La fuite en Égypte. Louis Toffoli, c. 1971. Lithographie, 50 x 66 cm (marché de l’art).

Joseph, Marie et Jésus

Julienne CôtéJulienne Côté | La sainte famille (A) – 29 décembre 2019

La fuite en Égypte et le retour : Matthieu 2, 13-15.19-23
Les lectures : Sirac 3, 2-6.12-14 ; Psaume 127 (128) ; Colossiens 3, 12-21
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

La Sainte famille quitte la Judée pour l’Égypte. Regardons et admirons Joseph et Marie qui parviennent à vivre ces heures éprouvantes dans la confiance et l’abandon au Seigneur Dieu.

Chez l’évangéliste Matthieu, l’évangile de l’enfance comprend six récits. La section retenue, en ce dimanche, relate le départ pour l’Égypte de Joseph et de sa famille (2,13-15), ainsi que son retour en Galilée (2,19-23). Après le départ des mages venus d’Orient, une décision s’impose à Joseph (vv. 13.15.16.19.22). C’est que le roi Hérode, l’Iduméen violent et sanguinaire, fidèle allié de Rome, qui régna sur l’Idumée, la Samarie et la Galilée (37-4 av. J.-C.), craignit l’arrivée d’un roi. À la suite de la visite des Mages, il décida d’exterminer les enfants en bas âge (2,16-18).

La Sainte Famille, sur la route de l’exil

La nuit est évocatrice de ténèbres menaçantes. C’est à la suite d’un songe, que Joseph prend la décision de quitter les lieux. Le songe! Chez les Anciens, à l’époque des Patriarches, le songe tenait une place importante ; beaucoup de témoignages en rendent compte et les évoquent comme porteurs de sens. Toutefois, en Israël, on s’en méfie, sans exclure que Yhwh puisse se manifester de cette manière. Dans le Premier Testament, Gédéon, à la suite d’un songe, attaque les Madianites (Juges 7,13-15) ; dans le Nouveau Testament, c’est à la suite d’une vision nocturne, à Troas, que Paul amorce sa mission d’Apôtre. Pour sa part, Joseph, « celui qui entend les appels de Dieu », a la certitude que le message émane de Dieu qui se manifeste et il trouve une issue à la situation, en mettant l’enfant hors d’atteinte de la volonté criminelle d’Hérode. Sur l’heure, il obéit en assumant pleinement sa responsabilité : Il se leva, dans la nuit, prit l’enfant et sa mère et se retira en Égypte (v. 14). C’est définitivement pour sauvegarder la vie menacée de Jésus que Joseph et Marie partirent vers l’inconnu, à trois reprises (vv. 13.14.20.21).

La famille de Jésus est plongée en plein drame. Qui dit exil sous-entend violences et méchancetés, déracinement et souffrances. Avec tous les exilés de notre époque, fuyant souvent la guerre et qui ont à recommencer une nouvelle vie dans des milieux inconnus, on peut saisir ce que représente une telle réalité : les inquiétudes, les ruptures, les regards de méfiance qu’elle provoque, les multiples démarches à consentir pour apprivoiser une nouvelle culture.

L’exode en Égypte : une révélation sur Jésus

Ce départ vers l’Égypte de Joseph, de Marie et de Jésus, dans toute sa fragilité de nouveau-né, apporte un éclairage sur Jésus qui, du début de sa vie jusqu’à sa mort, vivra l’histoire de son peuple. Le théologien qu’est l’évangéliste Matthieu, vers les années 70 de notre ère, s’adressant à la communauté juive convertie, va, à la lumière des Saintes Écritures, relier la vie de Jésus au parcours vécu par le peuple d’Israël.

Que de figures du Premier Testament prennent la route de l’Égypte! À une distance de cinq à six jours de marche, l’Égypte est un refuge pour les Juifs qui y développèrent, au fil des siècles, une colonie florissante, d’environ un million de personnes. Ce pays fut un refuge classique pour les Juifs. Il a été la terre d’accueil du patriarche Jacob au temps d’une famine au pays de Canaan. C’est Joseph, son fils, éclairé par un songe, qui avait fait fit descendre sa famille en Égypte (Genèse 37-50). Le roi Jéroboam, fuyant le roi Salomon prêt à le tuer, avait été obligé de fuir en Égypte et d’y demeurer jusqu’à sa mort (1 Rois 11,40). Ouriyaou y avait échappé aux menaces de Yoyaquim (Jérémie 26,21-23). À une époque ancienne, les premiers-nés des Hébreux avaient été sacrifiés, sur ordre du Pharaon (Exode 1,15-22). Moïse, nouveau-né, avait échappé à la mort, miraculeusement, grâce à la fille du Pharaon (Exode 1,15 – 2,10), Après un certain temps, à nouveau menacé, il s’était réfugié cette fois chez son beau-père (Exode 2,11-15). Un peu plus tard, le voilà de retour auprès des siens pour les soustraire à la servitude du Pharaon (Exode 4,18). L’évangéliste Matthieu, en rapprochant des premiers jours de la vie de Moïse, l’exode de Jésus en Égypte, puis son retour, esquisse la personnalité de Jésus et sa mission. Jésus incarne la grande figure du salut qu’est Moïse. Il « accomplit » l’Écriture. En revivant des événements importants de l’histoire d’Israël, en récapitulant cette histoire, Jésus est le nouveau Moïse.

D’Égypte, j’ai appelé mon fils

Une prophétie, au Livre d’Osée, apporte une lumière divine sur la situation. Le prophète évoque l’exode comme une œuvre d’amour de Dieu. Osée s’exprime ainsi : D’Égypte, j’ai appelé mon fils. C’est pourtant moi qui avais appris à marcher à Ephraïm... Je les menais avec des attaches humaines, j’étais pour eux avec des liens d’amour, j’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson contre leur joue et je lui tendais de quoi se nourrir (Osée 11,1.3.4; Exode 4,22). Pour Osée, mon fils, désigne Israël. Pour sa part, l’évangéliste, en se référant à l’événement passé, esquisse la trajectoire de Jésus, son destin, comme représentant du Nouvel Israël. Un jour, il accomplira un exode définitif, dans la nuit pascale.

Joseph, le guide inspiré

Avec la mort d’Hérode, Joseph, Marie et Jésus vont quitter l’Égypte. Joseph obéit à nouveau à la voix de l’Ange du Seigneur (v. 20). Déjà, au moment où il décida de ne pas répudier Marie, il avait manifesté ses dispositions à croire en Dieu et à respecter sa volonté. Matthieu dira que Joseph est un homme juste (1,19), c’est-à-dire « qu’il est un vivant résumé de la Thora et des prophètes. Il est le chêne auprès duquel Jésus a grandi » (P. Barbarin). Sur le chemin du retour donc, Joseph, apprend qu’Arkélaüs, fils d’Hérode, règne sur la Judée. Ce roi eut à affronter une guerre civile durant laquelle trois mille Juifs furent massacrés. Joseph et Marie, de nouveau, font face à une menace de mort pour l’enfant. Ils vont alors se diriger vers la Galilée où s’entremêlent juifs et païens. Joseph s’arrêtera dans un lieu appelé Nazareth, une bourgade insignifiante, obscure et méprisée, dont Nathanaël dira : De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon? (Jean 1,45). Jésus y passera toute sa jeunesse et une partie de sa vie d’adulte. Marie est sa première éducatrice. « Son père lui apprend les rudiments du métier de charpentier, il lui transmet son savoir et son expérience. Il ira à la synagogue qui sert de mairie, d’école et de maison de prière le jour du sabbat. C’est le père qui veille au respect des lois religieuses, qui montre à Jésus comment respecter la loi de l’Alliance : la circoncision, le sacrifice pascal. Joseph a prié avec Marie et son fils, avant et après chaque repas. Jésus a sûrement appris l’hébreu, car à 12 ans, le garçon célèbre sa bar mitsva et lit la Loi à la synagogue » (A. P. et J. C., Cent personnages clés). Un jour, Jésus, accompagné de ses parents, se rendra en pèlerinage au temple de Jérusalem et s’attardera à échanger avec les grands-prêtres (Luc 2,41-50).

Le devoir de piété filiale

Les deux lectures de Ben Sirac le Sage (3,2-6.12-14) et de la Lettre aux Colossiens (3,12-21) rappellent les devoirs réciproques des parents et des enfants.

Ben Sirac offre un plaidoyer, un développement du quatrièeme commandement du Décalogue : Honore ton père et ta mère afin que tes jours se prolongent sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu (Exode 20,12).

Le Deutéronome s’exprime ainsi : Honore ton père et ta mère, comme le Seigneur ton Dieu te l’a ordonné... (5,16)

Ben Sirac demande à l’enfant d’offrir à son père et à sa mère, respect et vénération, amour et reconnaissance, en paroles et en actes, comme un moyen d’obtenir le salut. Ce qui est offert aux parents prédispose à ce qui doit être rendu à Dieu, le Père.

L’auteur de l’Épître aux Colossiens insiste sur l’amour qui, de l’intérieur, fait vivre, nourrit les attitudes, donne sens aux gestes extérieurs. Cela s’impose quand on adhère au Christ ressuscité. Que dans vos cœurs, règne la paix du Christ à laquelle vous avez été appelés pour former en lui un seul corps... Et tout ce que vous dites, tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus Christ, en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père (vv. 15 et 17).

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.

Source : Le Feuillet biblique, no 2644. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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