Le maitre de maison. Gravure de Jan Luyken. Bible Bowyer, entre 1800 et 1834 (Harry Kossuth / Wikipédia).

Une exhortation à la vigilance

Odette MainvilleOdette Mainville | 1er dimanche de l’avent (B) – 3 décembre 2023

Exhortation à la vigilance : Marc 13, 33-37
Les lectures : Isaïe 63, 16b-17.19b ; 64, 2b-7 ; Psaume 79 (80) ; 1 Corinthiens 1, 3-9
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Ce bref extrait de l’Évangile de Marc présente une parabole mettant en scène un maitre qui, devant s’absenter, confie à chacun de ses serviteurs une tâche à accomplir en son absence. La nature de ces tâches demeure cependant vague, sauf en ce qui concerne celle du portier à qui il a expressément demandé de veiller. Pourtant, aussitôt après avoir adressé cette injonction au portier, il la reformule, en termes cependant plus modérés, à l’intention de tous les serviteurs. Tous, en effet, doivent veiller. Comment cette recommandation peut-elle alors se concrétiser dans le quotidien de chacun d’eux ?

Un enseignement sous forme de parabole

Rappelons d’abord que Jésus recourt régulièrement à la parabole comme mode d’enseignement. Est-ce une originalité de sa part? Non! En recourant à cette forme de communication, il adapte tout simplement son discours à une façon habituelle de s’exprimer au sein de son peuple. Un peuple qui aimait effectivement utiliser un style imagé, allégorique, pour illustrer son langage. Or, cette parabole que Jésus adresse à son petit groupe de disciples véhicule un message dont les échos traverseront les siècles. Un message qui nous interpelle tout autant aujourd’hui qu’alors. Un message qui sera toujours d’actualité.

On comprend d’emblée que le maitre dont il est question dans cette parabole, s’il fait d’abord référence au rôle de Dieu le Père, évoque également, pour nous aujourd’hui, la figure de Jésus qui, en l’occurrence, s’est fait Parole du Père. Il a effectivement enseigné à ses disciples et à ses contemporains quel comportement humain répond aux attentes du Père, quelle façon de vivre correspond à sa volonté. Or, la parabole insiste sur le fait que chaque serviteur a un rôle spécifique à jouer et que chacun devra rendre compte de la façon dont il s’en sera acquitté.

Chacun à sa tâche

Si le texte évangélique n’explicite pas la nature des tâches assignées à chaque serviteur, étonnamment, il spécifie que ce maitre « a donné tout pouvoir à ses serviteurs ». Cela infère donc un appel à l’autonomie et à la liberté de chacun dans l’accomplissement de sa tâche ; un appel au sens des responsabilités de chacun. On comprend implicitement qu’au regard du maitre, il n’y a pas de tâche banale, si humble soit-elle, mais que chaque tâche est importante, car quiconque négligerait de s’acquitter de la sienne entraverait le bon déroulement des activités de l’ensemble des serviteurs œuvrant dans son domaine. La négligence d’un seul ne pourrait-elle pas, en effet, être cause d’un déraillement, d’une défaillance au sein de l’équipe ?

Le personnage du portier dans cette parabole peut être vu comme celui qui a un rôle de surveillance, de rassembleur ou de coordonnateur de l’équipe. Sa simple présence dans le groupe se ferait en quelque sorte un rappel implicite, mais constant, aux ouvriers que le maitre va revenir, nul ne sait quand, mais que ses attentes seront que tout, dans son domaine, ait fonctionné comme s’il avait été présent. L’exhortation de veiller ne se veut cependant pas une menace, mais bien une incitation à la vigilance, pour que chacun accomplisse adéquatement la tâche qui lui est dévolue, en toute solidarité avec l’équipe.

On peut donc comprendre que l’ouvrier négligent ne serait pas seulement entrave à l’accomplissement harmonieux des tâches confiées à l’équipe, mais qu’il serait également responsable d’une faille à l’atteinte des objectifs fixés par le maitre. Ainsi deviendrait-il objet de déception, à la fois, de la part de l’équipe et de la part du maitre. Qui plus est, cet ouvrier s’auto-infligerait un blâme qui pourrait porter atteinte à son estime personnelle. Mais à l’inverse, la satisfaction de s’être adéquatement acquitté de sa tâche ne contribuerait-elle pas à mousser cette estime personnelle? La récompense n’est-elle pas inhérente à la joie du devoir accompli?

Une parabole toujours d’actualité

Mais en quoi ce langage parabolique peut-il encore nous rejoindre aujourd’hui ? Qui est le maitre ? Qui sont les serviteurs ? Qui est le portier ?

Pour le chrétien qui s’alimente à la nourriture des textes bibliques et plus spécifiquement à celle de l’Évangile, il va de soi que Jésus, en tant que messager de la volonté de Dieu, est ce maitre qui devient, pour nous, modèle à imiter. Or, l’enseignement qu’il a livré à ses disciples et aux gens venus l’entendre respectait à la fois le milieu et la culture ambiante de l’époque. Devenu Christ dans la résurrection, Jésus demeure toujours, par le fait même, présent parmi nous. Son message a traversé les siècles. C’est pourquoi il devient impératif de l’actualiser, de le rendre vivant, aujourd’hui, dans notre milieu et notre culture. Une responsabilité qui incombe à chaque individu. Une responsabilité dont chacun doit s’acquitter. Mais alors comment ?

Dans la foulée du message de l’Évangile où il est indiqué que le maitre « a fixé à chacun son travail », on doit comprendre que l’actualisation de ce rôle émane du potentiel et des talents de chaque individu. Chacun a effectivement des talents qui doivent être développés et mis au service de la collectivité. Une société ne peut se bâtir que par la contribution de tous les membres qui la composent et à cet effet, toutes les professions, tous les métiers, tous les talents sont les créneaux à travers lesquels elle évolue. Il revient donc à chaque individu de bien connaitre ses propres aptitudes et de les faire fructifier. D’autant plus que le potentiel respectif de chacun ne peut se développer qu’en étant mis au service de son milieu et de la société en général. L’individu sera d’ailleurs le premier à tirer satisfaction de sa pleine contribution au bien de la collectivité. En effet, le bonheur et la joie de chaque individu n’émanent-ils d’abord du fait de s’accomplir comme personne humaine ?

Par ailleurs, si le rôle de chacun peut se définir par le choix d’une profession ou d’un métier dans la ligne de ses talents, il n’en demeure pas moins que la façon de contribuer à la vie de son milieu peut parfois poser question. Que dois-je faire dans telle ou telle situation ? Comment dois-je adapter mon agir aux besoins du moment ? Encore là, Jésus demeure le modèle et le maitre vers qui se tourner. Il convient alors de toujours chercher à comprendre comment, lui, Jésus agirait aujourd’hui, dans cette situation précise. Toujours chercher à savoir ce qu’il attend de moi demeure la voie la plus sûre d’être ce serviteur qui s’acquitte du rôle qui lui a été confié, même si en raison de la finitude humaine, l’erreur peut parfois se glisser. L’important demeure de continuer toujours et partout à chercher la voie de la rectitude. C’est donc là que la recommandation de veiller trouve tout son sens.

Mais qu’en est-il alors du rôle spécifiquement nommé dans la parabole, en l’occurrence, celui du portier ? Tout groupe humain constitutif d’une société a à sa tête des dirigeants qui la rassemblent et en assurent la cohésion, cela autant dans le monde religieux que dans la société civile. Il est effectivement nécessaire d’avoir des leaders, des maitres, des rassembleurs à tout niveau. Mais n’oublions pas que le portier est aussi un serviteur. Son titre n’est donc pas objet d’orgueil, mais réfère plutôt à une responsabilité accrue au sein de la communauté.

Conclusion

Quand vient le maitre de la maison (…) il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis. Et Jésus d’insister : Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! Voilà une dernière exhortation très lourde de responsabilités qui s’adresse à tout un chacun d’entre nous. Elle est claire, il ne faut pas perdre son temps ; il ne faut pas remettre à demain. Nul ne sait où et comment s’achèvera son parcours. Quand l’heure sonnera, quand il lui faudra faire le bilan de sa contribution humaine devant le Grand Maitre, sa joie sera d’autant plus grande que dans un regard rétrospectif, il puisse constater qu’il a fait tout en son pouvoir pour mettre à profit auprès de ses semblables le potentiel humain dont il était doté. Ainsi aura-t-il répondu à l’exhortation de Jésus de veiller.

Odette Mainville est auteure et professeure honoraire de l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal.

Source : Le Feuillet biblique, no 2823. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

Célébrer

Célébrer la Parole

Depuis l’automne 2017, le Feuillet biblique n’est disponible qu’en version électronique et est publié ici sous la rubrique Célébrer la Parole. Avant cette période, les archives donnent des extraits du feuillet publiés par le Centre biblique de Montréal.