Graines de moutarde noire (photo © Sylvain Campeau).

Croire et servir, en toute simplicité

Léo LabergeLéo Laberge OMI † | 27e dimanche du Temps ordinaire (C) – 2 octobre 2022

Servir avec humilité : Luc 17, 5-10
Les lectures : Habacuc 1, 2-3 ; 2, 2-4 ; Psaume 94 (95) ; 2 Timothée 1, 6-8. 13-14
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

On remarquera, en comparant Luc aux autres évangélistes, que les apôtres s’adressent ici au Seigneur. Les apôtres : c’est le nom employé par Luc pour souligner que les disciples sont envoyés. Ils ont reçu du Christ la mission de prêcher. Le Christ les envoie ; ce n’est pas d’eux-mêmes qu’ils partent proclamer la Bonne Nouvelle.

En route vers Jérusalem, Jésus parle de foi et de service dans l’humilité. Mais cet enseignement vise déjà le temps où les apôtres iront prêcher de par le vaste monde après la résurrection du Christ. Luc, de façon caractéristique, donne à Jésus le titre de Seigneur, titre qui, d’une part, sert à désigner Dieu dans l’Ancien Testament grec et qui, d’autre part, est réservé dans le Nouveau Testament au Christ glorieux, une fois ressuscité des morts. C’est dire que Jésus est présenté ici sous son nom de gloire.

« Augmente en nous la foi »

Augmente en nous la foi! Des trois évangiles synoptiques, Luc est le seul à introduire cette demande, lorsqu’il est question de la foi. Luc veut ainsi montrer l’importance de la foi. Ce n’est pas d’eux-mêmes que les apôtres peuvent la faire grandir, car cela ne peut venir que de Dieu, qui en est l’origine.

Présentée de façon paradoxale, la foi peut paraître déraisonnable, gratuite : à quoi bon déplacer des arbres? (ou même des montagnes? comme le disent Matthieu et Marc). Ce serait mal lire l’évangile que de s’en tenir à cette lecture. En effet, ce n’est pas l’action étonnante qui compte, mais bien la force invraisemblable de la foi : minuscule, la graine de moutarde donne une plante imposante ; une toute petite graine de foi accomplit des merveilles. Pour dire : Augmente en nous la foi! il faut que l’on ait accepté de s’en remettre à Dieu. C’est de cela que les apôtres vivent. Par une belle comparaison, Jésus enseigne que cette foi, donnée par Dieu, est une force extraordinaire.

Le simple serviteur

La suite de l’évangile du jour ne se trouve que dans Luc. Il s’agit d’une parabole, un enseignement qui se sert d’un exemple pour faire passer un message. Juger que le maître en question est dur pour le serviteur qui a travaillé tout le jour, c’est passer à côté de la parabole, qui n’a pas pour but de régler les problèmes sociaux. La parabole montre un maître et son serviteur. Le serviteur, par définition, sert son maître. Le serviteur s’est même engagé à agir ainsi. De là, découlent les obligations et devoirs. Il travaille aux champs ou encore il garde les bêtes ; il prépare aussi les repas. Bien entendu, il devra manger et se reposer, mais de cela la parabole ne parle pas. Le serviteur sert son maître, c’est sa fonction. Le serviteur n’a fait que son devoir et il ne doit pas s’attendre à des manifestations spéciales de reconnaissance. D’autres passages des évangiles verront à parler d’amour et de reconnaissance, mais ce n’est pas le cas ici.

Devant Dieu, pouvons-nous, en tant que créatures, en tant que disciples ou apôtres, prétendre que nous sommes indépendants de Dieu? Si nous servons le Seigneur par notre vie, par la parole, pouvons-nous exiger reconnaissance pour services rendus? Ce que nous donnons, nous l’avons reçu ; ce que nous faisons, c’est Dieu qui le fait en nous. Et alors? Toute la gloire en revient à Dieu. Nous sommes tout simplement des serviteurs : Nous n’avons fait que notre devoir. D’autres passages des évangiles s’occuperont des bons serviteurs : C’est bien, bon serviteur, comme tu as été fidèle en de petites choses, reçois autorité sur deux villes (Luc 19,17). Là aussi, enseignement en paraboles. Là aussi, dépassement des perspectives étroites d’une comptabilité trop humaine.

Foi et humble service

Tout le chapitre 17 de Luc est rempli de conseils donnés aux disciples. C’est un enseignement qui vaut tout aussi bien pour la communauté chrétienne, celle d’après la résurrection, celle de tous les temps. Aujourd’hui même, par sa liturgie, l’Église nous rappelle les paroles de Jésus. Un peu de foi, et les arbres se déplaceraient. Et quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : « Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir. » Cette vue de foi elle-même nous permettra de dépasser nos limites personnelles, trop humaines. Par les yeux de la foi, nous saurons bien que ce n’est pas nous qui agissons, mais que Dieu s’est servi de nous comme de simples serviteurs. Mais précisément, Dieu a voulu avoir besoin de nous, pour que son Règne arrive : Dieu a voulu que nous soyons ses serviteurs, et c’est lui qui nous donne la force et la grâce d’agir pour que sa parole soit proclamée, pour que sa grâce nous soit donnée. Les raisons de nous enorgueillir nous sont enlevées, les raisons d’agir sans crainte et sans défaillance nous sont données.

Léo Laberge OMI était professeur d’exégèse à la Faculté de théologie de l’Université Saint-Paul.

Source : Le Feuillet biblique, no 2769. Première parution dans le Feuillet biblique no 1069. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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