Zacharie écrivant le nom de son fils (détail). Domenico Ghirlandaio, c. 1486-1490. Fresque, 300 x 450 cm. Chapelle Tornabuoni, église Santa Maria Novella, Florence (Wikipedia).

Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël — NT2

Paul-André DurocherPaul-André Durocher | 17 février 2020

Référence biblique : Luc 1, 68-79
Liturgie des Heures : chaque matin, à Laudes

68Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël,
qui visite et rachète son peuple.

69 Il a fait surgir la force qui nous sauve
dans la maison de David, son serviteur,

70 comme il l’avait dit par la bouche des saints,
par ses prophètes, depuis les temps anciens :

71 salut qui nous arrache à l’ennemi,
à la main de tous nos oppresseurs,

72 amour qu’il montre envers nos pères,
mémoire de son alliance sainte,

73 serment juré à notre père Abraham
   de nous rendre sans crainte,

74 afin que, délivrés de la main des ennemis,
75 nous le servions dans la justice et la sainteté,
en sa présence, tout au long de nos jours.

76 Et toi, petit enfant, tu seras appelé
   prophète du Très-Haut :
tu marcheras devant, à la face du Seigneur,
   et tu prépareras ses chemins

77 pour donner à son peuple de connaître le salut
par la rémission de ses péchés,

78 grâce à la tendresse, à l’amour de notre Dieu,
quand nous visite l’astre d’en haut,

79 pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres
   et l’ombre de la mort,
pour conduire nos pas
   au chemin de la paix.

À l’origine. Pour son évangile, Luc a composé un prologue bien ficelé où s’entrecroisent deux récits de naissance, celle de Jésus et celle de son cousin Jean surnommé le Baptiste. Le protagoniste du premier récit est Marie, la mère de Jésus ; celui du second est Zacharie, le père de Jean.

Le vieillard Zacharie est un prêtre juif, comme son père avant lui : en effet, cette fonction est héréditaire. Lui et son épouse n’ont jamais eu d’enfant, une vraie malédiction pour des juifs pieux de cette époque. Un jour, lorsque son tour vient d’offrir l’encens dans le Temple, Zacharie reçoit l’annonce d’un ange que son épouse donnera naissance à un fils qui sera appelé Jean et qui aura une vocation prophétique semblable à celle d’Élie. Comme Marie, Zacharie demande à l’ange comment cela pourra se faire. Mais celui-ci comprend la question comme un signe d’incrédulité et annonce à Zacharie qu’il ne pourra pas parler jusqu’à ce que son fils vienne au monde. Les gens seront étonnés de son mutisme (voir Luc 1,5-25).

Plusieurs mois plus tard, la parole de l’ange se réalise et l’enfant vient au monde. Le jour de sa circoncision, la parenté est surprise d’apprendre qu’Elizabeth veut le nommer Jean. Zacharie intervient et confirme le choix de son épouse en écrivant sur une tablette. Voilà alors que sa langue se délie et qu’il se met à bénir Dieu, tandis que la foule s’émerveille en se demandant, « Quel sera donc cet enfant? » (Luc 1,57-66)

En conclusion du récit, Luc rapporte un cantique qu’il met sur la bouche de Zacharie. Ce cantique se divise en deux sections : une prière de bénédiction qui loue Dieu pour son action salvifique en faveur d’Israël en faisant surgir un messie (Luc 1,68-75) ; et une prophétie qui annonce que la mission de Jean sera d’être précurseur de ce même messie (Luc 1,76-80).

Dans le contexte de l’Évangile. La tâche principale des prêtres est d’offrir des sacrifices au Temple de Jérusalem en faveur du peuple. Mais ils s’occupent aussi du ministère de la prière et de la bénédiction. Ils doivent d’abord bénir Dieu en brûlant de l’encens, comme le rappelle un psaume : « Vous tous, bénissez le Seigneur, vous qui servez le Seigneur, qui veillez dans la maison du Seigneur au long des nuits. » (Psaumes 133,1-2) Les prêtres doivent aussi bénir le peuple en se servant de la belle formule héritée du premier grand-prêtre, Aaron, frère de Moïse. « Que le Seigneur te bénisse et te garde! … Que le Seigneur tourne vers toi son visage, et qu’il t’apporte la paix! » (Nombres 6,22-23)

L’incrédulité de Zacharie le rend muet, incapable d’exercer son ministère de bénédiction. Serait-il fermé à la possibilité que sa vieille épouse stérile puisse devenir enceinte? Refuserait-il la mission prophétique du fils que lui annonce l’ange? S’opposerait-il à la nouveauté que Dieu veut faire advenir par son fils? Car si Jean est prophète, il aurait à renoncer à son héritage et ne pas être prêtre, ce qui pour Zacharie aurait représenté un rejet de la tradition.

La résistance de Zacharie pourrait bien représenter la résistance du peuple. Son incapacité de parler et la stérilité de son épouse pourraient bien représenter le cul-de-sac du peuple qui a perdu l’espérance d’un véritable renouveau. En effet, la transformation qu’apportera Jésus, préfigurée par la naissance miraculeuse de Jean, ne plaira pas à tout le monde. Comme Zacharie, plusieurs seront incrédules, incapables de croire que Dieu remplace les sacrifices du Temple par le don amoureux de son Fils sur la croix.

Dans son cantique, Zacharie finit par accepter la mission de son fils. Il chante : « Toi, mon petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut » — non pas prêtre, mais prophète! De plus, Zacharie reconnaît que Jean remplira le rôle d’Élie : « Tu marcheras devant, à la face du Seigneur, et tu prépareras ses chemins pour donner à son peuple de connaître le salut par la rémission de ses péchés. » Zacharie, lui-même devenu prophète, annonce que le fruit du salut attendu sera shalom, paix, car le chemin que tracera Jean pourra « conduire nos pas au chemin de la paix. » Notons que la bénédiction d’Aaron, souvent reprise par Zacharie dans son ministère de prêtre, s’achève justement avec ce souhait : « Que le Seigneur t’apporte la paix! »

Le cantique de Zacharie ne s’avère donc pas simplement une conclusion décorative du récit, mais une partie intégrale et intégrante de celui-ci. Il vient le conclure en expliquant le sens des événements et en répondant à la question du peuple : « Quel sera cet enfant? »

Dans ma vie. Je me souviens d’un moment où je me suis fermé aux nouvelles possibilités, aux chemins inusités que le Seigneur voulait m’ouvrir. J’ai résisté à accepter un projet, croyant que je n’étais pas à la hauteur du défi et que je pourrais échouer. Je ne voyais pas la main de Dieu en train de me frayer un passage de vie, un « chemin de la paix », car j’avais peur. Je m’étais entouré d’un système de sécurité et de confort que je ne voulais pas abandonner. Je ne voulais pas tout recommencer. Mais voilà qu’aujourd’hui, je peux voir que mon incrédulité n’était que le résultat de mon manque d’ouverture. Quand j’ai finalement accepté de me laisser entraîner dans cette nouvelle aventure, j’ai recommencé à grandir, à apprendre, à porter du fruit. Vraiment, Dieu a fait une merveille inattendue pour moi. Aujourd’hui, je le bénis de m’avoir ainsi secoué, de m’avoir invité à m’ouvrir à un renouveau personnel. Grâce à son action en ma vie, je peux mieux le servir « dans la justice et la sainteté, en sa présence, tout au long de mes jours ».

Dans le plan de Dieu. La Liturgie des Heures propose le cantique de Zacharie tous les matins à laudes. Ainsi, au début de la journée, nous nous retrouvons avec Zacharie au seuil d’une nouvelle aventure. Les promesses du Seigneur nous accompagnent, comme son amour, sa tendresse et sa fidélité. Ne laissons pas les souvenirs du passé, aussi enchanteurs soient-ils, nous empêcher de nous ouvrir à l’avenir : Dieu est toujours par en avant. Avec Zacharie, bénissons le Seigneur qui agit aujourd’hui en créant du neuf autour de nous et par nous. Chaque matin est le gage d’une promesse d’avenir. En nous y engageant, croyons que le Seigneur saura se servir de nous pour « illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort ». Voilà la mission qu’il nous confie, nouvelle, à chaque matin.

Mgr Paul-André Durocher est archevêque de Gatineau et administrateur apostolique du diocèse de Mont-Laurier (Québec).

Psaumes

Psaumes et cantiques

Trésors de la prière juive et chrétienne, les psaumes n'en demeurent pas moins des textes qui demandent parfois d'être apprivoisés. Cette chronique propose une initiation aux psaumes et à la prière avec les psaumes.

Note au sujet de NT 1, NT 2 et NT 3

Les trois premiers cantiques du Nouveau Testament sont tirés des récits de l’enfance du Christ dans l’évangile de saint Luc. Il s’agit des cantiques de Marie (1,46-56), de Zacharie (1,68-79) et de Syméon (2,29-32), souvent identifiés par leurs premiers mots latins : le Magnificat, le Benedictus et le Nunc dimittis.

Ces trois cantiques partagent certains traits : ils reprennent le vocabulaire typique des psaumes des Écritures juives; ils semblent plus appropriés à des contextes liturgiques qu’aux récits personnels dans lesquels ils sont intégrés; ils sont centrés sur l’action du Père, et non du Fils. De fait, ces cantiques ne font qu’évoquer Jésus, sans le nommer. C’est pourquoi de nombreux auteurs croient qu’ils reflètent une vieille tradition chrétienne très attachée au judaïsme, plus axé sur l’accomplissement des promesses de l’Ancien Testament que sur la nouveauté radicale qu’apporte Jésus.

En intégrant ces cantiques dans son récit de la naissance du Christ, Luc – tout Grec qu’il est – révèle son grand attachement aux racines juives de la Bonne Nouvelle et son respect profond pour le peuple de Jésus. Pour lui, on ne peut comprendre le Christ, son message et son œuvre qu’à partir de l’Alliance que Dieu a établie avec Israël sous Abraham, Moïse et David. Mais le Christ accomplira cette Alliance en lui donnant un sens nouveau et universel. C’est pourquoi ces trois cantiques peuvent être compris comme des prophéties qui ne se réaliseront que dans la pâque du Christ.