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Les Psaumes

 

David
     

chronique du 11 mars 2016

 

Vers toi j’ai les yeux levés : Psaume 123 (122)

Psaume 122

Initiale A – psaume 122
Psautier de Saint Albans, vers 1130, Dombibliothek Hildesheim
Image © Hildesheim, St Godehard

Vers toi j’ai les yeux levés,
Vers toi qui es au ciel.

Comme les yeux de l’esclave
Vers la main de son maître,
Comme les yeux de la servante
Vers la main de sa maîtresse,
Nos yeux, levés vers le Seigneur notre Dieu,
Attendent sa pitié.

Pitié pour nous, Seigneur, pitié pour nous :
Notre âme est rassasiée de mépris.

C’en est trop,
Nous sommes rassasiés
Du rire des satisfaits,

Du mépris des orgueilleux!

Les yeux levés vers toi

     Le psaume 122 trouve sa place dans le psautier en prolongement des psaumes qui le précèdent immédiatement : les psaumes 119, 120 et 121. Il emprunte des éléments à ces trois poèmes. Dieu est appelé « le Seigneur notre Dieu » (Ps 121,9; 122,2). On peut le rencontrer à Jérusalem (Ps 121,1.9), mais son lieu de prédilection est le ciel (Ps 120,2; 122,1). L’orant porte son regard vers les montagnes (Ps 120,1) et bien au-delà, vers le ciel (Ps 120,2; 122,1).

     Dieu n’habite pas un lieu précis. Nous l’avons reconnu dans la  personne de son Fils lorsqu’il est venu parmi nous. Il a parcouru des lieux bien concrets. Mais son lieu d’habitation n’est pas un lieu. Du moins, nous ne pouvons pas circonscrire l’espace que Dieu habite, ce non espace à vrai dire. Aussi, il n’est pas surprenant que l’être humain se tourne vers ailleurs, plus précisément vers le haut, pour chercher et trouver son Créateur et Sauveur. Pas surprenant non plus qu’il prie en levant les yeux vers le ciel. Dans le dialogue au début de la prière eucharistique, nous disons : « Élevons notre cœur. Nous le tournons vers le Seigneur. » Ce que la prière eucharistique appelle « notre cœur », le psaume le propose quand il dit : « les yeux levés ». Le psalmiste et bien d’autres priants situent Dieu au-dessus du monde terrestre. Le Créateur domine son œuvre. Il est le Très-Haut!

     Tout naturellement, nous dirigeons notre regard vers le haut quand nous prions. L’auteur du psaume 122 en fait autant. En deux versets, le psaume reprend quatre fois l’image des yeux levés vers le ciel (Ps 122,1-2; cf. 120,1). La première fois, les yeux sont tournés vers le Seigneur explicitement et ce sont les yeux du priant qui s’adressent ainsi au Très-Haut (v. 1). De même, la quatrième fois (v. 2). La deuxième et la troisième fois, le psalmiste semble souhaiter que Dieu intervienne comme l’esclave dévoué et la servante toujours prête à répondre aux moindres désirs de sa maîtresse. Le dévouement total! L’abandon à la volonté de Dieu!

     Le psalmiste dirige son regard vers la main de Dieu. Dieu va répondre avec empressement comme l’esclave ou la maîtresse. La foi du croyant est toute confiance. « Le psalmiste lève constamment les yeux vers Dieu, comme le serviteur ne cesse de regarder la  main de son maître, pour veiller au moindre geste de sa part, et il en attend la bénéfique intervention. » [1] « Les yeux sur toi, tous, ils espèrent : tu leur donnes la nourriture au temps voulu; tu ouvres ta main : tu rassasies avec bonté tout ce qui vit. » (Ps 144,15-16)

     Le mépris s’est abattu sur le juste. Il le terrorise. L’ennemi frappe, entraîné par son orgueil. La prière du psalmiste est sobre. On trouvera plus de déploiement dans le psaume 93 : « Lève-toi, juge de la terre; aux orgueilleux, rends ce qu’ils méritent. Combien de temps les impies… vont-ils triompher… ils profèrent l’insolence… ils se vantent, tous ces malfaisants.  C’est ton peuple, Seigneur, qu’ils piétinent… ils massacrent la veuve et l’étranger, ils assassinent l’orphelin… »

     Au début, la prière est à la première personne du singulier. C’est la prière d’un seul. Puis, on voit apparaître, discrètement, la première personne du pluriel. Le psalmiste s’est glissé dans l’assemblée. Il fait corps avec elle et lui confie sa supplication. Elle peut faire sienne la prière de l’orant.

     Israël a sûrement fait appel à ce psaume aux jours de détresse, quand sa foi défaillait. Les mots qu’il reprenait dans sa prière avaient déjà soutenu le courage de ses prédécesseurs. Au temple, à la synagogue comme dans les maisons, la prière portait toute l’histoire d’un peuple trop souvent maltraité. Elle portera tout son poids et son pesant d’or dans la bouche de Jésus quand il se tournera vers son Père, quand il s’abandonnera à lui jusque dans la condamnation et la mort.

     À notre tour, plus de deux mil ans après lui, notre baptême nous incite à reprendre la prière et oser la prononcer au nom de Jésus. Oser la prononcer comme lui en alliance avec le Père. Oser la prononcer au nom de tant d’hommes et de femmes qui n’ont plus la force, ou si peu, de prier et de se tourner vers la main du Christ qui est toujours disponible comme l’esclave et la servante, attendant un geste de sa part.

[1] Jean-Luc Vesco, Le psautier de David traduit et commenté, Paris, Cerf, 2008, p. 1187.

Denis Gagnon

Article précédent :
Pitié pour moi, mon Dieu : Psaume 50