Jésus et la femme adultère. Boissoudy, 2016. Lavis d’encre sur papier (Boissoudy.com).

La femme adultère pardonnée

Béatrice Bérubé Béatrice Bérubé | 5e dimanche du Carême (C) – 7 avril 2019

La femme adultère : Jean 8, 1-11
Les lectures : Isaïe 43, 16-21 ;Psaume125 (126) ; Philippiens 3, 8-14
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

La péricope johannique intitulée La femme adultère que nous lisons aujourd’hui présente Jésus sommé de se prononcer sur l’adultère comme il l’a déjà fait chez Mt 5,27-32. Ce texte peut être découpé en trois parties : Jésus qui enseigne au Temple (vv. 1-2), les pharisiens et leurs scribes qui demandent à Jésus de se prononcer sur un commandement de Moïse (vv. 3-9), puis le verdict de Jésus (vv. 10-11).

Jésus le Maître (vv. 1-2)

Dès le début de la péricope, Jésus est placé dans une position d’autorité et d’enseignant : de bon matin, il est dans le Temple et il enseigne à tout le peuple (Lc 21,37-38), c’est-à-dire qu’il interprète la Loi avec sagesse et compétence (Mc 11,27-28). C’est précisément sur ses qualités de maître qu’il sera soumis à l’épreuve.

Le procès (vv. 3-9)

Au temps de Jésus, les pharisiens et leurs scribes réfèrent continuellement à la Loi dans leur enseignement. Pour eux, la Loi commande une obéissance impérative et sans appel. Sous aucun prétexte, ils n’en violent les règles, même si une urgence humaine implore une dérogation. Une fois de plus, ils désirent tester Jésus : ils lui amènent une femme prise en flagrant délit d’adultère. Ils lui disent : Dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu? (vv. 3-5). Ces propos n’en restent pas à ces termes si généraux ; ils vont au-delà de ces mots. Le précepte de Moïse : Tu ne commettras pas l’adultère (Ex 20,14 ; Dt 5,18) s’insère dans un contexte social où la famille israélite étant de type patriarcal, dans un couple, le mari est le propriétaire de sa femme. En Ex 20,17, la femme est énumérée parmi les possessions du chef de famille. Prendre femme équivaut à en devenir propriétaire (Dt 21,13 ; 24,1) : les femmes ne sont donc pas sur un plan d’égalité avec les hommes. L’interdiction de l’adultère est une question légale et juridique.

L’interdiction de l’adultère présuppose le mariage légal ou la promesse formelle du mariage. L’adultère implique la violation de la fidélité sexuelle légitimement attendue des femmes mariées ou fiancées. Grâce à cet interdit, on protège le droit exclusif de tout mari sur sa femme, que ce soit contre les infidélités de cette dernière ou contre les abus des autres hommes envers elle. La femme mariée doit fidélité sexuelle exclusive à son époux de telle façon qu’elle commet l’adultère si elle a des relations sexuelles hors mariage. La femme fiancée est assimilée à la femme mariée puisqu’elle appartient déjà à son fiancé, comme la femme à son mari (Dt 22,21 ou 22,22-24). Néanmoins, le précepte de Moïse vaut aussi pour les hommes. Le mari, en revanche, n’est adultère que s’il a des relations sexuelles avec une femme mariée à un autre homme ou avec une fiancée. En d’autres mots, la femme peut briser seulement son propre mariage, mais le mari peut détruire celui des autres.

Le châtiment prévu pour les deux complices est la condamnation à mort (Lv 20,10 ; Dt 22,22-24) puisque l’adultère est considéré comme une faute très grave, car la relation sexuelle entre un homme (marié ou non) et une femme mariée violait le droit de propriété qu’a le mari sur sa femme. Même le roi n’échappait pas à ce châtiment prévu par la Loi (2 S 12,5-7.13-14). La lapidation était le genre de supplice infligé pour la fiancée infidèle et l’homme (Dt 22,23-24). Pour la femme mariée et son complice, la peine de mort est prescrite sans autre détermination (Lv 20,10 ; Dt 22,22), mais il est probable que, dans les temps anciens et encore au temps de Jésus, la forme de supplice ait été la même puisque la lapidation était le mode normal de mise à mort chez les Juifs (Ez 16,38.40).

Le guet-apens est périlleux pour Jésus : s’il s’associe à la condamnation réclamée par la Loi mosaïque, il s’oppose à l’autorité romaine puisque les Romains ont enlevé aux Juifs le pouvoir de juger et de condamner après l’an 30. Du même coup ses adversaires n’auraient pas manqué de l’accuser d’inconséquence, étant donné sa façon habituelle de traiter les pécheurs et sa pratique du pardon, et de son enseignement qui parle d’un Dieu de miséricorde. S’il répond qu’on ne doit pas tuer cette femme, on pourrait l’accuser de mépriser la Loi de Moïse. Et s’il ne le fait pas, il s’oppose à Moïse, l’autorité suprême. Le piège est très proche de l’épisode de l’impôt à César (Mc 12,13-17).

La réponse de Jésus est habile : d’abord, elle se fait silence. Comme un homme ennuyé qui ne veut pas répondre ou qui veut réfléchir et prendre le temps de peser sa réponse avant de la donner, il se met à tracer des grafitti sur le sol (v. 6). Puis, devant l’insistance de ses adversaires, Jésus leur dit : Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre (v. 7), c’est-à-dire que ce sont les témoins à charge qui doivent prendre la responsabilité de la mort (Dt 13,10 ; 17,7). Dans cette réponse, Jésus ne juge pas ses interlocuteurs ni la femme. Au contraire, il rappelle aux accusateurs certaines règles morales de la Loi (Ex 23,6-7 ; Dt 17,5-7) et les oblige à rentrer au-dedans d’eux-mêmes, à s’asseoir au tribunal de leurs consciences et à conclure, d’après leur conduite passée (voir Mt 7,1-2), ce qu’il convient de faire en cette circonstance. Autrement dit, Jésus les renvoie à leur propre condition de pécheur devant cette Loi qu’ils brandissent. En entendant ce dit, les accusateurs qui ont enfermé cette femme dans le cercle de leur jugement ne peuvent prétendre à la perfection. Ils sont vaincus. Sans avoir jamais adressé la parole à la femme, ils s’en vont un par un en commençant par les plus vieux (v. 9a). Les plus anciens partent les premiers, peut-être parce que plus sages pour reconnaître leur condition pécheresse. Les accusateurs partis, le cercle s’est ouvert mais la femme y reste enfermée : elle est toujours là au milieu du cercle (v. 9b). L’épreuve est achevée. Jésus en est sorti vainqueur. L’affrontement et la controverse prenant fin, le récit pourrait se terminer comme ce fut le cas pour la narration sur l’impôt à César. Toutefois, ici l’appât n’est pas une pièce d’argent, mais un être humain, humilié, une femme sans avenir.

Jésus et la femme (vv. 10-11)

Seuls restent celui qui n’a pas condamné et celle dont le péché est public. Les accusateurs partis le cercle s’est ouvert, mais la femme y reste enfermée. Pour lui permette de sortir de l’enfermement du cercle de mort et de son péché, quelqu’un doit lui parler. Prenant la parole, Jésus lui dit : « Va et désormais ne pèche plus » (v. 11c), déclaration qui met la coupable sur la voie du salut et de la vie en lui signifiant le pardon de Dieu. Cette réponse est ouverture vers la vie et non enfermement dans la mort. Pour Jésus, le pardon élève et guérit plus que tous les châtiments.

Quoi retenir de ce débat?

Dans cette discussion, Jésus, refuse de prendre parti pour ou contre la Loi. Celle-ci n’est pas effacée, mais elle est devenue « humaine », chemin de vie et de rachat. Il a traité la situation de cette femme pour en dénoncer l’iniquité puisque selon Lv 20,10 et Dt 22,22 les deux complices étaient contraints à la peine de mort. Or, le partenaire de cette femme prise en flagrant délit d’adultère était absent! Sans trop de difficulté, Jésus a montré à ses adversaires qu’ils étaient bien loin de la perfection et qu’ils ne cessaient de tricher avec la volonté divine (Mt 15,19). Par son pardon, Jésus met en question la lapidation en soulignant d’une part la solidarité de tous les hommes dans la culpabilité et, d’autre part, en rétablissant la communion avec la coupable. Au-delà de son habileté, Jésus s’est révélé comme maître de sagesse et d’humanité.

Béatrice Bérubé a fait ses études à l’Université du Québec à Montréal où elle s’est spécialisée en études bibliques. Elle a obtenu son doctorat en 2014 et collabore au Feuillet biblique depuis 2015.

Source : Le Feuillet biblique, no 2614. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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