Le Christ dans la maison d’un pharisien (détail). Giovanni da Milano, 1365. Fresque de la chapelle Rinuccini, Santa Croce, Florence (WGA).

La tendresse de Jésus pour les humbles gens

Julienne CôtéJulienne Côté | 22e dimanche du Temps ordinaire (C) – 1er septembre 2019

Sur le choix des places : Luc 14, 1a.7-14
Les lectures : Sirac 3, 17-18.20.28-29; Psaume 67 (68); Hébreux 12, 18-19.22-24a
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Le Royaume de Dieu est là, en Jésus qui accueille et guérit les pauvres et les exclus.

L’évangile de ce dimanche comprend deux brèves paraboles parmi la soixantaine que comptent les quatre évangiles. Pour saisir l’ampleur du message évangélique de ce dimanche, il convient de parcourir les chapitres 13 à 18 où le texte s’insère, ce qui favorisera la compréhension et la portée du message. Nous sommes déjà à l’étape de la montée dramatique de Jésus vers Jérusalem.

Au départ, suite à la guérison de l’hydropique, il est question d’un repas chez un chef des Pharisiens où Jésus est entré, un jour de sabbat. Ce n’est pas la première fois que Jésus engage un dialogue avec les Pharisiens. Évoquons rapidement ce que ceux-ci représentent. Les Pharisiens sont des juifs pieux, héritiers « des pieux » dont l’origine remonte au temps d’Esdras (vers 397 av. J.-C.). IIs résistèrent à la persécution païenne vécue au temps des Maccabées. Ces croyants refusent l’engagement politique tel que vécu par les Zélotes et se méfient du pouvoir, bien qu’ils aient une influence vis-à-vis certains dirigeants royaux. Cette confrérie de Pharisiens considère obtenir le salut du peuple par leur piété et l’étude de la Loi qu’ils s’efforcent d’appliquer, comprenant qu’il est de leur devoir de la diffuser. Bien qu’issu du peuple, ce groupe travaille à s’en séparer, considérant que l’ensemble des gens sont ignorants et impurs, incapables de respecter la Loi écrite ou orale.
Au fil des déplacements d’une région à l’autre, au gré des rencontres successives, Jésus est invité à partager des repas, voire Il s’invite lui-même. On se souvient des noces de Cana (Jean 2,1-10), du repas vécu avec ses amis à Béthanie (Jn 12,1-11), de celui chez Lévi, collecteur d’impôts où une foule de collecteurs d’impôts et autres gens étaient venus s’attabler avec Lui (Lc 5,29), puis celui chez Zachée (Lc 19,5), et tous ces repas chez des Pharisiens (Lc 7,36; 11,37; 14,1-14). Dans les écrits bibliques, à maintes reprises, le repas évoque la gratuité de l’amour de Dieu, l’alliance de Dieu avec son peuple. Désormais, avec Jésus, le Royaume de Dieu est là, et au terme de sa vie publique, il y aura le repas pascal vécu avec ses disciples, repas qui permettra de faire corps avec Lui, qui donnera à tous de vivre dans l’espérance du banquet éternel (Isaïe 25,6-11).

Qui s’élève sera abaissé; qui s’abaisse sera élevé.

Dans la maison du Pharisien, le banquet se déroule dans une atmosphère de cordialité, rien de troublant, comparé à ce qui est relaté au chapitre 13,10-17.31-33, où les intentions meurtrières d’Hérode au sujet de Jésus sont évoquées par les Pharisiens. Aujourd’hui, Jésus observe les différents comportements des uns et des autres. Certains aiment les premières places, savourent les honneurs; ces personnes ne manquent pas d’étaler leurs actions, de faire valoir leurs mérites (vv. 8-10), de se mettre au-dessus des autres, à une place imminente où l’on est vu, de faire les importants. Cette attitude est bien circonscrite au chapitre 18,9-14, lorsque deux hommes, l’un pharisien, l’autre publicain, montent au Temple pour prier. Le premier, citant sa bonne conduite, laisse croire qu’il acquiert son salut par ses bonnes œuvres. Par ses propres forces, il trouve l’assurance de sa justice. En fait il s’empare de ce que Dieu lui donne comme si Dieu lui doit quelque chose, lui qui n’est pas comme les autres hommes, voleurs, injustes, adultères ou encore comme ce publicain, « image de la déchéance morale et de l’impureté religieuse ». Le publicain, pour sa part, est celui qui choisit la dernière place, non pour être jugé humble, puisqu’il n’attache aucun intérêt au rang occupé parmi les hommes, et qu’il ne recherche rien pour lui-même. Par cette attitude, il rend gloire au Dieu vivant et met en pratique le conseil de Ben Sirac, le sage : Mon fils... Plus tu es grand, plus il faut s’abaisser, tu trouveras grâce devant le Seigneur (Sirac 13,9-10; 7,4; aussi Proverbes 25,6-7; 8,13; 29,23).

Cette parabole (14,8-11) va donc au-delà de ce qui est perçu au premier abord, comme des règles de politesse. Il est ici question du Royaume. Il est question de l’initiative de Dieu et de l’initiative de l’homme. On ne s’empare pas du divin, on ne peut y accéder que si on le reçoit comme un don. Lorsque les disciples s’établissent dans la vérité, en toute humilité de cœur, qu’ils laissent Dieu accomplir son action, ils découvrent alors le visage bienveillant de Dieu plein d’amour, qui ne sait que se livrer et non de commander ou d’exiger; la vie donnée du Christ qui choisit la dernière place, dans l’abaissement le plus total. Petit à petit, ils ont l’assurance d’appartenir déjà à la cité du Dieu vivant... peuplée des premiers-nés, des justes arrivés à la perfection (deuxième lecture, Hébreux 12,22-24). La réflexion pleine de gravité d’un des convives vient certainement réjouir le cœur de Jésus qui annonce depuis le commencement de sa vie publique le Règne de Dieu : Heureux qui prend part au repas dans le Royaume de Dieu (v. 15).

À la table du Royaume, les premiers invités sont les pauvres, les estropiés

Au chapitre 7, ne voit-on pas Jésus manger avec les pécheurs! Ici, Jésus, l’invité, en qui le Royaume des cieux est déjà là, appelle son hôte, un notable pharisien, à un amour désintéressé, en faisant accéder aux premières places les pauvres, les estropiés, les boiteux, les aveugles (v. 14). Déjà le Deutéronome invite le croyant à célébrer dans la joie le Seigneur son Dieu avec l’émigré, l’orphelin et la veuve qui sont au milieu d’eux (16,11; aussi Proverbes 5,6-7). Il y a la reprise du message inaugural de Jésus (Lc 4,28). Aussi, Jésus peut-il recommander à son hôte de se hisser à un désintéressement, à une gratuité totale, à une compassion où transparaît une réelle humilité. On s’éloigne alors de ce que la Loi, à une époque donnée, imposait en excluant des célébrations du Temple, les humbles gens, les pauvres, les marginaux (Lévitique 21,18).

L’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute

Dans l’extrait évangélique, les conseils donnés au sujet des relations humaines sont marqués du sceau de la sagesse. Les écrits du Premier Testament parlent d’un savoir-vivre vécu sous le regard de Dieu. On ne se rappelle jamais assez que le comportement décrit est de l’ordre de la gratuité, qu’il est avant tout un don de Dieu. Demandons au Seigneur une oreille qui écoute (v. 2), une oreille qui s’ouvre à la Parole de Dieu.

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.

Source : Le Feuillet biblique, no 2627. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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