La Sainte Trinité. Esquisse de Hans Rottenhammer (1564-1625). Musée du Louvre, Paris (Muzeo).

Dieu, en habits de travail!

Alain Faucher Alain Faucher | Sainte Trinité (C) – 16 juin 2019

Le départ de Jésus et la venue du Défenseur : Jean 16, 12-15
Les lectures : Proverbes 8, 22-31 ; Psaume 8 ; Romains 5, 1-5
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Dieu existe. Et il fonctionne en équipe. Dans une équipe, beaucoup de choses se réalisent à plusieurs et ensemble. Il y a bien sûr des moments où chacun fait sa part à sa façon, dans une certaine solitude. Mais ce qui prime, c’est l’œuvre collective. C’est ce qui se passe pour notre Dieu, dans son intimité. Il est tellement amour qu’il ne peut agir seul... Dieu est tellement débordant d’amour qu’il crée un univers, donne la vie comme un Père, se fait connaître par le meilleur messager qui soit, le Fils, Jésus vrai Dieu devenu vraiment humain, et qui assure sa présence continue par l’Esprit saint.

Sans la révélation de la Trinité, nous sommes monothéistes, nous sommes déistes. Mais nous ne sommes pas pleinement chrétiens. Le mot « Trinité » n’est pas dans la Bible? La réalité, elle, est bel et bien là! Jésus a clairement parlé de son Père et de l’Esprit. À sa manière, saint Paul les a souvent évoqués. Un dimanche par année pour nous en souvenir, ce n’est pas de trop.

Car la fête du Dieu-Trinité, c’est aussi notre fête. Nous sommes membres de la famille de Dieu. Plus nous contemplons les noms de Dieu, plus nous comprenons pourquoi nous ne pouvons nous contenter de le prier « chacun dans son coin ». Pour nommer Dieu de ses beaux noms, il faut souvent être plusieurs : famille, communauté, paroisse, diocèse. Le Dieu Trinité prend visage dans une Église rassemblée pour le célébrer.

Première lecture : Proverbes 8, 22-31

La première lecture, un extrait du livre des Proverbes, nous lance sur une piste très intéressante. Elle raconte à quel point l’univers est inventé par Dieu pour la beauté et le plaisir de la chose. Pour construire ce récit, le texte recourt à un personnage à l’identité nébuleuse. En effet, on ne nous fournit pas une fiche d’identité claire de cette Sagesse qui prend la parole. Elle travaille comme un journaliste. Elle nous fait vivre de l’intérieur le moment de la création tel que l’imaginaient nos ancêtres dans la foi. La bonne nouvelle pour nous, dans ce récit, c’est que nous sommes des compagnons et des compagnes de Dieu. Des amis voulus, désirés, tout à fait à leur place dans l’univers créé par ses soins.

Mais qui donc est cette Dame Sagesse? Les interprètes offrent deux hypothèses. Selon certains, la Sagesse esquisse un personnage à venir, qui sera révélé deux siècles plus tard comme Fils de Dieu... en fait sa Parole, son Logos. Pour d’autres interprètes, Dame Sagesse est un prélude à la révélation de l’Esprit saint par Jésus. Quelle que soit la piste d’interprétation que vous préférez, elle vous rend plus sensible à la présence des trois personnes de la Trinité dans la Bible. La deuxième lecture (un extrait d’une lettre de Paul) et l’évangile (une section du quatrième évangile, l’évangile selon Jean) décrivent plus clairement les relations entre le Père, le Fils et l’Esprit saint, l’Esprit de vérité.

L’Évangile : Jean 16, 12-15

Il y a un autre bénéfice à tirer de la première lecture. Elle confirme les dires de l’évangile : l’occupation préférée de Dieu, c’est la communication. Voilà son métier principal! Dieu n’est pas un cachottier. Dieu est un révélateur. Il se fait connaître pour que chacun et chacune, en l’accueillant, puisse se connaître à fond. Cette communication se vit au moment choisi par lui : c’est la venue de Jésus dans une société précise, à une époque donnée. Nul besoin de décoder de prétendus messages secrets dissimulés entre les lettres d’un vieux texte biblique! Dieu agit à visière levée. En habits de travail. Il communique avec nous sous de multiples formes.

Cette communication nous rejoint au moment où nous sommes mûrs pour en profiter. Entre alors en scène l’Esprit de Jésus, qui nous guide vers la pleine révélation de l’identité et de l’œuvre de Dieu. Il vaut la peine de relire l’évangile dans cette optique. Comment l’Esprit vient-il prolonger le travail du porte-parole du Père, Jésus? L’Esprit est chargé de redire ce qu’il a entendu. Il peut ainsi faire connaître ce qui va venir. Cette communication contribue à la gloire de Jésus, car il reprend ce qui vient de Jésus pour le faire connaître. Qu’est-ce qui justifie une telle continuité entre Jésus et l’Esprit de vérité? La réponse de Jésus est claire : Tout ce que possède le Père est à moi.

Vous connaissez sans doute des gens incapables de sortir sans qu’on voie apparaître derrière eux le père, la mère et la belle-sœur. Vous êtes peut-être membre d’une telle tribu familiale, tricotée serrée. On se tient, on prend du temps ensemble. On est toujours en train de mijoter ensemble des projets d’affaires ou de vacances. En regardant de proche l’évangile et les autres lectures bibliques du jour, on constate justement que « Jésus sort toujours en famille ». On s’étonne moins, alors, que Jésus parle tant de son Père et de l’Esprit. Jésus, Dieu-Parole, nous fait comprendre que la vie divine est un immense tourbillon d’amour où notre propre vie trouve enfin son sens. Parce que nous trouvons place au cœur de la vie de Dieu.

Qu’est-ce que fait ce Dieu Père dont parle Jésus? Il donne. Et pas n’importe quoi. Il donne son égal, son image, son Fils! Si Dieu envoie son Fils unique sauver le monde, c’est qu’il nous veut avec lui, et qu’il veut être au milieu de nous. Toute la Bible trouve sens dans ces constats.

Deuxième lecture : Romains 5, 1-5

Dieu créateur, Dieu Parole, Dieu Esprit : ils s’aiment, et ils le font avec transparence... À notre bénéfice! Comme nous l’apprend la deuxième lecture, l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit saint qui nous a été donné.

Laissons-nous prendre au vertige de cette affirmation. Essayons de nous laisser surprendre. C’est une affaire de foi, d’espérance et d’amour. Et Dieu est impliqué. Ça ne va pas de soi, que Dieu soit amoureux? Qu’il soit puissant, juste, d’accord. Mais amoureux? Oui, l’amour qui relie les trois personnes en Dieu est disponible en abondance au bénéfice de la création tout entière. La détresse du temps présent n’a plus le dernier mot. Le partage de la gloire divine, oui.

Saintes mathématiques

Somme toute, la Trinité, ce n’est pas une abstraction de théologiens qui veulent tout compliquer. Le Dieu Trinité, c’est une surprise, une dynamique, pas un problème mathématique insoluble... Pour parodier le pape François, nous dirions que Dieu prend plaisir à communiquer. Il aime endosser ses habits de travail comme communicateur. Il aime se faire connaître et répandre son amour. Quand nous y adhérons, notre fierté s’en trouve augmentée à hauteur de Dieu.

Dieu est un singulier pluriel. Cette révélation nous est communiquée pour lever le voile sur une réalité déjà présente au fil de nombreuses pages de la Bible. Une réalité peu perçue ou peu goûtée par plusieurs parce qu’il manquait une étiquette sur le concept. La liturgie de ce dimanche nous la fournit, cette étiquette, et bien généreusement.

Alain Faucher est prêtre du Diocèse de Québec. Professeur d’exégèse biblique à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval, il est directeur général des programmes de premier cycle.

Source : Le Feuillet biblique, no 2624. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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