent - de sa prédication, que la liturgie omet volontairement (Lc 3,7-9), pour comprendre la réaction de ses auditeurs : le « Que devons-nous faire ? » scandé par trois catégories de personnes composant la foule. Jean vient en effet de les traiter d’engeance de vipères,sujets potentiels de la colère du Dieu qui est sur le point de venir exercer son jugement universel.

Jean, le défenseur de la justice

Les annonces menaçantes et sévères de Jean sur l’imminence des temps derniers (que nous n’entendons pas en ce dimanche) laissaient présager des mesures extrêmes, des exigences radicales de changement de vie pour témoigner d’une conversion adéquate. Pourtant, il n’en n’est rien. Étonnamment, le ton de Jean s’adoucit devant la sincérité avec laquelle réagit la foule à sa prédication. C’est là où nous en sommes, dans l’extrait d’évangile que nous propose la liturgie de ce dimanche. Trois groupes différents s’enquièrent de la conduite à tenir dans l’attente de ce jour : les foules en général, un groupe de publicains et un autre de soldats. Ce qui est exigé de chacun relève de la justice élémentaire et de l’éthique de la fraternité universelle : partage, honnêteté, probité, refus de la violence et de l’abus de pouvoir. Rien qui ne soit déjà contenu dans les règles de conduite de la première alliance, la Loi et les Prophètes.

Jean, le miséricordieux

Une touche originale de miséricorde et d’universalisme, propre à l’évangile de Luc, teinte le ministère de Jean le Baptiste. Les publicains et les soldats, deux groupes méprisés du peuple en raison de leur collaboration avec l’occupant romain, ont accès à Jean et répondent favorablement à son appel à la conversion. Or, Jean ne leur ferme pas la porte de la communion à Dieu comme l’auraient peut-être fait les Pharisiens de l’époque, enfermant les gens dans des catégories de « purs » et « d’impurs ». Jean rompt avec cette logique pharisienne. Il ne cède pas non plus au patriotisme zélote, pour qui la collaboration avec l’occupant païen était un scandale. Ces publicains et ces soldats, Jean ne les enjoint même pas à changer de métier, mais simplement à le pratiquer dans l’honnêteté et le respect de la personne humaine. Fidèle à sa réputation d’évangéliste de la miséricorde, il n’est pas étonnant que Luc soit celui qui dresse le portrait le plus universaliste du personnage de Jean le Baptiste.

Jean, le Messie?

Le charismatique prêcheur du désert pose question pour ses contemporains en attente du Messie, nous précise l’évangéliste. Serait-ce lui? Pour les raisons évoquées plus haut, l’évangéliste ne peut éluder cet enjeu de l’identité de Jean, aussi, la fin de notre évangile dominical s’y consacre. Quoi de mieux que de laisser à Jean lui-même le soin de décliner son identité! Et il ne le fait pas à moitié, se disant même indigne de poser un geste d’esclave (défaire la courroie des sandales) à l’endroit de Celui qui est plus puissant que lui (le Messie à venir).

Mais plus que de préciser son identité, il s’agit aussi pour l’évangéliste de se prononcer sur la valeur du baptême proposé par Jean. Probablement que des milliers de disciples ayant connu Jean – dont Jésus lui-même – ont reçu ce baptême. De plus, des générations de disciples du Baptiste continueront de vivre ce rite bien après sa mort. De ce fait, le Nouveau Testament en garde une trace au livre des Actes des Apôtres (Ac 18,25; 19,1-7). Si bien que les premiers chrétiens devaient bien se demander quelle était la différence entre le baptême que proposait Jean et le baptême chrétien qui, très vite après la résurrection du Christ, s’est imposé comme rite d’adjonction à la communauté ecclésiale. Encore là, l’évangéliste laisse à Jean le soin de répondre lui-même à ce questionnement. On met sur ses lèvres ce qui devait être la position théologique de l’Église primitive à propos de la valeur qualitative de ces deux baptêmes. Le baptême de Jean, avec de l’eau, purement préparatoire, disposait le cœur de ceux qui le recevaient, témoignant d’une réelle conversion en attente du Royaume de Dieu devant s’ouvrir par l’arrivée imminente du Messie. Mais le Royaume de Dieu étant venu par Jésus Christ, le baptême que donnera l’Église en son nom sera d’Esprit Saint et de feu : il donnera la vie même de Dieu (l’Esprit-Saint) et obtiendra une réelle purification, un réel pardon des péchés (feu).

Jean, le porteur de Bonne Nouvelle

Il est étonnant d’entendre l’ultime verset de notre évangile dominical. Jean, par ses exhortations, annoncerait déjà la Bonne Nouvelle au peuple? Dans le Nouveau Testament, l’expression Bonne Nouvelle est habituellement réservée, soit à la prédication même de Jésus, soit à celle de son Église prêchant le Règne de Dieu advenu par Jésus, Christ et Seigneur. Autrement dit, la Bonne Nouvelle, c’est Jésus lui-même et les conséquences salvifiques de sa venue dans l’histoire humaine! Ainsi pour Luc, en préparant les cœurs de ses contemporains à la venue du Christ, la prédication de Jean est déjà Bonne Nouvelle, comme les lueurs de l’aurore sont déjà promesses de l’astre du Jour.

Détenteur d’une licence en Écritures Saintes auprès de l’Institut Biblique Pontifical de Rome, Patrice Bergeron est prêtre du diocèse de Montréal, curé de paroisses et professeur de Bible à l’Institut de formation théologique de Montréal. Il collabore au Feuillet biblique depuis 2006.

Source : Le Feuillet biblique, no 2598. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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