Mosaïque moderne du Christ dans le style du Pantocrator (fauk74 / 123RF).

Au Dieu Sauveur – NT 4

Paul-André DurocherPaul-André Durocher | 27 décembre 2021

Référence biblique : Éphésiens 1, 3-10
Liturgie des Heures : Lundi I, Vêpres

3 Qu’il soit béni, le Dieu et Père de notre Seigneur, Jésus, le Christ !

Il nous a bénis et comblés
   des bénédictions de l’Esprit, *
au ciel, dans le Christ.

4 Il nous a choisis, dans le Christ,
   avant que le monde fût créé, *
pour être saints et sans péchés devant sa face
   grâce à son amour.

5 Il nous a prédestinés  
à être, pour lui, des fils adoptifs *
par Jésus, le Christ.

Ainsi l’a voulu sa bonté, 
6 à la louange de gloire de sa grâce, *
la grâce qu’il nous a faite
   dans le Fils bien-aimé.

7 En lui, par son sang, *
nous avons le rachat,
 le pardon des péchés.

8 C’est la richesse de sa grâce
 dont il déborde jusqu’à nous *
en toute intelligence et sagesse.

9 Il nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté, *
selon que sa bonté l’avait prévu dans le Christ :

10 pour mener les temps à leur plénitude, †
récapituler toutes choses dans le Christ, *
celles du ciel et celles de la terre.

À l’origine. Paul commence sa lettre aux Éphésiens d’une façon unique. Après s’être identifié et avoir salué ses lecteurs en leur souhaitant grâce et paix, il rédige une bénédiction quasi liturgique qui se déroule au fil d’une très longue phrase (les versets 3 à 14 du premier chapitre). Comme la berakah juive traditionnelle, cette bénédiction parle de Dieu à la troisième personne en évoquant divers motifs de le louer. Ainsi, Paul bénit Dieu d’avoir planifié nous appeler à la sainteté dès le début des temps ; d’avoir fait de nous ses enfants ; de nous avoir délivrés du mal et de nous avoir pardonné ; de mener les temps à leur accomplissement ; de nous permettre d’accéder à son héritage ; de nous avoir donné son Esprit-Saint aujourd’hui en vue de notre ultime destinée.

Comme toute la lettre aux Éphésiens, cette bénédiction est caractérisée par une perspective qui englobe l’étendue du temps et de l’espace. Paul y célèbre le Christ comme le centre de l’histoire, celui par lequel Dieu réalise son plan de salut pour l’humanité. La bénédiction est scandée par la répétition de cette idée : Dieu nous a bénis « en Christ » ; il nous a choisis « en lui » ; il nous a prédestinés à être « pour lui » ; il nous a comblés « en son Bien-aimé » ; « en lui, » nous sommes délivrés ; « en lui, » nos fautes sont pardonnées ; « en lui, » nous avons reçu notre part ; « en lui », nous avons entendu l’Évangile ; « en lui, » nous avons cru et été marqués de l’Esprit. Ce refrain procure une allure litanique à cette longue bénédiction.

Notons que la liturgie retient les deux premiers tiers de cette bénédiction (v. 1-10) pour en faire le cantique NT 4, repris les lundis à vêpres des semaines I et III.

Dans le contexte de l’Évangile. En reprenant cette forme de prière juive qu’est la berakah, Paul souligne la continuité entre la première Alliance et la nouvelle. Il y reconnaît que l’unique plan de salut préparé par Dieu au début de la création se réalise aujourd’hui dans la communauté chrétienne. Celle-ci, à son tour, est destinée à un parachèvement futur où toute la création sera transformée.

Ce faisant, Paul dédramatise le retard du retour du Christ qui préoccupait tant les lecteurs et lectrices de ses premières lettres. Il les aide à découvrir que, déjà aujourd’hui, la résurrection du Christ est à l’œuvre en ses fidèles. Il écrit au passé : « Dieu nous a donné la vie avec le Christ… Avec lui, il nous a ressuscités et il nous a fait siéger aux cieux, dans le Christ Jésus. » (Ep 2,5-6) Selon Paul, notre résurrection est déjà accomplie, notre victoire, déjà réalisée.

Pourtant, tout n’est pas achevé, ni en nous ni dans l’histoire. Ce que nous sommes déjà est appelé à grandir et à s’épanouir : « De cette manière, les fidèles sont organisés pour que les tâches du ministère soient accomplies et que se construise le corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude. » (Ep 4,12-13)

Dans ma vie. Je ne peux lire ce cantique sans penser aux prières eucharistiques de nos eucharisties. Adoptant un style poétique et stylisé comme la berakah juive, elles aiment louer Dieu pour son plan de salut, pour l’œuvre qu’il a accomplie il y a deux mille ans en Jésus et qu’il accomplit en nous aujourd’hui.

Je pense en particulier aux diverses préfaces qui se plaisent à nommer les nombreux motifs que nous avons de louer Dieu, un peu comme fait Paul dans ce cantique. « Nous étions esclaves de la mort et du péché, et nous sommes appelés à partager sa gloire. » (1ère préface des dimanches) « Tu fais de notre existence périssable un passage vers le salut par le Christ. » (3e préface des dimanches) « Nous avons reçu les premiers dons de l’Esprit… et nous tenons cette espérance que vive à jamais en nous le mystère de Pâques. » (6epréface des dimanches) Voilà quelques exemples d’un abondant florilège qui nous rappelle toutes les raisons que nous avons de nous rassembler pour rendre grâces à Dieu.

Dans le plan de Dieu. Le plan de Dieu est loin d’être complètement réalisé. Tous les ingrédients sont rassemblés, des étapes cruciales ont été complétées, mais nous avons encore un rôle crucial à jouer. Oui, Paul commence par bénir Dieu pour tout ce que Dieu a fait, mais on dirait que c’est pour relancer ses lecteurs et lectrices dans l’aventure du Royaume. Après avoir évoqué pendant trois chapitres toutes les merveilles que Dieu a accomplies pour nous et en nous, Paul interpelle son auditoire au début du quatrième : « Je vous exhorte donc à vous conduire d’une manière digne de votre vocation! » Et il renchérit au début du cinquième : « Oui, cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. Vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même pour nous! »  Et dans le sixième, il développe cette grande analogie du « combat de la foi » dans laquelle il nous invite à revêtir l’armure de Dieu : le ceinturon de la vérité, la cuirasse de la justice, les souliers de l’évangélisation, le bouclier de la foi, le casque du salut et l’épée de la Parole de Dieu.

Alors, bénissons Dieu pour toutes ses merveilles ; mais prions-le aussi d’en réaliser de nouvelles à travers nous, ses enfants. Il reste encore du travail à faire « pour mener les temps à leur plénitude et récapituler toutes choses dans le Christ! »

Mgr Paul-André Durocher est archevêque de Gatineau (Québec).

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Trésors de la prière juive et chrétienne, les psaumes n'en demeurent pas moins des textes qui demandent parfois d'être apprivoisés. Cette chronique propose une initiation aux psaumes et à la prière avec les psaumes.