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Archéologie
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chronique du 13 mai 2005
 

Samson et Dalila
 

Ascalon, une ville philistine sur la côte méditerranéenne, au nord de la bande de Gaza, fut sauvagement détruite par Nabuchodonosor, roi de Babylone, en 604 av. J.-C. L'incident est rapporté dans Jérémie 47,5-7 et dans les Annales babyloniennes. Récemment, des archéologues américains ont montré qu'il en fut bien ainsi, révélant aussi que la ville fut abandonnée jusqu'à la fin du IVe siècle av. J.-C.
 

Ascalon

Un chantier de fouilles à Ascalon
(photo : BiblePlaces.com)

     C'est dans le niveau de cette destruction qu'un fragment de jarre fut aussitôt remarqué : il était inscrit! L'encre est parfois presque effacée, car il se trouvait proche de la surface du sol pendant une bien longue période. Ce n'est pas un faux, comme il en circule plusieurs à l'heure actuelle; il fait bien partie du niveau de destruction!

ostracon

L'ostracon et ses inscriptions

     Voici ce que l'on peut lire, après une longue étude : « À Hanno de Gaza : la tête de l'hébreu Samson, qui est attaché à Dalila, j'ai mis dans les mains d'Agga, le fils d'Aquish d'Ascalon, le roi. » Quelle surprise, qui mérite quelques explications!

     L'auteur de ce billet ne peut être qu'un messager qui avait l'ordre de remettre cette tête à Ascalon. Donc, mission accomplie! Ce fait peut aussi expliquer bien des gaucheries de rédaction. Ainsi il dessine une « tête » en début de ligne 2, devant « hébreu Samson »; après le nom de Dalila, à la fin de la ligne 3, il dessine une tête de femme. Surtout, après une première rédaction, il ajoute des notes explicatives à deux reprises : les lignes 1A et 5B. En 5B, qui précise qu'il s'agit du fils du roi d'Ascalon, il dessine un grand et un petit bonhomme! Vraiment, c'est là l'oeuvre d'un apprenti!

     Pour sûr, nous sommes renvoyés à un incident des premiers siècles (XIIe et XIe) de l'histoire d'Israël, au temps des Juges. Un de ces chefs de tribus est Samson l'hébreu, qui donna beaucoup de fils à retordre aux Philistins, occupant toute la côte méditerranéenne (Juges 13-16). Son histoire est fortement marquée par le folklore et les légendes populaires. Après un mariage avorté avec une israélite, il s'éprend follement d'une philistine, la fameuse Dalila! Ses charmes lui feront révéler le secret de sa force, sa longue chevelure (Jg 16). Et on connaît la suite. Écrasé avec les Philistins sous les ruines du temps, ses parents viennent chercher son corps qu'ils enterrent dans leur village (Jg 16,31). On ne dit pas que ce corps est décapité!

     Mais le jeune David ne décapita-t-il pas Goliath, ce géant philistin, pour ensuite déposer sa tête à Jérusalem, sans doute dans un lieu saint (1 S 17,46.51.54)? De plus, après la défaite de Saül contre les Philistins, ces derniers décapitèrent Saül et ses trois fils; après une parade des têtes à travers leur pays, ces Philistins les déposèrent dans un temple (1 S 31,2.9-10). Nous sommes toujours aux premiers siècles de l'histoire d'Israël, et dans le même contexte culturel : Israël et la Philistie! Samson a sans doute subi le même sort.

     Deux raisons nous incitent à croire à l'authenticité de cette inscription. La première est le nom propre du roi de Gaza : Hanno. Ce nom est inconnu dans la Bible, mais il figure à deux reprises comme nom du roi de cette même ville, un siècle et demi plus tôt. Le grand roi d'Assyrie, Téglat-Phalasar III (745-727 av. J.-C.), raconte des ses Annales qu'il livra un dur combat contre un certain Hanunu, roi de Gaza, qui dût lui payer un bien lourd tribut. Nous sommes assurés que c'est la forme assyrienne du Hanno philistin de notre inscription. Il y aurait peut-être eu un dynastie de Hanno à Gaza.

     La seconde raison concerne le nom du roi d'Ascalon, Agga. Ce nom est aussi inconnu dans la Bible, mais il est bien attesté dans un texte babylonien, au temps de Nabuchodonosor lui-même. À Babylone, on a trouvé la liste des rois et des princes tenus captifs dans cette grande capitale, et qui peuvent recevoir des rations de vivre. On y rencontre le nom de Joiakîn, roi de Jérusalem, et celui d'Agga, d'Ascalon! Notons que le nom de son père, Aquish, est aussi celui du roi philistin de Gat, au temps de David (1 S 21,11; 1 R 2,39). Nous sommes donc en terrain bien connu.

     Nous connaissons les réserves récentes sur la valeur historique des textes de la Bible concernant l'ancien Israël, avant le VIIIe siècle av. J.-C. L'époque des juges (XIIe et XIe siècles) est souvent qualifiée de « pure légende ». Et pourtant, si le livre des Juges s'apparente bien à des récits légendaires, Samson étant donné comme le plus bel exemple, il nous faut reconnaître que le personnage lui-même, au-delà des histoires, représente une figure historique réelle.

     D'autres surprises nous sont sans aucun doute réservées! La prudence est donc recommandée dans nos déclarations trop confiantes.

Guy Couturier, CSC
Professeur émérite, Université de Montréal

  
Article précédent :
Zacharie et Siméon

 

 

 

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