Amulette vraiment magique
 

Encore une découverte qui ne manquera pas d'étonner! Et qui plus est, on peut admirer au Musée canadien des civilisations, à Gatineau, jusqu'au 12 avril 2004. L'an dernier, il était exposé à Montréal, au Musée de Pointe-à-Callières.

     L'amulette fut découverte dans la Géhenne, tout juste au sud de Jérusalem. Dans les parois rocheuses de cette vallée très profonde, on creusa des tombes à toutes les époques de l'histoire de la ville. La Géhenne devint même le symbole du feu éternel de l'enfer, car on y faisait brûler les ordures de Jérusalem. Le nom de « Géhenne » vient du mot hébreu Gué-Hinnom : vallée de Hinnom; Hinnom est un nom propre de personne.

   

Illustration et photo de l'amulette
© Israel Antiquities Authority

Une bénédiction religieuse

     Dans une tombe, parmi d'autres objets, on trouve ce tout petit rouleau en argent, hélas très mal conservé. Une fois déroulé, il se présente comme une lamelle d'argent de seulement 3,9 cm x 1,1 cm. On y a gravé un texte hébreu très incomplet, lisible à la loupe! Ce qu'il en reste nous renvoie en toute certitude à un passage du Livre des Nombres. Il s'agit de la bénédiction que les prêtres doivent prononcer sur le peuple, par ordre de Moïse :

« Que Yahweh te bénisse et te garde!

Que Yahweh fasse pour toi rayonner son visage et te fasse grâce!

Que Yahweh te découvre sa face et t'apporte la paix! »

(Nombres 6,24-26)

     Des lecteurs et des lectrices auront déjà entendu cette bénédiction. En effet, chez les catholiques, on la prononce sur le peuple rassemblé à l'Eucharistie, le Jour de l'An. Dans la communauté juive, elle est proclamée lors des trois grandes fêtes religieuses, soit la Pâque, la Pentecôte et la fête des Tentes.

     Que peut bien faire cette bénédiction dans une tombe, et pourquoi l'avoir écrite sur une lamelle d'argent si minuscule? C'est tout simplement qu'il doit s'agir d'une amulette.

     On porte une amulette sur soi pour se protéger contre maladies, malédictions et autres formes de danger. Le texte de la bénédiction ne parle-t-il pas d'une protection de Dieu sur Israël? Il est donc tout à fait approprié pour une amulette.

     Ce texte ainsi utilisé a dû être écrit très fin sur ce support d'argent, puis enroulé et inséré dans un étui à suspendre au cou. L'étui, en cuir ou en tissu, a disparu, mais le texte « argenté » demeure.

Le plus ancien texte biblique connu

     Pourquoi, dans notre titre, avoir qualifié cette amulette de vraiment magique? C'est qu'elle constitue le plus ancien témoin connu, à ce jour, d'un passage de l'Ancien Testament. Le lieu où le texte fut découvert et surtout la forme des lettres utilisées nous permettent de situer la confection de cette amulette entre 650 et 600 avant notre ère.

     Nous sommes donc à la fin du royaume de Juda. C'est à cette période que prend forme la nouvelle édition sacerdotale du Pentateuque - les cinq premiers livres de l'Ancien Testament -, oeuvre des prêtres de Jérusalem.

     Le texte de l'amulette provient de cette édition du Pentateuque et en est presque contemporain. N'est-ce pas assez « magique »? Surtout si nous nous souvenons qu'une bibliothèque presque complète de ce Vieux Testament sera rassemblée, six siècles plus tard, à Qumrân, sur les bords de la mer Morte. Un petit bédouin la découvre par hasard, en 1947. Et la magie opère encore!

Guy Couturier, CSC
Professeur émérite, Université de Montréal

Source : Parabole xxvi/3 (2004).

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