Jésus guérit un sourd-muet. Domenico Maggiotto. Huile sur toile, 115,5 x 150 cm (artnet).

La compassion de Jésus

Francis DaoustJulienne Côté | 23e dimanche du Temps ordinaire (B) – 5 septembre 2021

Guérison d’un sourd-muet : Marc 7, 31-37
Les lectures : Isaïe 35, 4-7a ; Psaume 145 (146) ; Jacques 2, 1-5
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Les lectures bibliques du 23e dimanche du Temps ordinaire évoquent Dieu le Père qui a le souci de guérir, de redresser, de libérer ses créatures. Son Fils, le Christ Jésus, manifestera son incomparable compassion et sa sollicitude exemplaire pour les démunis et les malades. C’est le temps de l’espérance.

Isaïe 35, 4-7a

La première lecture évoque l’action que le Seigneur fera pour son peuple qui, depuis cinquante ans, connaît l’exil à Babylone. Le temps de l’humiliation et des souffrances prendra fin : Voici la revanche de Dieu : Il vient lui-même et va vous sauver. Il invite à prendre courage, à vivre l’espérance dans leur marche triomphale vers le pays des ancêtres. Le retour sera accompagné de prodiges : Alors s’ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles de sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie (vv. 5-6). La nature sera féconde et dans la joie (vv. 6-7). Dieu lui-même accomplira cette libération.

Jacques 2, 1-5

La brève parabole de l’apôtre Jacques met en présence un riche qui attire les regards par ses vêtements rutilants et ses bagues en or et un pauvre qu’on rabroue, laissé pour compte.Au début de l’ère chrétienne, il y avait dans les assemblées liturgiques des inégalités sociales qu’on essayait d’aplanir. Dans la correspondance avec les Corinthiens, on note également les abus auxquels donnait lieu « le repas du Seigneur » (1 Corinthiens 11,20-22), alors que le précepte à remplir est celui de ne pas faire exception de personne. Il faut bannir ces distinctions, ces pensées perverses (12,14). La Loi demandait depuis longtemps de ne pas se laisser éblouir par le grand (Lévitique 19,14). À plus forte raison, à la lumière de l’Évangile, dans le sillage de Jésus, il faut bannir ces distinctions trop humaines. Dieu n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde? Il les a faits riches de la foi, il les a faits héritiers du royaume qu’il a promis à ceux qui l’auront aimé (v. 5).

Marc 7, 31-37

Dès le premier chapitre de son récit, l’évangéliste Marc relate les guérisons multiples que Jésus offre aux malades, atteints de différents maux. Il s’agit entre autres d’un lépreux (1,40-45), d’un paralytique (2,1-12), d’un homme à la main sèche (3,1-6), d’un enfant rendu à l’extrémité (5,21-24.35-43), d’une hémorroïsse (5,25-34), de la fille de la Syro-phénicienne (7,24-30). Au fil de ces récits, par quelles particularités la guérison du sourd-muet (7,31-37) se distingue-t-elle?

La compassion de Jésus

Au premier plan, Jésus quitte le territoire d’Israël, traverse la région de Tyr et Sidon – le Liban actuel – pour entrer dans la région de la Décapole, constituée de la confédération de 10 villes grecques, – la Jordanie actuelle. Jésus est venu annoncer la bonne nouvelle à tous, juifs et païens de différentes nations.

Une première rencontre a lieu avec le sourd-muet dont les compagnons prient Jésus de poser les mains sur lui (v. 32), d’accomplir un geste de puissance. Cet homme est un non-juif qui n’a pas entendu la parole de Dieu, qui n’a pas loué le Dieu unique comme on le fait à la synagogue. À ce moment, l’accueil de Jésus diffère de son agir habituel : Jésus l’emmena à l’écart loin de la foule (v. 33), tout comme il le fera avec l’aveugle de Bethsaïde (8,22-26). Cegeste délicat et discret de la part de Jésus va épargner au malade l’embarras qu’il pourrait vivre face à la réaction de la foule et favorise l’intimité avec le malade. À ce moment, Jésus est bouleversé dans les profondeurs de son être : ému de compassion, ses entrailles sont remuées comme il le fut pour le lépreux (1,41). Il va certes le guérir en utilisant les gestes des guérisseurs de l’époque. Toutefois, il va leur donner un sens particulier et nouveau. Les deux touchers, des oreilles et de la langue, sont le prélude à son regard vers le Père.

Les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata! » Un geste qui implore, qui fait appel à la puissance d’où il tire son pouvoir. Jésus ne guérit que grâce au pouvoir que lui donne son Père. Et cette guérison dépasse le plan physique, le malade peut ouvrir son cœur à la parole de Dieu qui est devant lui, dans la personne du Christ.

Un soupir qui indique qu’il est rempli de l’Esprit, un mouvement qui part du plus profond de son être, un gémissement qui rappelle celui du peuple d’Israël captif en Égypte : J’ai entendu son gémissement et je suis descendu pour le délivrer (Actes des apôtres 7,34). L’humanité gémissante attend sa délivrance (Romains 8, 22). Les spectateurs sont invités non seulement à être admiratifs, mais à reconnaître le vrai serviteur de YHWH, le Seigneur, Jésus, celui qui a bien fait toutes choses (Isaïe 35,6).

Effata! Ouvre-toi!

Ouvre-toi à l’Évangile, à la Parole de vie. Viens goûter à la tendresse du Père. Effata! Un mot araméen, – la langue de Jésus et d’Abraham [1] –, qui signifie « ouvrir, délier ». Cette parole s’adresse à chaque croyant et croyante appelé à s’ouvrir au monde nouveau, à l’insondable profondeur du monde de Dieu, de la Parole de vie que le Seigneur propose. N’arrive-t-il pas que les sourds et les muets d’aujourd’hui sont ces personnes qui restent à la surface d’elles-mêmes? Qui sont aveuglées par leur tendance à dominer les autres, à s’aveugler par l’image orgueilleuse qu’elles ont d’elles-mêmes? Elles méprisent, dédaignent les pauvres, les jugent selon des valeurs fausses. Il est toujours temps de découvrir à l’intime de soi-même, l’appel du Seigneur : Ouvre-toi! De goûter, dans l’intimité du cœur, la tendresse du Père et du Fils, de croire que les bienfaits divins ne sont jamais épuisés, et d’être sensible à l’appel de l’Esprit.

Le Psaume 145/146 est au diapason des lectures de ce dimanche et chante la sollicitude de Dieu pour les opprimés, les enchaînés, les accablés, les aveugles, la veuve et l’orphelin (vv. 7-10).

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.

[1] Deutéronome 26,5 parle du patriarche de la manière suivante : Mon père était un araméen errant.

Source : Le Feuillet biblique, no 2718. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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