L’apparition au bord du lac. Duccio di Buoninsegna, 1308-1311. Tempera sur bois, 37 x 48 cm Museo dell'Opera del Duomo, Sienne (Web Gallery of Art).

Relancer la mission de l’Église

Yvan Mathieu Yvan Mathieu | 3e dimanche de Pâques (C) – 5 mai 2019

Le Ressuscité apparaît au bord de la mer : Jean 21, 1-19
Les lectures : Actes des apôtres 5, 27b-32.40b-41; Psaume 29 (30) ; Apocalypse 5, 11-14
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Le soir de Pâques, Jésus était venu au milieu des disciples pour leur confier une mission (Jn 20,21). La semaine suivante, il les retrouve à nouveau enfermés. Un seul échec aura suffi pour arrêter leur élan missionnaire. Ils ont tenté d’annoncer la Bonne Nouvelle de la résurrection à Thomas, qui a refusé de croire. Pourtant Jésus ressuscité ne leur fait aucun reproche. En se montrant à Thomas, il leur donne plutôt une aide concrète dans l’accomplissement de la mission : Heureux ceux qui croient sans avoir vu (Jn 20,29) !

Retour vers le futur !

On se serait donc attendu à retrouver les disciples en train d’accomplir leur mission. Mais il n’en est rien. On les retrouve plutôt sur le bord de la mer de Tibériade. « Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples. Simon-Pierre leur dit : “Je m’en vais à la pêche”. Ils lui répondent : “Nous aussi, nous allons avec toi”. Ils partirent et montèrent dans la barque » (Jn 21,2-3). On se croirait revenu à la case départ des évangiles synoptiques. Ils reviennent à leur ancien métier. Qu’est-il donc advenu de la mission confiée par le Ressuscité ? Ils ont autant de succès dans leur métier de pêcheur que dans leur tâche d’évangélisateurs : « or, cette nuit-là, ils ne prirent rien » (Jn 21,2-3).

Quand intervient la lumière

Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui. Jésus leur dit : Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? Ils lui répondirent : Non (Jn 21,4-5). Notons d’abord que le passage de la nuit au jour, des ténèbres à la clarté rappelle ce que Jésus avait dit : Moi, je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie (Jn 8,12). Notons aussi la douceur de Jésus. Il les appelle « les enfants », comme il l’avait fait au début de son discours d’adieu (Jn 13,33). On reconnaît la délicatesse du Christ ressuscité au soir de Pâques et lors de l’apparition à Thomas. Notons enfin que Jésus ne demande pas du poisson, mais bien « quelque chose à manger ». Après le départ de la Samaritaine, à ses disciples qui l’invitaient à manger, Jésus avait répondu : Pour moi, j’ai de quoi manger : c’est une nourriture que vous ne connaissez pas. […] Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre (Jn 4,32.34).

Savoir reconnaître la présence du Seigneur

En parlant de la vraie vigne, Jésus avait déclaré : Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire (Jn 15,5). La suite du récit le montre bien. Il leur dit : Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons (Jn 21,6). Dans les Synoptiques, l’activité de la pêche devient une métaphore du travail apostolique […]. Ce symbolisme traditionnel demeure sous-jacent au récit de Jn » [1]. Cette pêche surabondante annonce le succès de la mission : « le narrateur montre que l’œuvre d’évangélisation est le résultat de la présence de Jésus qui, seule, rend efficace l’action des disciples » [2]. Encore faut-il que ceux-ci sachent reconnaître cette présence. Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : “C’est le Seigneur !” (Jn 21,7a).

La fougue de Simon-Pierre

Quand Simon-Pierre entendit que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau (Jn 21,7b). Comme au tombeau vide, le disciple que Jésus aimait est le premier à comprendre et à croire. Pierre, lui, se lance dans l’action. Oubliant les poissons et la barque, il se précipite pour aller rejoindre son Seigneur. L’étonnant détail du vêtement que Pierre serre sur lui « car il n’avait rien » est difficile à interpréter. Aujourd’hui il met son manteau pour aller vers son Maître. Jésus lui promettra bientôt que, quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller (Jn 21,18).

Une mission collective

Pierre n’est pas seul. Les autres disciples arrivèrent en barque, traînant le filet plein de poissons ; la terre n’était qu’à une centaine de mètres. (Jn 21,8). Comme Pierre, ils semblent oublier là cette pêche impressionnante. Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain (Jn 21,9). Faut-il y voir une allusion à la multiplication des pains et des poissons et donc au repas eucharistique ? Ou encore une allusion à un autre feu de braise, celui qu’avaient allumé les serviteurs et les gardes et où Pierre se chauffait avec eux avant de renier le Christ (Jn 18,18) ? Sans doute un peu des deux.

Apporter le fruit de la mission à Jésus

Jésus leur dit : “Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre.” Simon-Pierre remonta et tira jusqu’à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré (Jn 21,10-11). Le Ressuscité ramène l’attention des disciples sur le fruit de la pêche et donc sur la mission. Malgré le nombre et la grosseur des poissons, le filet tient bon. Aucun de ceux que captureront les missionnaires ne sera perdu. Jésus devait mourir afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés (Jn 11,52). « Symboliquement, Pierre se montre le pasteur responsable des fruits obtenus par l’activité apostolique de Jésus qui se poursuit » [3]. Le repas peut alors commencer (Jn 21,12-14).

Les trois questions à Pierre (Jn 21,15-17)

Le récit se poursuit avec les trois fameux « m’aimes-tu ? » adressés par Jésus à Simon-Pierre. Les deux premières fois, Jésus demande : m’aimes-tu d’un amour divin (agapáô) ? Et Pierre de répondre : je t’aime comme on aime un ami (philéô). La troisième fois, Jésus ajuste sa question : m’aimes-tu (phileis me) ? Si l’amour de Pierre se limite pour l’instant à l’amitié, sa mission de berger débouchera sur l’amour agapè. Comme son Seigneur, il donnera sa vie pour les brebis.

Suis-moi

Les paroles qui viennent clore cette page d’évangile s’adresse à nous, disciples d’aujourd’hui. Tant de raisons nous invite à modérer notre amour et à ne pas nous engager dans la mission d’évangélisation. Le Ressuscité se fait proche de chacun et chacune de nous pour relancer notre marche à sa suite. Si nous acceptons son invitation, nous pourrons, guidés par lui, reprendre le chemin de la mission. Quelle Église nous serons !

Père mariste, Yvan Mathieu est professeur à l’Université Saint-Paul (Ottawa).

[1] Xavier Léon-Dufour, Lecture de l’Évangile selon Jean, Tome IV, Paris, Seuil, 1996, p. 276-277.
[2] Léon-Dufour, Lecture IV, p. 279.
[3] Léon-Dufour, Lecture IV, p. 283.

Source : Le Feuillet biblique, no 2618. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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