INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Intuitions

 

orant
Imprimer
chronique du 11 avril 2006
 

Triduum pascal

Jeudi saint

Le festin de Babette

Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout (Jean 13, 1).

     Gabriel Axel nous a donné en 1987 un très beau film : « Le festin de Babette ». Un pasteur protestant a fondé une petite congrégation et il a vécu avec ses deux filles, Philippa et Martine, une vie très austère et priante qui dédaigne les choses d'ici-bas et n'aspire qu'à la Nouvelle Jérusalem. Tour à tour Philippa et Martine renoncent à un amour possible. Puis le père meurt et les deux filles continuent de prendre soin de la congrégation.

     Un soir descend chez elles, dans leur petit village danois, une française, Babette. Elle doit fuir la Révolution car elle craint pour sa vie. Elle n'a plus de parents. Elle demande aux deux sœurs de la prendre à leur service pour le gîte et le couvert. Commence pour elle une vie austère où elle sert les deux sœurs avec discrétion et assiduité.

    Alors qu'on s'apprête à fêter le centième anniversaire de naissance du pasteur, Babette reçoit une lettre lui annonçant qu'elle a gagné 10 000 francs à la loterie. Elle propose d'organiser un banquet et d'inviter les membres de la congrégation. Elle offre un véritable festin, car elle a été le grand chef du Café anglais de Paris. Elle dépense même tout le montant qu'elle a gagné, dans un geste d'une rare extravagance.

    Les membres de la Congrégation sont divisés : il faut être poli envers Babette mais ne doit-on pas mépriser la matière? Comment peut-on goûter toutes ces bonnes choses? Il faut manger comme d'habitude sans manifester la moindre satisfaction.

    Mais la générosité de Babette, le bon vin et l'enthousiasme d'un autre invité font que peu à peu les yeux s'allument, les visages sourient, les cœurs se réchauffent et on assiste à une véritable communion entre ces personnes : un moment de grâce, de pardon mutuel, de louange.

LIEN: La générosité de Babette surprend des gens sévères et durs pour eux-mêmes mais finit par toucher leur cœur et les transfigurer. L'amour de Jésus est extravagant lui aussi, il va jusqu'au bout. Le Jeudi saint est le festin de Jésus qui, en se donnant, nous a tout donné.

     Dieu n'est qu'Amour. Les qualités de Dieu – toute-puissance, sagesse, beauté – sont les attributs de l'amour. Or si Dieu n'est qu'Amour, il est humble, pauvre et dépendant. Dieu est le plus dépendant de tous les êtres. Nous cherchons Dieu dans la lune, alors qu'il est en train de nous laver les pieds. Nous cherchons le visage de Jésus, alors qu'il est visible dans celui ou celle auquel nous rendons service. Quand je vois Jésus, le soir du jeudi saint, laver avec humilité des pieds humains, je vois Dieu lui-même éternellement serviteur, avec humilité au plus profond de sa grandeur. Cette grandeur, Jésus la révèle dans le service, et jusque dans le don de sa vie (Inspiré de F. Varillon, Joie de croire, Joie de vivre).

* * * * *

Vendredi saint

Inconsolable

Ce que j'ai dit, demande-le à ceux qui sont venus m'entendre. Eux savent ce que j'ai dit (Jean 18, 21).

    Notre fille de quatre ans connaissait la signification religieuse de Noël, mais nous ne lui avions pas encore expliqué celle de Pâques.

    Le matin du Vendredi saint, elle alluma la télévision pour regarder son émission préférée, mais le programme pour enfants avait été remplacé par l'histoire de la Passion.

    À la fin, elle accourut vers moi et dit : « T'as entendu ce qui est arrivé à Jésus?» (C. Davis).


LIEN : Ce moment central de l'histoire de l'humanité, de l'histoire de notre foi, le regarde-t-on avec toute la fraîcheur de cette enfant? Est-il encore d'une actualité frappante pour nous aujourd'hui?

* * * * *

    « Tout s'est passé si vite, mais à nous, il nous faut des siècles pour tenter de comprendre. Déjà les apôtres avaient mis des années pour mesurer la signification de ces événements. De multiples messages, diffusés dans leur prédication, jettent des lueurs sur ce mystère. (...) ».

    « Pendant ces quelques heures, Jésus a-t-il eu le temps de réaliser tout ce qui arrivait? Mais voilà longtemps déjà qu'il s'était engagé sur ce chemin. (...) ».

    « Dans le grave silence de ces jours, l'Esprit de Jésus nous convie à poursuivre cette méditation et à rechercher comment la Passion et la Résurrection de Jésus nous ont touchés. (...) » (Marcel Metzger, Signe d'aujourd'hui, no 111, p. 115).

L'oiseau ensanglanté

    Des myriades d'oiseaux voletaient sous un filet tendu au-dessus du sol. Sans cesse ils s'envolaient, heurtaient le filet et retombaient à terre. Le spectacle était accablant de tristesse. Mais voici qu'un oiseau s'élança à son tour. Il s'obstina à lutter contre le filet, et soudain, blessé, couvert de sang, il le rompit et s'élança vers l'azur. Ce fut un cri strident parmi tout le peuple des oiseaux, et dans un bruissement d'ailes innombrables, ils se précipitèrent vers la brèche, vers l'espace sans limite.

LIEN : Jésus ensanglanté a brisé le filet du destin. L'impossible est désormais au cœur de la foi chrétienne et de l'humanité. Cri de l'oiseau ensanglanté, il veut ouvrir à tous l'espace ... « Dieu est couvert de blessures d'amour qui jamais ne se ferment » écrit Lorca. Ces blessures, Dieu les reçoit sur toute la face de la terre: les guerres, les injustices, les détresses, le désespoir ... blessures de Dieu!

* * * * *

Veillée pascale et dimanche de Pâques

Le secret de l'Inukshuk

Jésus lui-même s'approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient aveuglés et ils ne le reconnaissaient pas (Luc 24, 15-16).

    Sur l'île de Baffin on peut voir de curieux monuments parsemés ici et là dans la toundra. Faits d'énormes pierres superposées, on dirait des croix ou des humains. En fait, est-ce l'humain qui a forme de croix lorsqu'il étend les bras? ou la croix qui a la forme d'un humain? Est-ce que l'humain porte la croix ou repose sur la croix? Je ne sais pas Je les trouvais bien beaux ces monuments appelés Inukshuk! Inuk = humain, Inukshuk = guide. Un jour que je me dirigeais vers un point d'eau où je comptais pêcher le jeune saumon, j'ai demandé ma route au vieux Siméonie. Il m'a répondu :

    - Suis les Inukshuk.

    - Mais comment? Ils sont dispersés un peu partout dans la toundra.

    Simeonie m'a fermement incitée à me déplacer un peu, à pencher la tête, à fermer un œil pour voir plus juste et il m'a dit :

    - Quand tu vois plusieurs Inukshuk c'est que tu es en errance, que tu ne vas nulle part; il faut te placer de façon à ce qu'ils soient si parfaitement alignés que tu n'en vois plus qu'un : alors seulement tu es en chemin.

   Et j'ai pensé aux croix de nos vies, aux Inukshuk de notre toundra ... Quand on s'applique à les dénombrer, à dresser le bilan de nos épreuves, à effectuer l'autopsie de nos peines, peut-être sommes-nous en errance.

    Lorsqu'on se décide à se déplacer un peu, à pencher la tête, à fermer un œil pour voir plus juste ... Lorsqu'enfin toutes nos croix bien alignées permettent au regard de n'en apercevoir qu'une, celle qui sauve, celle sur laquelle repose notre résurrection, alors seulement nous sommes en chemin (Rita Coulombe-Habel).


LIEN: Nous ressemblons parfois aux disciples d'Emmaüs : on ne voit pas le Seigneur qui marche à nos côtés. On ne le reconnaît pas parce que notre regard est dirigé sur nos multiples petites croix dispersées dans notre quotidien, alors que si on en prenait une vue d'ensemble, on n'en verrait qu'une et alors on comprendrait que c'est aussi celle du Christ, celle qui sauve, qui donne sens et nourrit l'espérance.

 

Chronique précédente :
L'univers des ombres