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Ne voyez-vous pas lever le grain ?

Yvan MathieuYvan Mathieu | 11e dimanche du Temps ordinaire (B) – 13 juin 2021

La semence qui pousse d’elle-même : Marc 4, 26-34
Les lectures : Ézéchiel 17, 22-24 ; Psaume 91 (92) ; 2 Corinthiens 5, 6-10
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Après avoir cheminé avec Jésus pendant le carême et le temps pascal, nous avons célébré les solennités de la Sainte Trinité et du Saint-Sacrement. Nous reprenons ce dimanche le cours des dimanches du temps ordinaire. Ces dimanches n’ont pourtant rien d’ordinaire. Il vaudrait mieux parler des dimanches du temps de l’Église. En cette année B, nous nous laissons guider de dimanche en dimanche par l’évangéliste Marc. Le 14 février dernier, fête de la Saint-Valentin, nous avions entendu la fin du chapitre 1, où Jésus a purifié un lépreux. Près de quatre mois plus tard, en la fête de saint Antoine de Padoue, nous rouvrons le deuxième évangile vers la fin du quatrième chapitre.

La conclusion du discours en paraboles

Depuis le début de ce chapitre, Jésus se mit de nouveau à enseigner au bord de la mer de Galilée. Une foule très nombreuse se rassembla auprès de lui, si bien qu’il monta dans une barque où il s’assit. Il était sur la mer, et toute la foule était près de la mer, sur le rivage. Il leur enseignait beaucoup de choses en paraboles (Mc 4,1-2a). Nous entendons aujourd’hui les deux paraboles qui viennent clore ce discours (Mc 4,26-29.30-32), ainsi que sa conclusion (Mc 4,33-34).

Des paraboles explicitement liées au règne de Dieu

Les deux paraboles de ce dimanche sont les seules de l’évangile de Marc que Jésus lie explicitement au règne de Dieu. Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence (Mc 4,26). À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ? (Mc 4,30).Or, le règne de Dieu est au cœur de la Bonne Nouvelle proclamée par Jésus. Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile » (Mc 1,14-15). Nous avons donc tout intérêt à être attentifs.

La confiance du semeur

Comme celle du semeur (Mc 4,1-9), les paraboles d’aujourd’hui utilisent le registre de l’agriculture. La première, qu’on appelle souvent « la semence qui pousse d’elle-même » (TOB), insiste plutôt sur la capacité de la terre à faire fructifier la semence. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi (Mc 4,28). Jésus y distingue trois moments : le temps des semailles (v. 26), le temps de la croissance (v. 27-28), le temps de la moisson (v. 29). À n’en pas douter, comme c’était le cas dans la parabole du semeur, Jésus est celui qui « jette en terre la semence », puisque « le semeur sème la Parole » (Mc 4,14). Il sait que la terre que nous sommes est capable d’accueillir la parole de Dieu et de la faire fructifier. Il a confiance en nous.

Le temps de la croissance

Les premiers auditeurs de la parabole savaient bien qu’ils étaient au temps des semailles. Le fait même qu’ils entendent les paraboles leur fait contempler le semeur à l’œuvre. Ils sont invités à faire confiance, comme Jésus, à la capacité de productivité de la terre qui accueille la Parole. Plusieurs siècles plus tard, nous entendons cette parabole non plus au temps de la semence, mais au temps de la croissance. Comme c’est le cas avec ce qui émerge du sol de chez nous à la mi-juin, nous doutons parfois que la semence portera son fruit. Jésus nous appelle à vivre la même expérience que le semeur de la parabole : Nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment (Mc 4,27). Faisons confiance à l’Esprit Saint qui veille à la croissance de la Parole.

Des résultats impressionnants

Pour que nous choisissions avec lui le chemin de la confiance et de l’espérance, Jésus ajoute une dernière parabole : la graine de moutarde (Mc 4,30-32). Il n’insiste plus sur l’action du semeur (Mc 4,1-9) ou sur la capacité de la terre à faire fructifier le grain (Mc 4,26-29). Cette dernière parabole du discours souligne surtout l’étonnant contraste entre ce qui est semé et ce qui est produit. Le règne de Dieu est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre (Mc 4,31-32).

Une parabole d’encouragement

Il fait bon entendre cette parabole par les temps qui courent. Les premiers auditeurs pouvaient être déconcertés par la petitesse dans laquelle commençait le règne de Dieu par le biais de la prédication de Jésus. De notre côté, nous sommes déconcertés par bien d’autres choses. Du côté ecclésial d’abord. Il y a à peine plus de 55 ans, le 8 décembre 1965, se concluait le Concile Vatican II. Nous en espérions un aggiornamento, un nouveau printemps, une nouvelle Pentecôte pour l’Église. S’en est plutôt suivi un long hiver dont nous espérons le printemps. Du côté planétaire ensuite. Depuis plus d’un an, nous sommes confrontés à une pandémie qui nous trouble le cœur. Où est le règne de Dieu ? Que fait Dieu dans tout cela ? Les paraboles de ce dimanche nous invitent à garder confiance et à renouer avec l’espérance, qui est don de l’Esprit Saint.

Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas (Mc 13,31)

En racontant la parabole de la graine de moutarde, Jésus fait écho à la prophétie d’Ézékiel, que nous avons lue dans la première lecture. Dieu y annonce qu’il prendra une tige sur la cime d’un grand cèdre pour la planter sur une montagne très élevée. Sur la haute montagne d’Israël je la planterai. Elle portera des rameaux, et produira du fruit, elle deviendra un cèdre magnifique. En dessous d’elle habiteront tous les passereaux et toutes sortes d’oiseaux, à l’ombre de ses branches ils habiteront (Ez 17,23). Cette tige est le Christ. Nous sommes la montagne sur laquelle Dieu a transplanté le Christ. Nous sommes la terre dans laquelle Dieu a planté le Christ, parole éternelle, qui portera du fruit en son temps.

Gardons toujours confiance

Pour que le Christ, grain de blé planté en notre terre, puisse porter son fruit, nous avons un rôle à jouer. L’Église que nous formons doit prendre au sérieux la conclusion du discours en parabole : Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre […], mais il expliquait tout à ses disciples en particulier (Mc 4,33-34). Dans la mesure où elle rencontrera une bonne terre, la parole du Christ annonçant le règne de Dieu donnera son fruit. À nous de l’entendre dans l’intimité de notre cœur. Choisissons la confiance avec le Christ. Alors, l’Église que nous sommes pourra étendre les longues branches de l’arbre de vie et offrir aux femmes et aux hommes de notre temps la possibilité de vivre à l’ombre de l’Esprit.

Père mariste, Yvan Mathieu est professeur à l’Université Saint-Paul (Ottawa).

Source : Le Feuillet biblique, no 2715. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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