Le relèvement de Lazare (détails). Rembrandt, c. 1620-1630. Huile sur bois, 96,4 x 81,3 cm. Musée d’art du comté de Los Angeles (Wikipédia).

Moi, je suis la Résurrection et la vie

Patrice BergeronPatrice Bergeron | 5e dimanche du Carême (A) – 26 mars 2023

La mort de Lazare et sa sortie du tombeau : Jean 11, 1-45
Les lectures : Ézéchiel 37, 12-14 ; Psaume 129 (130) ; Romains 8, 8-11
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Le Carême de l’année liturgique A est souvent qualifié de « baptismal » ou de « catéchuménal ». La raison en est bien simple : les Évangiles – tous tirés de l’Évangile de Jean – proclamés aux messes dominicales des 3e, 4e et 5e dimanches du Carême de cette année sont « les Évangiles traditionnels de l’initiation chrétienne : Samaritaine, aveugle de naissance, Lazare ressuscité [1] » . Depuis les débuts de l’Église, ces récits johanniques, denses et évocateurs des mystères de la vie chrétienne, éclairent et accompagnent les pas de ceux et celles qui se préparent à être plongés dans le Christ lors de la Veillée pascale et dont le Carême constitue la préparation ultime [2].

Des signes

Soulignons un trait particulier du 4e évangile. L’évangile de Jean ne rapporte pas de miracles de Jésus ! « Qu’est-ce à dire ? Le récit de la résurrection de Lazare n’est-il pas un miracle des plus impressionnants rapporté par l’évangéliste Jean ? » Oui, mais ces faits prodigieux de la vie de Jésus, Jean ne les appelle pas « miracles », mais « signes » ! Signes de quoi ? Signes de sa gloire, signes qui laissent transparaître quelque chose de son identité mystérieuse et profonde, quelque chose de sa divinité (Jn 2,11).

Comparativement à ses pairs, l’évangéliste Jean rapporte peu de « signes » de Jésus : sept seulement ! Ces sept signes que Jean choisit de raconter sont tous des anticipations de la glorification de Jésus qui se manifestera pleinement à « l’heure » de son élévation, c’est-à-dire à la croix. La résurrection de Lazare est le septième et dernier signe de cette série, ce qui, en termes de symbolique biblique, lui confère un statut particulier – sept étant le chiffre de la perfection. Ce septième signe de Jésus est non seulement le plus impressionnant (ressusciter un mort [3]), mais il est celui qui préfigure le plus directement le Grand Signe par lequel toute la gloire de Jésus sera révélée : le mystère de sa mort-résurrection. D’autant plus que cette résurrection semble le « signe de trop » qui décidera le conseil des prêtres et des Pharisiens de mettre Jésus à mort (Jn 11,46-53), accélérant ainsi le jour de sa glorification, ce que Jésus prophétise à ses disciples en début d’épisode : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » (Jn 11,4)

Des personnages connus

Parmi les trois résurrections opérées par Jésus dans les évangiles, Jean est le seul à raconter celle de Lazare. L’évangile de Luc connaît bien un certain Lazare, mais simplement comme un personnage de parabole plutôt qu’un ami personnel de Jésus (Lc 16,19-31). Quant à ses sœurs, Marthe et Marie de Béthanie, aussi amies de Jésus, elles correspondent certainement aux deux mêmes sœurs qui reçoivent Jésus avec des attitudes si contrastées en Luc 10,38-42, puisque Jean les décrit ici avec des traits semblables. Cette Marie est aussi connue des premiers chrétiens pour avoir oint les pieds (ou la tête) de Jésus d’un parfum précieux avant les événements de sa passion [4], aussi Jean peut la présenter comme telle (Jn 11,2) avant même de raconter cette onction au chapitre suivant (Jn 12,3).

La pointe du récit

Jean est friand de ces longs récits qui lui permettent, au fil des conversations entre Jésus et ses interlocuteurs, d’apporter une révélation sur Jésus précédé du nom divin : Je suis. Le cœur de ce récit est certainement ce dialogue avec l’active Marthe qui vient à ses devants et la pointe de ce dialogue, cette affirmation solennelle : « Moi, Je suis la résurrection et la vie » (Jn 11,25). Cette affirmation donnera lieu à une profession de foi parfaite de Marthe : en lui donnant les titres de « Christ », de « Fils de Dieu » de « Celui qui vient dans le monde », elle décline l’entière identité de Jésus, accostant au port précis où l’évangéliste désire mener tous les destinataires de son œuvre (Jn 20,30-31). Le signe de la sortie de Lazare du tombeau, qui ne tient qu’à deux versets, confirmera cette prétention de Jésus d’être Maître de la vie.

 « Seigneur, si tu avais été là… »

Marie réagit différemment de Marthe au décès de son frère. Elle reste enfermée dans la maison du deuil jusqu’à l’appel du Maître. Cependant, lorsqu’elle paraît devant lui, s’élève de son cœur le même cri qu’exprimait Marthe précédemment : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ! » Ce cri exprime le désarroi universel que ressent l’humanité devant la réalité de la mort. Il y a dans cette phrase un reproche caché, un questionnement implicite. « Seigneur, si tu avais été là... où étais-tu ? Pourquoi as-tu laissé mon frère, ton ami, mourir sans rien faire ? »

Comment Jésus répond-t-il à ce cri ? De deux façons. Premièrement, il prend part au drame, il est présent à Marthe, à Marie, il est bouleversé, il pleure au tombeau de son ami. Il n’est pas indifférent au drame le plus grave de nos existences humaines, car Dieu n’est pas indifférent à la mort qui nous afflige. Il est celui qui pleure et meurt avec nous. Dieu est humain !

Deuxième façon : Jésus répond par l’ouverture du tombeau de Lazare, le faisant sortir debout et délié de ses liens de mort. La deuxième réponse du Christ, cette voix qui nous appelle hors du tombeau, n’est-elle pas celle qu’entendra chacun de nous à la fin de sa vie, voix du Ressuscité qui nous ressuscitera avec lui ?

Comme Marthe…

À quelques jours de célébrer à nouveau le mystère pascal, centre de notre foi, l’évangile d’aujourd’hui est un signe sur notre route de carême ! Que la profession de foi de Marthe inspire la nôtre, inspire celle des catéchumènes, futurs baptisés de Pâques ! Qu’elle nous incite à mettre toujours davantage notre foi en Celui qui est notre résurrection et notre vie !

Détenteur d’une licence en Écritures Saintes auprès de l’Institut biblique pontifical de Rome, Patrice Bergeron est un prêtre du diocèse de Montréal, curé de paroisses. Il collabore au Feuillet biblique depuis 2006.

Source : Le Feuillet biblique, no 2794. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

[1] Présentation générale du Lectionnaire romain, no 97.
[2] Ces textes évangéliques sont tellement appropriés à la préparation quadragésimale des futurs baptisés de Pâques, que l’Église recommande même de « les utiliser aussi pour les années B et C, en particulier là où il y a des catéchumènes », in Présentation générale du Lectionnaire romain, no 97.
[3] D’autant plus que la récit précise que Lazare est au tombeau depuis quatre jours. La croyance juive de l’époque voulait que l’âme du défunt prenait trois jours avant de quitter définitivement le corps. Les quatre jours ne laissent aucune ambiguïté, Lazare est vraiment mort.
[4] Passages parallèles en Mt 26,6-13 et Mc 14, 3-9. Ressemblances avec Lc 7,36-50, mais difficulté d’identifier Marie avec cette femme pécheresse.

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