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Récitatif biblique

 

récitatif
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chronique du 18 mai 2012
 

L’intégration au cœur du récitatif biblique

Il y avait un homme riche qui se revêtait de pourpre et de lin fin et qui festoyait chaque jour splendidement. Un pauvre du nom de Lazare gisait près de son portail tout couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche. Mais en plus les chiens venaient lécher ses ulcères. (Luc 16,19-21)

Le récit évangélique de l'homme riche et Lazare (Lc 16,19-31) est entièrement mis en récitatif mais ces trois versets suffiront à montrer la place de l’intégration psycho-corporelle dans la discipline spirituelle du récitatif biblique. Que se passe-t-il donc après qu’on ait appris le texte par le cœur et par le corps et après qu’on en ait fait l’étude intellectuelle au moyen de la vitamine biblique?

Faire entrer le récit à un autre niveau de profondeur

     Nous entrons maintenant dans la phase où nous nous laisserons habiter par le texte jusque dans notre inconscient. Cela peut se faire de diverses manières : symbole, association, arrêt sur geste, bas-relief, imagerie, peinture, pâte à modeler, mouvement respiratoire, autant de voies qui peuvent servir à intégrer plus profondément la Parole dans et par tout l’être. Tout passe par le corps. On travaille avec le corps qui est si parlant!

     Reprenons donc le passage cité en tête de cet article. Portons attention aux mots : gisait près de son portail. Le geste qui accompagne ce bout de phrase décrit une personne délaissée qui se trouve derrière une porte, une clôture ou un obstacle infranchissable.

Arrêt sur geste

     Une manière de vivre en soi ce qui se passe à l’intérieur du récit consiste à faire un arrêt sur geste. En clair il s’agit de réciter le passage et de s’arrêter sur le geste que nous sommes en train de faire, en silence, gardant le corps dans la position du geste sur lequel on s’arrête. On laisse ensuite monter sans censurer ce qui survient en nous. On ne chercher pas à réfléchir, on accueille simplement ce qui se présente à notre esprit. S’il ne vient rien de particulier, on garde tout simplement l’attitude dans une attente patiente. Mais du moment où un mouvement intérieur se manifeste, on l’accueille jusqu’à ce qu’il s’estompe peu à peu. À ce moment, on peut écrire ce qui est monté intérieurement et/ou le partager verbalement.

     Que se passe-t-il intérieurement? Il se pourrait par exemple qu’une partie de notre histoire personnelle surgisse : soit que nous nous voyions nous-mêmes dans une situation où on nous a fermé la porte, là où nous avons été rejetés. Nous devenons alors Lazare laissé pour compte. Écoutant ce que cela produit en nous, il est possible que des sentiments de tristesse, de colère, de compassion ou autres se manifestent et nous poussent à accueillir pleinement ce bout de notre histoire.

     Il se pourrait aussi que nous nous voyions comme ce riche qui a laissé quelqu’un à la porte de son opulence que celle-ci soit financière, ou richesse de dons, ou richesse de relation… La liste est longue de ce que nous pouvons posséder. La tentation nous guette toujours d’écarter certaines personnes de cette richesse. Dans cet arrêt sur geste des sentiments de honte, d’impuissance, de regret, de colère ou même de joie peuvent apparaître. Ou bien simplement une histoire bien connue qui hante notre mémoire se manifeste. Et là aussi par le biais de l’écriture et/ou de la parole nous pourrons faire un bout de chemin dans cette situation qui nous est très présente actuellement ou qui remonte de notre passé. On pourrait ensuite prendre attention aux ulcères laissés par cette situation dans notre cœur, dans notre corps, dans notre âme. Voilà le travail que les arrêts sur geste permettent d’accomplir. Une mise en route à continuer d’explorer dans notre quotidien pour devenir plus sereins, plus en paix, plus conscients de ce qui se joue en nous.

Les foulards 

     Il aurait été aussi possible d’utiliser des objets pour mieux comprendre où nous en sommes dans une relation. Réfléchir à une relation qui est boiteuse. Puis deux à deux, à l’aide d’un foulard, entrer dans les personnages de l’Évangile. Chacun tient un bout du foulard. Chacun à son tour se place en fonction de ce qui est ressenti dans cette situation. Suis-je Lazare? Je me placerai à la distance que je suis capable de supporter dans cette situation. Suis-je capable d’avancer un peu? Pas du tout? Ai-je envie de laisser tomber le foulard, etc… Tout ceci débouchant sur des questions telles : Qu’est-ce que cela dit de moi, de ma vie? Qu’est-ce que je veux faire avec cela? Même chose si je suis le riche. [1]

     Ainsi le récitatif biblique tient compte de toutes les dimensions de la personne et les met en lien avec la sagesse biblique. C’est un réel travail de profondeur qui laisse des traces indélébiles chez la personne qui récite. 

[1] Femmes et ministères : portraits de femmes; Louise Bisson, construite avec des matériaux de qualité. À paraître en juin 2012.

Jocelyne Hudon

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La vitamine biblique : dimension intellectuelle du récitatif biblique