Le bon pasteur. James Tissot, entre 1886 et 1894. Aquarelle et graphite, 28,1 x 14,9 cm. Brooklyn Museum, New York.

Dieu rassemblera son peuple dans la joie – AT 36

Paul-André DurocherPaul-André Durocher | 26 septembre 2022

Référence biblique : Jérémie 31, 10-14
Liturgie des Heures : Jeudi I – Laudes

10 Écoutez, nations, la parole du Seigneur !
Annoncez dans les îles lointaines :
« Celui qui dispersa Israël le rassemble,
il le garde, comme un berger son troupeau.
11 Le Seigneur a libéré Jacob,
l’a racheté des mains d’un plus fort.

12 « Ils viennent, criant de joie, sur les hauteurs de Sion :
ils affluent vers la bonté du Seigneur,
le froment, le vin nouveau et l’huile fraîche,
les génisses et les brebis du troupeau.
Ils auront l’âme comme un jardin tout irrigué ;
ils verront la fin de leur détresse.

13 « La jeune fille se réjouit, elle danse ;
jeunes gens, vieilles gens, tous ensemble !
Je change leur deuil en joie,
les réjouis, les console après la peine.
14 Je nourris mes prêtres de festins ;
mon peuple se rassasie de ma bonté. »
   Oracle du Seigneur.

Sens original. Au cœur du très long livre du prophète Jérémie, à son sommet pourrait-on dire, se trouve un « Livret de la consolation. » Ces chapitres 30 et 31 se démarquent par leurs promesses de la restauration d’Israël alors que, dans le reste de son livre, Jérémie annonce plutôt le jugement et la condamnation. De quel Israël s’agit-il? Du royaume du Nord, dévasté par les Assyriens en 721 av. J.-C.? Ou de l’ensemble du peuple qui se trouverait en exil sous les Babyloniens une centaine d’années plus tard? Aucun consensus n’existe à ce sujet, mais on peut s’entendre que les générations subséquentes ont vu dans le retour d’exil en 538 av. J.-C. la réalisation de ces promesses.

Le cantique AT 36 reprend un des poèmes prophétiques contenus dans ce « Livret de la consolation. » Le prophète y invite les nations où s’étaient dispersés les réfugiés israélites à écouter une « parole » de Dieu. Cette parole annonce une action remarquable où Dieu, qui avait permis la dispersion de son peuple, décide d’intervenir pour le rassembler. L’image du berger qui garde son troupeau sera reprise par le prophète Ézéchiel et par Jésus lui-même pour évoquer l’attention et la compassion de Dieu pour son peuple.

Le prophète décrit la réaction du peuple qui reviendra à Jérusalem y jouir de l’abondance des fruits de la terre : blé, vin, huile, troupeaux. La marche de retour devient une grande danse joyeuse. Dans les derniers versets, Dieu lui-même prend la parole pour expliquer son œuvre : il transforme la détresse en joie et console son peuple. De Dieu jaillit l’abondance dont jouissent tous ses enfants.

À la lumière des Évangiles. L’évangile de Jean raconte comment Jésus, le soir avant de mourir, a promis à ses apôtres qu’ils retrouveraient la joie après la douleur de sa mort. « Amen, amen, je vous le dis : vous allez pleurer et vous lamenter, tandis que le monde se réjouira ; vous serez dans la peine, mais votre peine se changera en joie. » (Jean 16,20) L’évangile de Luc insiste sur l’intensité de la joie des disciples au jour de Pâques : « Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. » (Luc 24, 41)

Cette joie, saint Paul explique, est donnée par l’Esprit à ceux et celles qui croient au Christ ressuscité (voir Galates 5,22). Encore plus, elle caractérise le Royaume de Dieu, avec la justice et la paix (voir Romains 14,17). Saint Pierre admire la joie qui habite les cœurs de ses lecteurs et lectrices, même au cœur des difficultés qui se présentent : « Aussi vous exultez de joie, même s’il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves. » (1 Pierre 1,6)
Oui, pour ceux et celles qui mettent leur foi en Jésus, la prophétie de Jérémie s’est réalisée avec la Résurrection du Christ.

Dans ma vie. Enfant, je pleurais quand je me faisais punir et je riais quand j’étais récompensé. Ça m’a pris du temps à comprendre que la joie chrétienne est autrement plus profonde que le simple plaisir qui résulte de la bonne fortune. Il s’agit plutôt d’une attitude fondamentale que j’adopte face à la vie, fondée sur la certitude que Dieu m’accompagne et me soutient, même au cœur des épreuves les plus difficiles.

La foi au Christ ressuscité ne me libère pas des nombreux « exils » que la vie peut m’imposer. Mais cette foi m’assure que la victoire ultime appartient à Dieu. Déjà je peux faire du pèlerinage de la vie une danse d’amitié alors que j’avance avec des frères et des sœurs qui partagent ma conviction.

Dans le plan de Dieu. En considérant les croyants et croyantes sur la terre, la tradition chrétienne évoque l’image d’une « Église militante. » La prophétie de Jérémie propose une image alternative plus attrayante, celle d’une « Église dansante. » Dans cette Église, chrétiens et chrétiennes sont sûrs de la présence consolante et protectrice de Dieu. Jeunes et vieux, femmes et hommes, laïcs et prêtres, tous cheminent dans l’allégresse, malgré les embûches et les difficultés de la route.
Ce témoignage joyeux peut interpeller un monde qui se sent peut-être « en exil, » sans patrie, abandonné aux vicissitudes de l’histoire. Nous savons à quel point le rire peut être contagieux. La joie aussi peut s’attraper à fréquenter des hommes et des femmes d’espérance et de compassion. Déjà s’esquisse la joie céleste qui nous est promise dans l’au-delà, lorsque nous nous retrouverons dans la Jérusalem nouvelle, « les hauteurs de Sion. » Alors, le peuple entier sera « rassasié de sa bonté! »

Mgr Paul-André Durocher est archevêque de Gatineau (Québec).

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Trésors de la prière juive et chrétienne, les psaumes n'en demeurent pas moins des textes qui demandent parfois d'être apprivoisés. Cette chronique propose une initiation aux psaumes et à la prière avec les psaumes.