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chronique du 22 février 2005

 

Matilde

Oui, le Père cherche des gens qui l'adorent de cette façon. Ils doivent l'adorer avec l'aide de l'Esprit Saint et comme le Fils l'a montré (Jean 4, 24).
 
On la connaît comme la fille à la cruche. Par ses rares temps libres, elle vend de la « chicha » (boisson bon marché) dans les rues. Elle aime causer et tout le monde la connaît. Son nom est Matilde. Elle habite un réduit grand comme la main, où son petit de deux ans reste enfermé à clef pendant qu'elle est au travail.

     Chez la patronne, elle a tout à faire, depuis le gros ménage jusqu'au bain des deux chiens en passant par les courses au marché, la cuisine, le lavage de l'auto et de la camionnette, et le soin des cinq enfants mal élevés. Pour elle, les congés et les fins de semaine n'existent pas. Parfois elle trime depuis tôt le matin jusqu'à tard dans la soirée. À la fin du mois, on lui verse à peine la moitié du salaire minimum; en plus, bien sûr, de la pitance de tous les jours. Le patron a un gros magasin et la patronne, un restaurant, mais ils se plaignent de ne pas faire d'argent; et Matilde les croit. Elle leur est reconnaissante lorsqu'ils l'assurent qu'ils pourraient se passer d'elle et que s'ils l'embauchent, c'est seulement pour lui rendre service.

     Malchanceuse en amour, Matilde s'est fait abandonner deux fois par des fainéants qui buvaient et la battaient. Marquée par la honte de ses échecs, elle n'ose pas aller à la messe le dimanche; mais quand l'église est vide, la semaine, il lui arrive de s'y faufiler pour allumer une chandelle aux saints et leur faire une courte prière. De l'avis de la patronne, il s'agit là d'une religion d'ignorante; mais Matilde s'en défend bien puisque, d'après elle, ce qui compte c'est le cœur. Sur ce sujet, l'avis de la patronne ne l'impressionne pas, car depuis l'arrivée du nouveau curé, elle ne met plus les pieds à l'église; elle dit que des sermons qui parlent de Bible et de justice, elle en a soupé. Quant au patron, il n'est pas méchant, au dire de Matilde, puisqu'il lui permet d'acheter à crédit à son magasin; mais elle l'aime moins, lorsque, pour effacer ses comptes qu'elle est incapable de payer, il lui propose de faire en cachette des choses avec lui, que la patronne serait furieuse d'apprendre. Malgré tout, Matilde est convaincue que les patrons cherchent son plus grand bien et elle fait grand cas d'eux lorsqu'ils lui recommandent de se tenir loin des personnes louchent qui parlent de syndicat.

     Matilde, cependant, n'est pas tout à fait heureuse. Elle se sent fatiguée, et elle s'inquiète pour son petit qu'elle laisse enfermé pendant les heures de travail, parce qu'elle n'a personne pour le garder et que la patronne ne veut pas le voir chez elle. Bientôt il aura trois ans et il ne parle pas encore un seul mot; il n'a même pas fait ses premiers pas. Matilde se sent coupable (R. Roy, Les Matilde de Tilcara dans Missions Étrangères, 1989, no 12).

LIEN : Deux femmes, que des siècles d'humanité séparent, mais qui se ressemblent comme deux sœurs : Matilde et la Samaritaine. Toutes les deux fatiguées de leur vie déréglée, toutes les deux à la recherche d'un répit, toutes les deux lourdement chargées du poids de leurs échecs, du rejet des « bonnes gens », toutes les deux assoiffées d'amour, elle vont « à lasource » quand il y a le moins de danger pour elles d'être regardées de travers et d'entendre les sarcasmes des « gens corrects » qui leur tournent le dos. L'ensemble des signes chez l'une comme chez l'autre nous laisse soupçonner qu'elles sont de ces « petits » à qui le Royaume des cieux est promis en partage.

     L'attitude de Jésus qui ne dédaigne pas de bavarder avec une femme que la société a mise au ban doit nous inviter à nous faire accueillant à toutes les personnes que la vie place sur notre route. Jamais nous n'avons à nous élever en juges ou en interprètes de leurs intentions : le Seigneur seul peut lire dans les cœurs et, quoi qu'Il y voie, Il aime inconditionnellement. À nous aussi, le Seigneur veut dire ce matin « je te donnerai une eau vive ». Le carême est une occasion de faire un arrêt au puits; il nous y attend, nous avons tous besoin de nous retrouver en présence de l'amour du Seigneur. Il y a en chacun de nous une soif de bonheur, de sérénité et d'amour que seul le Seigneur peut étancher.
 


Mon amaryllis
Une boîte négligemment renversée,
entrouverte, ça pique la curiosité.
Je m'y suis laissé prendre.
À l'intérieur, un vase, du terreau,
un bulbe d'amaryllis en mauvaise posture, l'air piteux.
Un court examen me fit voir qu'il y avait encore de la vie :
Une pointe jaunâtre, piteuse, assoiffée.
Le mieux possible, je le remplaçai en terre
et la fit boire généreusement.
Un mois plus tard, deux hampes florales.
Six magnifiques fleurs d'un rouge riche capable de faire
rêver la reine la plus exigeante!
J'ai pensé qu'il pouvait en être ainsi pour les cœurs desséchés...
Qui sait? L'eau promise à la Samaritaine ça ressuscite
même un cœur cinq fois blessé...

Abbé Martin Lamarre,
Mes saisons... Saisons de Dieu, 1995

 

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Napoléon et le marchand de fourrures