La joueuse de tambourin (détails). Charles-Émile Lecomte-Vernet, 1868. Huile sur toile, 116 x 77,5 cm (photo : marché de l’art).

Au Dieu créateur, protecteur de son peuple – AT7

Paul-André DurocherPaul-André Durocher | 26 octobre 2020

Référence biblique : Judith 16, 1-2.13-15
Liturgie des Heures : Mercredi I — Laudes

1 Chantez pour mon Dieu sur les tambourins.
Jouez pour le Seigneur sur les cymbales.
Joignez pour lui l’hymne à la louange.
 
Exaltez-le! Invoquez son nom!
2 Le Seigneur est un Dieu briseur de guerres;
son nom est « Le Seigneur ».

13 Je chanterai pour mon Dieu un chant nouveau.
Seigneur, tu es glorieux, tu es grand,
admirable de force, invincible.

14 Que ta création, tout entière, te serve!
   Tu dis, et elle existe.
Tu envoies ton souffle : elle est créée.
Nul ne résiste à ta voix.

15 Si les bases des montagnes croulent dans les eaux,
si les rochers, devant ta face, fondent comme cire,
tu feras grâce à ceux qui te craignent.

À l’origine. Comme les livres de Tobie et d’Esther, le livre de Judith nous présente le récit d’un membre du peuple juif appelé à faire preuve de courage et de confiance en Dieu dans un contexte d’oppression et de soumission à un pouvoir étranger. Ces trois livres prennent la forme de textes historiques, mais tout porte à croire qu’ils relèvent de la tradition de la sagesse juive, une tradition qui aime inventer des modèles à suivre dans la vie de tous les jours.

Judith, veuve pieuse, habite un village de Palestine qui est investi par une armée étrangère. Devant cette force ennemie, seule Judith garde confiance. Elle pénètre dans le camp de l’armée, séduit le général qui, ivre, s’endort seul avec elle dans sa chambre. Elle en profite pour lui soutirer son épée et lui trancher la tête. Après le départ en cachette de Judith, l’armée découvre la mort de son chef. Désemparés, les soldats s’enfuient face à l’attaque des habitants du village. Ceux-ci, en effet, ont retrouvé courage devant l’exploit de Judith.
           
Dieu n’intervient pas dans cette histoire de façon miraculeuse, mais Judith considère que son courage est lui-même un don de Dieu. C’est pourquoi, à la fin du récit, elle « invente » un psaume dont deux passages forment ce cantique de la liturgie catholique. De fait, le psaume de Judith est composé presque entièrement de versets empruntés à d’autres livres bibliques, y compris le livre des Psaumes.
           
Elle commence par inviter son auditoire à louer Dieu qui s’est manifesté comme le Seigneur invincible, vainqueur de l’ennemi, briseur de guerre. Elle se lance ensuite dans un « chant nouveau » où elle s’adresse directement à Dieu. Elle évoque d’abord sa puissance créatrice de laquelle jaillit le cosmos. Sa parole, son souffle suffisent à donner vie à toute chose, et tout lui est soumis. Mais voici la merveille : si cette puissance peut ébranler les montagnes et faire fondre les rochers – qu’on pense aux tremblements de terre et aux volcans –, elle se fait pardon et miséricorde pour Israël, le peuple qu’il a choisi.

À la lumière de l’Évangile. Jean le Baptiste et Jésus annonçaient tous deux la venue du Royaume de Dieu. Tous deux invitaient à la conversion. Mais pour le premier, ce Royaume était teinté de colère et de violence : Dieu viendrait juger les mauvais et les lancerait comme paille au feu éternel. Devant cette colère, il fallait craindre et trembler. La seule façon de l’éviter était de changer sa vie et de mettre en pratique la Loi conclue sous Moïse.

La vision de Jésus différait sur ce point fondamental : la puissance de Dieu se manifeste comme une miséricorde sans borne. Son Royaume célèbre la tendresse de Dieu, offerte à toute personne. Elle précède la conversion et la provoque. L’expérience du pardon accordé par Dieu entraîne une transformation où la tendresse divine en nous se déploie en amour du prochain, pardon des ennemis, fraternité et communion.

Selon Jean le Baptiste, on ne peut éviter la puissante colère de Dieu qu’en se convertissant. Selon Jésus, la miséricorde toute-puissante de Dieu devient la source d’une transformation personnelle. La conversion suit l’expérience d’être aimé.

Dans ma vie. Un été durant mes années universitaires, j’ai travaillé dans un centre d’éducation pour jeunes criminels. L’un d’eux impressionnait par sa force physique, son apparence, sa brutalité à fleur de peau. Un jour, on me désigne pour l’accompagner chez le barbier. Celui-ci tenait salon dans une pièce attenante à sa maison. Nous étions assis, attendant notre tour d’être servis, lorsqu’un bambin – l’enfant du barbier – est entré dans le salon, titubant sur ses petites jambes, et s’est lancé vers mon grand adolescent. Ma première réaction fut de repousser l’enfant : j’ai eu peur pour lui, petit sans défense dans les bras de cette brute. Mais quelle ne fut pas ma surprise lorsque ce dernier se pencha doucement, prit l’enfant dans ses bras et se mit à jouer avec lui tendrement! Mon regard s’est transformé. Je ne voyais plus un grand méchant à mes côtés, mais un jeune homme en puissance qui, pour un moment, se servait de sa force pour caresser, soutenir et protéger. Ainsi notre regard doit-il se changer pour découvrir, avec Jésus, la puissance divine non plus comme une menace mais comme une promesse de miséricorde, de compassion et d’amour.

Dans le plan de Dieu. J’ai souvent repensé à ce salon de barbier. J’ai compris que celui qui avait vraiment manifesté une puissance remarquable ce jour-là, c’était le petit enfant. Son innocence et sa vulnérabilité avaient déjoué les mécanismes habituels de mon compagnon et avaient changé son cœur. Ainsi, Dieu se fait-il pauvre et faible en son fils Jésus afin de nous mener sur un chemin de conversion et de transformation. Oui, le grand Dieu créateur dont la force domine toutes choses, ne s’impose pas à nous, mais nous invite doucement, même humblement, à accueillir sa présence en nos vies. Sa parole est vivifiante et son souffle, bienfaisant. Voilà pourquoi nul ne peut résister à sa voix. Elle nous parle d’amour.

Mgr Paul-André Durocher est archevêque de Gatineau (Québec).

Psaumes

Psaumes et cantiques

Trésors de la prière juive et chrétienne, les psaumes n'en demeurent pas moins des textes qui demandent parfois d'être apprivoisés. Cette chronique propose une initiation aux psaumes et à la prière avec les psaumes.