(Morgane Le Breton / Unsplash)

Hanoukah, Diwali, Noël : vive la lumière !

Paul-André GiguèrePaul-André Giguère | 3e dimanche de l’avent (B) – 17 décembre 2023

Jean, témoin de la lumière : Jean 1, 6-8.19-28
Les lectures : Isaïe 60, 1-2a.10-11 ; Luc 1, 46-54 ; 1 Thessaloniciens 5, 16-24
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Dans une semaine, Noël. J’en connais qui, année après année, déplorent que pour la majorité de nos concitoyens, la fête ne fasse plus référence à la naissance de Jésus. « Put Christ back in Christmas! » réclament-ils. On ne trouve plus de crèche de Noël, même pas au Dollarama, imaginez! D’autres se désolent de ce que la fête de la Nativité se soit dégradée en simple fête de la lumière. Retour au paganisme! puisque les Romains soulignaient le solstice d’hiver en célébrant « le soleil invaincu ».

Personnellement, il ne me déplaît pas qu’une société pluraliste place la lumière au cœur de la célébration du 25 décembre. Après tout, nous ne savons absolument rien de la date de la naissance de Jésus et nous oublions que si les chrétiens de Rome ont choisi de christianiser la fête du soleil invaincu, c’était pour proclamer joyeusement à cette société païenne la parole attribuée dès le premier siècle à Jésus : « La lumière du monde, c’est moi. » (Jean 8,12 et 9,5)

Une question

Le texte de l’Évangile de Jean retenu pour la liturgie de ce troisième dimanche de l’Avent insiste fortement sur un point : Jean le Baptiseur n’était pas la lumière, mais le témoin de la lumière. On peut voir derrière cette insistance le reflet d’une opposition qui aurait existé, à la fin du premier siècle, entre les disciples de Jean le Baptiseur et ceux de Jésus, une sorte de « mon prophète est plus fort que le tien ». C’est bien possible tant les premières générations chrétiennes ont vécu de tensions aussi bien en leur sein que dans leur environnement social et religieux. Mais ne laissons pas cette explication historique devenir l’arbre qui cache la forêt, c’est-à-dire l’essentiel.

Car le premier chapitre de l’évangile de Jean pose une question toute simple : mais pourquoi donc la lumière a-t-elle besoin d’un témoin? Ne s’impose-t-elle pas d’elle-même, qu’elle soit éclatante en plein jour ou faible lueur dans la nuit? Qu’est-ce donc que cette affaire de « témoin de la lumière »?

La Bible met très souvent la lumière en rapport avec Dieu. N’est-ce pas la toute première parole qu’elle lui attribue : « Que la lumière soit! » (Genèse 1,3)? Sa présence fidèle n’est-elle pas symbolisée, dans le livre de l’Exode, par une nuée lumineuse qui précède le peuple (Exode 13,22 ; Nombres 9,15-17)? Dans les psaumes qui nous instruisent sur ce qui était – et constitue toujours – le cœur de l’expérience spirituelle juive, Dieu et sa parole sont étroitement associés à la lumière. Des versets familiers viennent immédiatement à l’esprit : « YHWH est ma lumière et mon salut » (Psaume 27,1) ; « Ta parole est une lampe pour mes pas, une lumière sur ma route » (Psaume 119,105). De même, le thème de la lumière est souvent privilégié pour évoquer la manifestation du divin. Pensons à la scène de la transfiguration de Jésus (Marc 9,3 et par.), au blanc qui rayonne sur la face de Moïse (Exode 34,29ss.) ou caractérise les anges dans les récits du tombeau vide (Marc 16,5 et parallèles).

Et pourtant... J’ai gravé au cœur de mon expérience spirituelle la parole de Salomon placée au moment de l’inauguration du temple de Jérusalem, alors que le caractère sacré du moment et du lieu sont évoqués par le symbole d’une épaisse nuée qui emplit le temple : « YHWH a choisi d’habiter la nuée obscure. » (1 Rois 8,12).

Jean, puisque c’est dans son univers que nous introduit la lecture de ce dimanche, ouvre son évangile sur cette parole incontestable : « Dieu, personne ne l’a jamais vu. » (1,18) Jean ne poursuit pas en disant que le Dieu Fils unique l’a fait voir. Il dit : il l’a raconté [1].

Le drame : croire savoir

Nous voici au cœur du drame raconté par le quatrième évangile : ce qui a empêché un grand nombre de concitoyens de Jésus de l’accepter comme narrateur, et donc révélateur, de Dieu, c’est ce qu’ils savaient déjà. Ils avaient tiré de la Bible leurs représentations du divin et de ses rapports avec les humains et, singulièrement, avec Israël. Tout était clair et lumineux pour eux. Lumineux, peut-être, mais toujours inadéquats, ces mots, ces images, ces dogmes au sujet de Dieu. « Vous dites : Nous voyons? Vous demeurez dans votre péché » (Jean 9,41), c’est-à-dire à côté de la plaque.

Voilà pourquoi nous avons besoin de témoins de la lumière. Nous avons besoin de femmes et d’hommes qui, par grâce, par mission, pour parler comme la Bible, sont porteurs du mystère de la lumière que nul ne peut enfermer. Nous avons besoin de témoins de cet être inclassable, insaisissable, échappant à toutes nos représentations. Malheur à qui ne sait pas être secoué dans les convictions et les certitudes qui, à ses yeux, disent qui est Dieu.

Deux témoins

Témoin de la lumière : tel est bien celui qui parle à la première personne dans l’extrait d’Ésaïe proposé en première lecture de ce dimanche. Son auditoire : les cœurs brisés, les gens sans importance, les captifs, les prisonniers, en un mot, ceux pour qui la vie a perdu sa saveur, ceux qui ne voient pas ce que la vie leur réserve de bon, qui perdent courage et jusqu’à l’estime d’eux-mêmes. Et voici que cet anonyme apparaît comme un témoin de la lumière.

Oui, clame-t-il, vous qui n’y croyez plus ou à qui on ne l’a jamais révélé, il existe, pour vous, oui, pour vous, une bonne nouvelle, une guérison, une délivrance, une libération, plein de bienfaits, pour reprendre les mots de la traduction liturgique. Il y a de la lumière au bout de ce tunnel dans lequel vous avez l’impression que rampe votre vie. Il y a place à la joie et à l’exultation, il existe une justice, une source d’émerveillement et de louange. Et la source de cette lumière est divine.

Semblablement, la deuxième lecture est l’œuvre d’un autre témoin de la lumière. Une lumière telle qu’elle l’a aveuglé alors qu’il approchait de Damas. Une lumière qui a changé sa vie et dont depuis il ne cesse de parler et de témoigner. Oui, affirme-t-il dans ce qui est le plus ancien des écrits chrétiens, la lettre aux chrétiens de la ville grecque de Thessalonique : même si vous connaissez des difficultés, même si vous vivez des deuils, vous pouvez vivre dans la joie et dans l’action de grâce toujours et en toute circonstance. Car vous n’êtes pas seuls. L’Esprit que Dieu fait reposer sur l’anonyme d’Ésaïe 61,1, il le fait reposer sur nous, en nous, comme en et sur Jésus. Dieu nous demeure caché, mais nous pouvons pourtant dire, avec Paul, qu’il est le Dieu de la paix. Le Dieu qui sanctifie. Qui est fidèle. Qui appelle. Et qui accomplit ses promesses.

Dans une semaine, Noël

17 décembre. Oui, il y a l’essoufflement de la course aux cadeaux, oui il y a les limites que l’inflation imprime à notre budget, oui il y a des personnes qui souffrent de solitude, oui il y a le drame de chrétiens russes et de chrétiens ukrainiens qui s’entre-tuent transis de froid. Et oui il y a des gens qui ne savent même plus ce que représentent les personnages de la crèche. Et oui, le monde va mal et la planète est bouleversée. Nous avons terriblement besoin de croire à la lumière et de la fêter, en dépit de tous les nuages sombres et, pour cela, nous avons besoin de témoins de la lumière.

Mis en contact aujourd’hui par ces textes avec la joie et la confiance en la fidélité de Dieu, nous sommes tous choisis pour imprimer à nos célébrations familiales et amicales, humblement, sans « flafla », de la lumière, de la couleur et de l’éclat. Pas besoin de faire des « sparages », d’être une 100 watts. Être soi-même, tout simplement. Être témoin. « Vous êtes la lumière du monde. On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, dans le sapin et sur les balcons, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant tout le monde. » (Matthieu 5,15-16)

Diplômé en études bibliques et en andragogie, Paul-André Giguère est professeur retraité de l’Institut de pastoral des Dominicains (Montréal).

[1] La traduction liturgique, avec d’autres, choisit de dire : il l’a fait connaître.

Source : Le Feuillet biblique, no 2825. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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