La guérison des dix lépreux. © Brian T. Kershisnik, 1997. Huile sur panneau, 32 x 42 cm. Collection privée (image utilisée avec autorisation).
Reproductions disponibles sur newvisionart.com ou kershisnikprints.com.

Ici, maintenant : action... de grâces!

Alain FaucherAlain Faucher | Pentecôte (C) – 9 octobre 2022

Guérison de dix lépreux : Luc 17, 11-19
Les lectures : 2 Rois 5, 14‑17 ; Psaume 97 (98) ; 2 Timothée 2, 8-13
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Demain, c’est jour de fête. On s’attarde rarement au nom de cette journée de congé. La plupart des gens auraient du mal à justifier le nom de la fête de l’Action de grâces. On y voit surtout un congé bien pratique pour fermer le chalet ou pour ranger à l’abri des intempéries les meubles de jardin. Chacune, chacun a ses projets pratico-pratiques pour ce congé, et la journée est vite passée. Où est l’élan collectif de reconnaissance du « dire merci » ?

Les mercis collectifs se font rares à notre époque… Cette rareté de l’action de grâces dévalorise la contribution historique de l’Église en notre pays. Il est bien rare que soit reconnu le travail investi par les communautés religieuses et les paroisses dans la construction de notre société.

Même dans nos milieux de pèlerinage, les gens sont davantage portés vers la prière de demande que vers la prière de remerciement. Neuf personnes sur dix iraient en pèlerinage sans s’attarder au remerciement à Dieu pour l’un ou l’autre de ses bienfaits. Notre prière est-elle marquée par les moments heureux, les avancées réussies, les réalisations étonnantes? Ou nous enfermons-nous dans une prière qui ne fait que demander, implorer, supplier? Cela recoupe ce que raconte l’évangile de ce dimanche… Dans l’évangile, un seul des lépreux guéris prend la liberté de revenir vers Jésus pour exprimer physiquement, en paroles et en gestes, son vibrant merci. À remarquer que c’était une personne non liée au culte célébré à Jérusalem. Il représente à lui seul toutes les personnes de bonne volonté qui exercent leur droit de vivre et de célébrer les gestes de générosité posés par Dieu à leur égard.

Un enthousiasme amusant

La réputation d’Élisée, homme de Dieu, s’étendait jadis aux contrées voisines d’Israël. Un puissant militaire syrien, Naaman, espère être guéri par ce prophète d’une maladie de peau (voir 2 Rois 5,14-17). Le remède proposé par le prophète laisse perplexe le général : sept baignades dans le fleuve si modeste qui relie les deux plans d’eau d’Israël... Chose étonnante, la plongée sept fois de suite fait disparaître les problèmes dermatologiques du général.

Nous trouvons fort amusante la déclaration finale du général. En effet, nous avons perdu l’habitude d’associer notre foi en Dieu à un lieu, à un terrain précis. Pour reconnaître les bienfaits reçus de Dieu, nous n’avons plus besoin de transporter avec nous des kilos de terre prélevés dans tel sanctuaire ou tel lieu sacré. Notre foi est essentiellement « portative ».

Pourtant, quand on y pense avec un peu de sérieux, ce geste du général syrien est une belle et profonde déclaration de foi. Elle implique toute sa personne, en incluant son corps. Elle mérite d’être admirée et louangée… Cette rencontre du général syrien guéri par la parole du prophète nous incite à réfléchir à notre comportement de croyants.

Sommes-nous sérieusement capables de reconnaître ce que nous recevons de Dieu? Sommes-nous prêts à nous investir dans un merci franc et sincère à ce Dieu généreux, que ses largesses soient diffuses ou qu’elles soient visibles sur un point précis de notre quotidien?

Un psaume engageant

Ce texte de prière offre une double clé pour apprécier les lectures de ce dimanche et pour les appliquer à la Fête de lundi. Dans ce psaume, toutes les nations sont mises en présence des dons divins. Toutes les nations peuvent être impliquées dans un grand merci à Dieu.

Ainsi, Dieu a révélé sa justice aux nations. S’il se rappelle sa justice en faveur de la maison d’Israël, c’est qu’en même temps la terre entière a vu sa victoire. Conclusion pratique : « Faites du bruit! ». Comme on dit dans le psaume : « sonnez, chantez, jouez… » Les croyants ont raison de s’investir dans le bruit liturgique… Mais ce joyeux tintamarre ne doit surtout pas s’enfermer dans les frontières étroites du Peuple de Dieu… Dieu se fait connaître à toutes les nations.

Un évangile décapant

À l’époque de Jésus, on ne contrôle pas les maladies de la peau. Selon l’évolution des malades, on les exclut des lieux d’habitation des gens normaux ou on les réintègre par un rite religieux, un geste officiel de retour dans la grande communauté. On perçoit l’intervention divine lors d’un tel retour à la santé. En jugera un permanent de la religion, une personne habilitée à agir comme médiateur entre Dieu et le peuple. Ce que nous appelons un prêtre, par exemple…

Jésus entérine ce processus de validation. Dans la rencontre initiale, les demandeurs honorent Jésus avec un titre, « maître », habituellement utilisé par les disciples. Ils lui font confiance. C’est lui qui impose la démarche officielle de réintégration à ces malades... pas encore guéris! Sitôt entendu l’ordre de Jésus, les voilà en route vers un homme de Dieu! Pendant leur marche, la transformation bienfaisante s’opère.

Ne dénigrons pas ces neuf hommes qui ne reviennent pas en arrière vers Jésus. Ces gens sont obéissants envers Jésus. Ils sont croyants. Ils accomplissent avec exactitude ce que Jésus leur a demandé. Ils jouent le jeu de leur religion tel que convenu.

Dans le groupe des dix, une personne n’est pas liée aux règles du Temple de Jérusalem. Un schismatique, un Samaritain. S’est-il senti libre de recréer à sa manière le rituel prévu à Jérusalem? Le récit ne le dit pas. On décrit son retour vers Jésus, ses paroles, sa prosternation devant Jésus. Jésus apprécie cette reconnaissance de l’intervention de Dieu. Il valide la foi qui sous-tend cette démarche. Par contre, Jésus se questionne devant l’absence des neuf personnes de son peuple. Cela est un peu ironique, car les neuf ont correctement agi dans les circonstances… En contraste, Jésus ne se gêne pas pour trouver du bon à la délinquance du Samaritain.

Ce comportement apprécié du Samaritain nous invite à vérifier la portée concrète de notre vie de foi. Se traduit-elle dans des gestes qui affirment notre relation avec Dieu? Se permet-elle un peu de créativité et d’innovation quand il s’agit de reconnaître dans l’action de grâce que Dieu vient d’agir pour nous? Bref, cet évangile nous questionne sur nos appartenances… et nos obéissances.

Un témoignage missionnaire

La foi de Paul rend sa vie inconfortable (voir 2 Timothée 2,8-13). Il souffre de son adhésion à la Parole de Dieu, tout en constatant qu’elle ne se laisse pas enchaîner comme lui. En résulte ce texte engageant où la mort se change en vie, où l’épreuve devient règne partagé.

L’enjeu de l’appartenance est de taille. Si nous rejetons Jésus Christ, lui aussi sera en droit de nous rejeter. Si nous osons être infidèles, lui, au contraire, restera fidèle. Il ne peut se dédire, renier ses promesses…

Un allié si stable devrait susciter notre merci profond envers Dieu. Au-delà de ce que Dieu accomplit pour nous en Jésus, nous avons raison de rendre grâce pour la parole et l’action de Jésus, messager missionnaire de Dieu. À notre tour d’enrichir notre témoignage missionnaire avec une bonne dose d’action de grâce!

Alain Faucher est prêtre du Diocèse de Québec. Professeur d’exégèse biblique à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval, il est directeur général des programmes de premier cycle.

Source : Le Feuillet biblique, no 2770. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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