La Sagesse soutenant les cieux. Missel de Stammheim, c. 1160-70 (MS 64). Manuscrit enluminé du J. Paul Getty Museum, Los Angeles (Wikimedia).

Le festin de la sagesse – AT8

Paul-André DurocherPaul-André Durocher | 28 décembre 2020

Référence biblique : Proverbes 9, 1-6.10-12
Liturgie des Heures : Vigile — Fête du Saint-Sacrement

1 La Sagesse a bâti sa maison, *
elle a taillé sept colonnes.

2 Elle a tué ses bêtes,
   et préparé son vin, *
puis elle a mis sa table,
3 et donné ses ordres aux servantes.

Elle crie sur les hauteurs de la ville :
4 « Enfants, venez par ici! » †
À qui manque de sens, elle dit :
5 « Venez, partagez mon pain, *
buvez le vin que j’ai préparé. »

6 « Sortez de l’enfance et vous vivrez,
prenez le chemin de l’intelligence. »

10 La Sagesse commence avec la crainte du Seigneur,
l’intelligence est de connaître le Dieu saint.

11 Par moi, se multiplient tes jours
et s’accroissent les années de ta vie.

12 Si tu es sage, tu l’es pour toi :
si tu dévies, toi seul en pâtiras.

À l’origine. Les antiques civilisations du Moyen-Orient (Égypte, Mésopotamie, Israël) ont laissé des compilations de proverbes, de paraboles, d’allégories et de récits populaires qu’on appelle aujourd’hui la littérature de sagesse. Le livre des Proverbes compte parmi les cinq livres sapientiaux de la bible juive. Le cantique AT 8 est composé d’une allégorie suivie de trois sentences proverbiales. L’allégorie présente la sagesse sous les traits d’une riche femme qui possède une vaste maison, des troupeaux et des vignes en plus de gérer un personnel de service. Elle prépare un festin pour le tout-venant, festin merveilleux qui permet aux personnes immatures d’atteindre à la maturité, car son pain et son vin engagent les convives sur le chemin de l’intelligence véritable.

Les sentences qui suivent présentent trois caractéristiques de la sagesse. La première affirme qu’une personne qui veut être sage doit d’abord reconnaître Dieu, le respecter et lui obéir : voilà ce que la Bible comprend par l’expression « la crainte de Dieu ». La sagesse biblique n’est donc pas laïque, elle exige de ses adeptes qu’ils se tournent d’abord vers Dieu comme source et maître de vie. L’intelligence véritable naît de la relation que Dieu entretient avec l’être humain.

La deuxième sentence souligne un des bienfaits de la sagesse : une longue vie. Dans une culture qui ne connaissait pas la notion d’une vie après la mort, mourir jeune était vu comme une malédiction. La sagesse, au contraire, est source de bénédiction.

La troisième sentence cherche à responsabiliser l’adepte en lui rappelant les conséquences personnelles de ses choix. Cette invitation s’avère d’autant assez étonnante dans une culture qui caractérisait par une identité collective envahissante. Cette sentence semble mieux correspondre à notre propre mentalité de modernes.

À la lumière de l’Évangile. L’esprit chrétien ne peut s’empêcher de faire le lien entre cet extrait du livre des Proverbes et la parabole de Jésus qu’on retrouve au chapitre 14 de l’évangile de Luc. Lors d’un repas auquel participait Jésus, un convive lance une acclamation : « Heureux qui prendra part au repas dans le Royaume de Dieu! » Jésus répond par une parabole : un homme donne un grand dîner et invite beaucoup de gens. Mais, au moment du repas, les invités se désistent. L’homme envoie alors son serviteur par les places et les rues de la ville inviter « les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux ». Voyant qu’il reste encore de la place, l’homme envoie son serviteur dans la campagne chercher d’autres convives.

Comme la parabole est présentée dans le contexte du Royaume de Dieu, on peut aisément comprendre que l’homme qui donne le festin est Dieu même. Le serviteur doit être Jésus, envoyé d’abord à Israël. Les chefs du peuple ayant refusé l’invitation, le serviteur se tourne vers les petites gens qui vivent aux marges de la société. Éventuellement, l’invitation sera faite même aux païens des autres nations.

On peut aussi comprendre les trois sentences à la lumière de l’Évangile : la sagesse est un don de l’Esprit que Jésus veut nous partager; la vie promise ne finit pas à la mort, mais s’épanouit en vie éternelle auprès du Père; chacune, chacun est invité à se convertir personnellement en vue de cette vie.

Dans ma vie. Lorsque j’étais séminariste, j’avais participé à une enquête sur les valeurs. On m’avait présenté une liste d’une vingtaine de valeurs : je devais choisir les cinq plus importantes pour moi, pour ensuite les réduire à trois et, enfin, à une seule. À ma grande surprise, la valeur qui est restée à la fin de ma démarche était la sagesse. Je me souviens que pour arriver à cette détermination, je m’étais demandé quelle valeur était nécessaire pour jouir des autres. J’en suis arrivé à la conclusion que, sans la sagesse, je ne saurais pas vivre la vraie fraternité, que mon intelligence pourrait servir au mal, que ma générosité pourrait être faussement dirigée, que ma liberté pourrait aboutir à ma déchéance.

Mais je me suis aussi rendu compte que la vraie sagesse, je ne la découvrirais pas ailleurs que dans l’enseignement de Jésus. J’ai compris que c’est en le suivant que j’atteindrais au moins le début de la sagesse et que je pourrais embrasser les autres valeurs qui me semblaient si importantes. Je dois avouer que mon expérience des quarante dernières années a confirmé mon intuition de jeune homme.

Dans le plan de Dieu. Certains biblistes voient dans l’évangile de Jean une influence importante des livres sapientiaux de la bible juive. À cette lumière, Jésus lui-même apparaît comme la Sagesse incarnée qui prépare un riche banquet pour les humbles de ce monde. Ainsi, vers la fin de l’Apocalypse de saint Jean, l’ange dit au visionnaire d’écrire ces mots : « Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau! »

Ce sont ces mêmes mots qui inspirent l’invitation du prêtre au moment de la communion eucharistique : « Heureux les invités au repas du Seigneur. Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. » En nous avançant pour communier, nous répondons à l’invitation du Seigneur, préfiguré dans le livre des Proverbes. En ce geste sacramentel, nous goûtons déjà l’intelligence véritable et la vie éternelle. Nous répondons à l’invitation toujours répétée de la Sagesse incarnée : « Venez, partagez mon pain, buvez le vin que j’ai préparé. »

Mgr Paul-André Durocher est archevêque de Gatineau (Québec).

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Trésors de la prière juive et chrétienne, les psaumes n'en demeurent pas moins des textes qui demandent parfois d'être apprivoisés. Cette chronique propose une initiation aux psaumes et à la prière avec les psaumes.