Le bon berger (Psaume 23). Enluminure provenant du Psautier de Stuttgart, première moitié du IXe siècle.
Manuscrit enluminé, Bibliothèque d'État du Wurtemberg, Stuttgart, Cod. bibl. fol. 23, f.28v (photo © VCS).

Le berger et l’hôte : le Psaume 23 (22)

Jean GrouJean Grou | 24 avril 2023

Lire le psaume (version liturgique)

« Rassemblés dans un même corps, entourez la table du Seigneur… » Ça vous dit quelque chose? Il s’agit du refrain d’une chanson fort populaire dans nos églises au cours années 1970. Mais saviez-vous que les paroles des couplets sont directement inspirées du Psaume 23 (22), un des plus connus du psautier? « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. » Eh oui, c’est lui!

Si les paroles du refrain du chant Rassemblés cités d’entrée de jeu évoquent spontanément l’eucharistie, celles du Psaume 23 (22) comportent aussi des éléments qui peuvent être rapprochés d’autres sacrements, notamment le baptême (« Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre », v. 2-3) et la confirmation (« Tu répands le parfum sur ma tête », v. 5), sans compter un passage susceptible de faire penser à la résurrection (« Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal », v. 4). Pas étonnant que ce psaume soit si chéri dans la tradition chrétienne. Il figure en effet cinq fois dans le Lectionnaire dominical, cinq fois aussi dans le férial et huit fois dans le sanctoral. Alors si vous fréquentez la messe sur une base régulière, il vous est sans doute bien familier.

Berger bienveillant

Ainsi, vous aurez peut-être déjà remarqué que la première partie (v. 1-4) dépeint le Seigneur comme un berger et la suite (v. 5-6) comme un hôte généreux. Deux images fortes qui expriment une confiance sans borne au Dieu d’Israël.

La métaphore du berger est courante dans l’Ancien Testament. Des figures marquantes de la tradition biblique comme Moïse et David étaient d’ailleurs des gardiens de troupeau (voir Exode 3,1 ; 1 Samuel 16,11), qui sont devenu de remarquables guides pour les Israélites. Selon le prophète Ézékiel, Dieu a voulu se faire lui-même le pasteur de son peuple (Ézékiel 34,11-31). D’après l’évangéliste Jean, Jésus se serait lui-même attribué cette image du berger (Jean 10,11).

Le Psaume 23 (22) décrit à quel point le Seigneur est un pasteur bienveillant et attentif à son « troupeau ». Pour apprécier toute la richesse du propos, il faut se représenter un déplacement sur une longue distance, dans un environnement parfois hostile. Le pasteur voit à ce que son troupeau « ne manque de rien » (v. 1). Il lui procure un lieu propice pour trouver le repos afin de reprendre des forces et de poursuivre la marche (v. 2ab). Il s’assure que les bêtes sont bien hydratées et qu’elles empruntent le bon chemin. Il le fait « pour l’honneur de son nom » (v. 3), c’est-à-dire non pas pour sa gloire personnelle mais parce qu’il a donné sa parole de veiller sur les siens. Il redouble de précautions quand le chemin devient périlleux et n’hésite pas à utiliser son bâton pour éviter que le bétail ne reste prisonnier des « ravins de la mort » (v. 4). Le ton intimiste, généralement à la première personne du singulier, donne la nette impression de rendre compte d’une expérience réelle de présence bienveillante du Seigneur dans le concret du quotidien.

L’hôte bienveillant

Après avoir guidé son protégé sur des routes pleines d’embûches, la tâche ne s’arrête pas là pour le Seigneur. Une fois arrivé à destination, en effet, il le reçoit avec les meilleures attentions, comme le décrivent les versets 5 et 6. Le rituel de l’hospitalité est minutieusement respecté : la table est préparée pour assouvir la faim, l’huile est répandue sur la tête pour apaiser la chaleur endurée sur la route et de quoi se désaltérer est servi. Dans les régions où les conditions de vie et de déplacement sont souvent précaires, savoir que l’on peut compter sur l’accueil de l’autre est d’une importance capitale.

Le psaume évoque même un certain excès, puisque la « coupe est débordante ». Cette image rappelle certaines paraboles de Jésus, comme celle du père et des deux fils ou des ouvriers de la onzième heure, qui illustrent à quel point le Père est généreux, au-delà de la logique humaine.

Tant de grandes et petites attentions ouvrent sur l’éternité : « Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie ; j’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours. » (v. 6) Par « maison du Seigneur », il faut sans doute entendre ici le temple, reconnu comme le lieu de rencontre privilégié avec Dieu. Mais la présence de ce dernier ne se limite pas au site du sanctuaire ; dès le départ, il a fait route avec le fidèle, le guidant et le protégeant.

Que de bonheur!

Ça fait du bien de « tomber » de temps en temps sur un psaume tout en joie et en bonheur, contrairement à d’autres qui expriment plutôt la souffrance, la désolation ou même parfois la vengeance. C’est une bouffée d’air frais au cœur de la prière. Il ne s’agit pas non plus de nier la réalité souvent éprouvante du quotidien. Mais apprendre à apprécier tout ce que la vie nous offre de beau et de bon et reconnaître la lumière que la présence du Seigneur apporte à nos jours contribue à nourrir une spiritualité saine et équilibrée. C’est bien ce que nous permet le Psaume 23 (22).

Jean Grou est bibliste et rédacteur en chef de Vie liturgique et Prions en Église.

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Psaumes et cantiques

Trésors de la prière juive et chrétienne, les psaumes n'en demeurent pas moins des textes qui demandent parfois d'être apprivoisés. Cette chronique propose une initiation aux psaumes et à la prière avec les psaumes.