Ange sonnant de la trompette. Abraham Bloemaert, c. 1610-1620. Dessin à la plume. Musée du Louvre (Flickr).

Le jugement de Dieu – NT 10

Paul-André DurocherPaul-André Durocher | 28 novembre 2022

Référence biblique : Apocalypse 11,17-18 ; 12, 10-12
Liturgie des Heures : Les jeudis à Vêpres

11,17 À toi, nous rendons grâce,+
Seigneur, Dieu de l’univers,*
toi qui es, toi qui étais !

Tu as saisi ta grande puissance
et pris possession de ton règne.

18 Les peuples s’étaient mis en colère,+
alors, ta colère est venue*
et le temps du jugement pour les morts,

le temps de récompenser tes serviteurs, les saints, les prophètes,*
ceux qui craignent ton nom, les petits et les grands.

12,10 Maintenant voici le salut+
et le règne et la puissance de notre Dieu,*
voici le pouvoir de son Christ !

L’accusateur de nos frères est rejeté,*
lui qui les accusait, jour et nuit, devant notre Dieu.

11 Ils l’ont vaincu par le sang de l’Agneau+
par la parole dont ils furent les témoins,
renonçant à l’amour d’eux-mêmes, jusqu’à mourir.

12 Soyez donc dans la joie,
cieux, et vous, habitants des cieux !

Dans son contexte. Le cantique NT 10 est composé de deux extraits du livre de l’Apocalypse : Ap 11,17-18 et Ap 12,10-12. Pour comprendre le premier extrait, il faut savoir que, dans les chapitres précédents, six anges ont fait sonner six trompettes à tour de rôle, correspondant chacune à un fléau particulier déversé sur la terre. Un ange a annoncé à l’auteur : « Dans les jours où retentira la voix du septième ange, quand il sonnera de la trompette, alors se trouvera accompli le mystère de Dieu. » (10,7) Or, cette septième trompette vient de sonner. De fortes voix dans le ciel proclament que le règne du Seigneur et de son Christ est enfin établi sur le monde. (11,16) En réaction à cette annonce, le chœur des 24 anciens (qui revient à quelques reprises dans ce récit) entonne un cantique d’action de grâces où ils remercient Dieu d’avoir ainsi « saisi sa grande puissance et pris possession de son règne ». On y rappelle que les nations humaines s’étaient révoltées contre Dieu. Voici enfin le jugement divin qui rétablit la justice en récompensant les serviteurs, les saints et les prophètes de Dieu. Le livre de l’Apocalypse aurait pu se conclure avec ce cantique qui célèbre la victoire ultime du Seigneur.

Mais voilà que le drame continue. Le chapitre 12 présente une image saisissante : une femme « ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles » (12,1) crie dans les douleurs de l’enfantement. Un immense dragon se place devant elle pour tenter de dévorer l’enfant au moment de naissance. Mais l’enfant — « un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations » — est enlevé auprès de Dieu, la femme s’enfuit au désert, et une guerre céleste éclate entre le dragon et ses anges, d’une part, et Michel et son armée angélique, d’autre part. Ces derniers triomphent et « le grand Dragon, le Serpent des origines, celui qu’on nomme Diable et Satan, le séducteur du monde entier » est repoussé du ciel avec ses anges et rejeté sur la terre. (12,9) Une forte voix proclame alors les mots qui forment la deuxième partie du cantique NT 10. Elle célèbre encore une fois l’établissement du règne de Dieu. Mais ce ne sont pas « les nations» qui sont conquises cette fois, c’est le dragon, « l’accusateur de nos frères ». Dans une tournure surprenante, ces derniers sont associés à la victoire de Michel et des anges, triomphant « par le sang de l’Agneau et par la Parole dont ils furent les témoins ». Le cantique conclut en chantant leur amour qui s’est donné jusqu’à la mort, un don qui fait jaillir la joie du peuple céleste.

Les racines juives. Les psaumes 1 et 2 sont considérés par plusieurs spécialistes comme une double introduction à l’ensemble du psautier. Ils présentent deux conflits fondamentaux : celui entre le bien et le mal dans la vie personnelle (psaume 1) et celui entre Israël et les nations païennes qui l’entourent (psaume 2). Le cantique NT 10 fait écho à ces deux conflits, mais en ordre renversé. La première section évoque le conflit entre le Dieu d’Israël et les nations qui lui sont hostiles. À l’époque, il s’agissait évidemment de l’Empire romain dont les chefs persécutaient les disciples du Christ. L’auteur de l’Apocalypse voit venir le grand jour où cette situation sera renversée, où la « colère des nations » sera vaincue par la « colère de Dieu ». Son « jugement » rétablira toute justice alors que les serviteurs de Dieu, les saints et les prophètes, seront relevés et partageront sa gloire.

La deuxième section du cantique entrevoit l’accomplissement du psaume 1 qui dit des méchants que leur sort sera « comme la paille balayée par le vent ». Il continue : « Au jugement, les méchants ne se lèveront pas, ni les pécheurs au rassemblement des justes. Le Seigneur connaît le chemin des justes, mais le chemin des méchants se perdra.» L’idée que le jugement de Dieu vient rétablir la justice est à nouveau évoquée par l’auteur de l’Apocalypse, appliquée cette fois-ci non pas aux nations, mais aux individus.

Les deux psaumes entrevoient donc le temps où Dieu interviendra en faveur de son peuple et de chacun de ses membres pour les réhabiliter, les guérir et leur donner la vie en plénitude. Ce temps correspondra à la victoire ultime du Christ sur les puissances du mal, inaugurée par sa résurrection d’entre les morts.  

Dans ma vie. Comme beaucoup d’étudiants, j’ai toujours craint la remise des bulletins. Ce moment de jugement me remplissait d’anxiété. J’aimais bien les louanges qui validaient mon travail lorsqu’il avait été bien accompli. Mais j’appréhendais la réprobation que pouvaient entraîner mes négligences et mes échecs. Encore aujourd’hui, j’adopte souvent cette vision naïve et réductrice du jugement qui joue entre la récompense et la punition.

Je dois continuellement convertir mon regard lorsque je contemple le jugement du Dieu de Jésus-Christ. Pour Dieu, juger, c’est agir. Le jugement de Dieu est une œuvre de restauration qui rétablit le bien, chasse le mal, guérit les blessures et fait jaillir la vie. Ainsi compris, le jugement de Dieu est profondément désirable. Je prie qu’il se manifeste, je m’engage à son établissement. En effet, Dieu m’invite à participer à son jugement en célébrant le beau et le bien que je vois autour de moi, en m’attaquant aux causes des multiples maux qui affligent mes frères et mes sœurs, en pansant les blessures et en faisant rayonner la joie autour de moi.

Dans le plan de Dieu. Notre foi en Jésus-Christ nous donne l’espérance que cette œuvre de justice n’est pas vaine. Au contraire, elle est destinée à un ultime accomplissement. Nous le croyons, l’univers entier sera éventuellement transformé par le jugement amoureux et libérateur de notre Dieu.

Croire à cet accomplissement ne veut pas dire l’attendre passivement. Jésus nous a appris à prier pour que vienne le règne de Dieu. Il nous a aussi appris à demander que sa volonté soit faite sur notre terre. Pour que cette prière se réalise, nous devons rechercher la volonté de Dieu et la mettre en œuvre, comme l’ont fait « les serviteurs de Dieu, les saints et les prophètes» d’autrefois. Comme eux, nous devons accueillir la divine miséricorde manifestée dans la mort du Christ sur la Croix ; comme eux, nous devons en témoigner devant le monde par notre fidélité à sa Parole.

Chanter le cantique NT 10 nous rappelle le but de nos vies et de l’histoire humaine. Le cœur encouragé par cette vision, nous continuons l’œuvre du Christ dans nos familles, nos milieux de travail et de loisir, nos cercles d’amis et de connaissances. Déjà sur terre, nous pouvons répondre avec enthousiasme à l’invitation finale du cantique : « Soyez dans la joie, cieux, et vous, habitants des cieux ! »

Mgr Paul-André Durocher est archevêque de Gatineau (Québec).

Psaumes

Psaumes et cantiques

Trésors de la prière juive et chrétienne, les psaumes n'en demeurent pas moins des textes qui demandent parfois d'être apprivoisés. Cette chronique propose une initiation aux psaumes et à la prière avec les psaumes.