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Archéologie
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chronique du 12 décembre 2003
 

Un sceau à titre étonnant
 

Les fouilles récentes de la Jérusalem israélite nous ont éclairés sur plusieurs points d'histoire et d'institutions, rendant la lecture de l'Ancien Testament encore plus vivante. On connaît l'abondance et le tragique des récits sur le siège et la chute de Jérusalem sous les coups des armées de Nabuchodonosor, en 587 avant J.-C. Ces récits sont maintenant confirmés et illustrés par l'archéologie tant pour l'étendue de la destruction que pour son intensité.

    Une maison, bâtie au pied de la citadelle, avait très souffert de l'incendie qui la ravagea. Dans l'épaisse couche de cendres, on découvrit 51 empreintes de sceaux sur des pastilles de glaise, que le feu a heureusement endurcies pour nous! Sur l'envers de ces pastilles, on voit encore clairement la trace des cordelettes liant les papyrus, dont les traces des fibres sont aussi visibles. Ces empreintes font référence à plusieurs personnages importants de l'administration et du monde politique de Juda et de Jérusalem des dernières années de leur existence, dont certains sont mentionnés dans les textes bibliques. Des chroniques antérieures les ont déjà fait connaître. La présente chronique attire l'attention sur deux autres de ces empreintes, qui ne manqueront pas d'étonner!

empreinte 1

Figure 1 : Empreinte avec le sceau au complet

     La première empreinte (fig. 1) reproduit le sceau au complet. On y lit très facilement : « ltbslm bn zkr », soit « À Tobshalom fils de Zakkur ». Le nom du père est connu de l'Ancien Testament; il évoque le « souvenir » que Dieu a eu pour quelqu'un (en détresse). Mais le nom du propriétaire du sceau est inconnu de la Bible, et, à notre connaissance, c'est la première fois que nous le rencontrons sur un sceau. Nous pouvons assez facilement le traduire : « Bonne paix » ou « Bonne santé ».

empreinte 2

Figure 2 : Empreinte ne conservant que les deux dernières lignes de l'inscription

     La deuxième empreinte (fig. 2) ne conserve que les deux dernières lignes de l'inscription; on y lit : « […] / bn zkr / hrp », ce qui se traduit par : « [À X] fils de Zakkur, le guérisseur ». Comme cette pastille appartient au même lot que la première, on est en droit de l'attribuer au même Tobshalom. Et ainsi, ce personnage au nom tout nouveau pour nous exerçait un métier ou une profession, qui est aussi toute nouvelle dans la liste des métiers qui sont inscrits sur ces sceaux. Cet homme était donc un médecin, et pour cette raison, nous serions enclin à interpréter son nom comme : « Bonne santé ». Serait-ce un surnom, vu son caractère unique à ce jour, révélant l'adresse particulière du personnage dans cet art de soigner les maladies. La première empreinte ne mentionne pas ce titre; les trois motifs séparant le nom du fils et du père, qui sont une sorte de bouton dans un cercle, pourraient peut-être représenter le symbole de ce métier, mais nous en faisons l'hypothèse avec beaucoup de réserve.

     L'exercice de la médecine est très connue en Égypte et en Mésopotamie; de très nombreux textes nous informent abondamment et en détails sur les sortes de maladies et les remèdes recommandés pour les guérir. L'Égypte nous a transmis même des traités chirurgicaux de haut intérêt.

     Pour Israël, nous sommes beaucoup moins informés. L'Ancien Testament avait son attention rivée surtout sur l'histoire du peuple de Dieu et les conditions d'une vie vécue en étroite relation avec ce Dieu. Toutefois, quelques informations occasionnelles sont mentionnées. Une première observation concerne la nature de la maladie. Ici, on n'est pas enclin à la guérir par quelque pratique magique! On ne peut forcer ainsi le vouloir d'un Dieu unique, auteur du bien comme du mal, que des siècles de réflexion ne parviendront à expliquer qu'avec grande peine.

     Le livre du Lévitique traite de plusieurs maladies, qui présentent une certaine parenté : elles ont ce phénomène commun qu'elles provoquent des écoulements corporels, qui rendent les malades « impurs », c'est-à-dire impropres à entrer en contact avec le sacré, soit le temple et son mobilier. Le point de vue de leur traitement est donc bien limité.

     La pratique chirurgicale n'est pas mentionnée dans l'Ancien Testament, mais on sait qu'on y avait recours par une découverte archéologique à Lakish : dans une fosse commune, suite à la prise de la ville par les Assyriens, en 701 avant J.-C., on découvrit deux crânes qui avaient subi la trépanation : un patient mourut sous le coup ou peu après, alors qu'un autre a survécu quelque temps, car l'os avait commencé à se reformer. Il est intéressant de noter que le mot pour désigner le médecin, rôfê', et qui figure sur le sceau discuté ici, vient d'une racine verbale (râfa') qui signifie « réparer, coudre ». La chirurgie aurait-elle été conçue comme l'art par excellence du médecin? Comment le savoir!

     On ne s'étonnera donc pas que l'image du médecin, ou du chirurgien, ait été utilisée assez souvent pour parler de l'attitude de Yahvé envers son peuple, trop souvent malade de ses infidélités religieuses et morales : tant de blessures et de faiblesses physiques ne pouvaient que provoquer l'espérance d'un Dieu médecin : « Si tu écoutes bien la voix de Yahvé, ton Dieu, et fais ce qui est juste à ses yeux, si tu prêtes l'oreille à ses commandements, et observes ses lois, je ne t'affligerai d'aucun de ces maux dont j'ai accablé l'Égypte, car c'est moi, Yahvé, qui suis ton médecin. » (rôfê' : Ex 15,26)

     Si le sage reconnaît la très haute noblesse du médecin, brillant par sa science et son art, il n'oublie pas pour autant que c'est Dieu qui guérit; pour le pécheur invétéré, ce même sage souhaite qu'il tombe entre les mains du médecin! (Si 38,1-15)! Peut-on concevoir meilleur châtiment?

Guy Couturier, CSC
Professeur émérite, Université de Montréal

Source : Parabole xv/4 (1993).  

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Une barque sous le lac

 

 

 

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