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Dieu le Rocher – AT2

Paul-André DurocherPaul-André Durocher | 11 février 2019

Référence biblique : Deutéronome 32, 1-12
Liturgie des Heures : Samedi II – Laudes

1 Écoutez, cieux, je vais parler !
que la terre entende les paroles de ma bouche !
2 Mon enseignement ruissellera comme la pluie,
ma parole descendra comme la rosée,
comme l'ondée sur le verdure,
comme l'averse sur l'herbe.

3 C'est le nom du Seigneur que j'invoque ;
à notre Dieu, reportez la grandeur.
4 Il est le Rocher : son œuvre est parfaite ;
tous ses chemins ne sont que justice.
Dieu de vérité, non pas de perfidie,
il est juste, il est droit.

5 Ils l'ont déshonoré, ses fils perdus,
génération fourbe et tortueuse.
6 Est-ce là, ce que tu rends au Seigneur,
peuple stupide et sans sagesse ?
N'est-ce pas lui, ton père, qui t'a créé,
lui qui t'a fait et affermi ?

7 Rappelle-toi les jours de jadis,
pénètre le cours des âges.
Interroge ton père, il t'instruira ;
les anciens te le diront.

8 Quand le Très-Haut dota les nations,
quand il sépara les fils d'Adam,
il fixa les frontières des peuples
d'après le nombre des fils de Dieu.
9 Mais le lot du Seigneur, ce fut son peuple,
Jacob, sa part d'héritage.

10 Il le trouve au pays du désert,
chaos de hurlements sauvages.
Il l'entoure, il l'élève, il le garde
comme la prunelle de son œil.

11 Tel un aigle qui éveille sa nichée
et plane au-dessus de ses petits,
il déploie son envergure, il le prend,
il le porte sur ses ailes.
12 Le Seigneur seul l'a conduit :
pas de dieu étranger auprès de lui.

Sens original. Les chapitres 31-34 du Deutéronome concluent l’ensemble du grand cycle que forment les cinq premiers livres de la Bible, le Pentateuque (la Torah, en hébreu). En plus de raconter les derniers jours de la vie de Moïse, ils nous présentent deux grands poèmes qu’il aurait proclamé devant tout le peuple d’Israël avant son entrée en Terre sainte.

De fait, même si des aspects de ces poèmes semblent être très anciens, plusieurs spécialistes croient que leur composition a été achevée bien longtemps après la mort de Moïse, possiblement sept cents ans plus tard durant l’Exil du peuple à Babylone. On y contemple les événements qui ont donné naissance à Israël à travers le prisme de siècles d’histoire, de luttes, de victoires et d’échecs, de trahisons et de rejets, de tentatives de réforme et de renouveau. On peut résumer le message principal de ces poèmes ainsi : malgré tous les péchés et toutes les infidélités du peuple d’Israël, l’amour de Dieu demeure indéfectible.

Le cantique AT 2 ne comprend que le premier quart du premier poème. Il commence par une introduction lyrique (1-4) où l’auteur évoque la fidélité de Dieu en lui donnant le beau titre de « Rocher ». Dans les versets suivants, il accuse le peuple pour ses infidélités au désert (5-6). Il invite ensuite son auditoire à reconsidérer le passé afin de méditer sur les merveilles que le Seigneur a accomplies en libétrant son peuple de l’Égypte (7-12). Dans une métaphore étonnante, il compare Dieu à une mère-aigle qui prend ses petits sur son dos pour les porter au-delà du désert jusqu’à la terre promise. Oui, le Dieu d’Israël est un Dieu sauveur et protecteur.

À la lumière des Évangiles. Ce mélange d’accusation et de louange peut nous faire penser à la lettre de Paul aux Galates. Comme Moïse, Paul accuse ses lecteurs d’être « stupides » (Gal 3,1) parce qu’ils ont oublié ce que Dieu a fait pour les libérer. Paul ne fait pas référence à la sortie de l’Égypte, évidemment, mais à la mort et à la résurrection de Jésus. Les Galates ont été infidèles à l’Évangile que Paul leur a proclamé car ils cherchent leur salut non pas dans l’amour fidèle et gratuit de Dieu mais dans leur propre obéissance à la Loi. Selon Paul, Dieu a manifesté son amour d’une façon exemplaire et efficace dans la mort de Jésus sur la croix, mort qui nous sauve de l’esclavage du péché et nous rend libres.

Comme Moïse, il invite ses lecteurs à contempler comment Dieu les a libérés et à rendre grâces pour cette liberté. Mais contrairement à Moïse, il ne voit pas dans l’obéissance à la Loi le chemin du salut. Plutôt, c’est dans Christ « qui m’a aimé et s’est livré pour moi » qu’il invite ses lecteurs à mettre leur foi (Gal 2,20).

Dans ma vie. Comme j’ai de la difficulté à rester fidèle au Christ qui a donné sa vie pour moi! Ma première infidélité, c’est ma négligence habituelle de son amour. Je n’y pense tout simplement pas. Je ne trouve pas le temps de m’arrêter pour méditer ses gestes et ses paroles, pour lui dire merci, pour revoir ma vie à la lumière de ses enseignements. Même lorsque je prends un instant pour prier, je suis distrait, je pense à tout sauf à lui. Pire, je m’imagine faire le bon garçon et me mériter sa bonne volonté. J’oublie la gratuité absolue de son amour. Je dois écouter encore et encore l’avertissement de Moïse et l’invitation de Paul : « Prends le temps de te rappeler les merveilles de Dieu et tu verras ta vie avec un regard neuf. »

Dans le plan de Dieu. Nous vivons notre vie à cent milles à l’heure. Nous vivons pour le moment présent, en oubliant le passé et en refusant de contempler l’avenir. Le beau poème de Moïse relit des siècles d’histoire pour y tirer une leçon pour notre aujourd’hui et pour nous relancer vers un avenir plus joyeux et plus beau. Paul nous rappelle la grande merveille de Dieu : le don de son Fils sur la croix. Avec nos frères et nos sœurs, allons proclamer à toute la terre que notre Dieu ne veut rien d’autre que de nous « entourer » de son amour, nous « élever » avec son Fils et nous garder pour l’éternité « comme la prunelle de son œil ».

Mgr Paul-André Durocher est archevêque de Gatineau (Québec) et évêque de liaison à la Société catholique de la Bible (SOCABI).

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