La basilique de Gethsémani (Diego Delso / Wikipedia)

Gethsémani

Robert DavidGuy Couturier | 16 septembre 2005

La tradition chrétienne, à Jérusalem, s’est surtout attachée au tombeau tout neuf que s’était fait tailler Joseph d’Arimathie; c’est là qu’il y déposa le corps de Jésus et, le matin de Pâques, que la Bonne Nouvelle de la résurrection du Christ prit son envol. Toutefois les tristes événements de l’agonie de Jésus et de la trahison de Judas n’ont pas été effacés, pour autant, de la mémoire des premiers chrétiens.

La veille de sa mort, entre la Pâque célébrée à Jérusalem avec ses disciples et son arrestation, Jésus s’était retiré, avec Pierre, Jacques et Jean, dans un lieu sans doute assez désert, appelé Gethsémani, ou « Pressoir à huile »; cette appellation seule pourrait orienter notre attention du côté du mont des Oliviers (Mt 26,36-46 ; Mc 14,32-42 ; Lc 22,40-46). Comme Jean parle d’un « jardin » (Jn 18,1), la tradition parle aussi d’un lieu dit Gansémani (« Jardin de l’huile »).

Les témoins archéologiques que nous présentons dans la présente chronique, connus depuis assez longtemps déjà, sont bien situés sur les bords de la route romaine qui reliait le mont des Oliviers à Jérusalem ; des traces de cette route sont visibles dans le jardin du monastère russe juste un peu plus haut sur la pente.

C’est Eusèbe, évêque de Césarée, qui mentionne pour la première fois, vers 330, Gethsémani comme un lieu « contre le mont des Oliviers » ; peu de temps après, en 333, le Pèlerin de Bordeaux parle d’un « rocher », dans le ravin (le Cédron), où on se rassemble pour prier, ce que Cyrille, évêque de Jérusalem, confirme en 347. Ces témoignages sont donc sérieux, car ils sont contemporains de ceux que Constantin a honorés au tombeau de Joseph d’Arimathie, en y construisant l’église de la Résurrection (Anastasis), en 325.

la basilique au centre du village

Plan des trois églises de Gethsémani.

Saint Jérôme, en 388, nous assure qu’une église a aussi été construite à Gethsémani; elle doit être l’œuvre de Théodose (379-395), qui imita Constantin en consacrant des souvenirs évangéliques par des monuments. Les fouilles archéologiques appuient fortement cet événement.

Sous 1’église actuelle, construite en 1924 (partie hachurée du plan), se cachent les vestiges de cette église de Théodose ; de fait, l’architecte moderne a voulu respecter le plan de cette première église (en brun uni sur le plan). On remarque facilement que le rocher où s’était retiré Jésus, pour prier, occupe presque toute l’abside. Ce plan précis de l’édifice nous montre bien que ce rocher était l’objet de vénération à l’époque : on tailla le banc rocheux pour y fonder les murs du bâtiment, en respectant le cabochon au milieu de l’abside.

La basilique est assez modeste : elle mesure 20,15 x 16,35 m. Un atrium (cour ouverte) était aménagé devant elle ; et, de chaque côté de cet atrium, on a retrouvé le tracé de deux petits enclos : servaient-ils à protéger de vieux oliviers témoins de la prière de Jésus? Cette église primitive fut assez endommagée par les Perses, en 614, puis totalement détruite par un tremblement de terre en 745 ; elle fut alors abandonnée.

Vers 1170, les Croisés décident de redresser cette église, qui ne présente plus que de tristes ruines. Toutefois, pour des raisons que nous ignorons, ils la construisent selon un axe différent (partie en blanc sur le plan) ; ils y aménagent trois petites absides, présentant chacun un éperon rocheux, en souvenir de la triple prière de Jésus que les synoptiques mentionnent de façon claire. C’était une église encore plus modeste que celle du IVe siècle. Elle fut détruite par les Arabes, et laissée en ruine depuis le XIIIe siècle ; on gardait toutefois le souvenir de l’agonie de Jésus sur ces ruines transformées en un jardin planté d’oliviers. Une étude récente des très vieux oliviers qui poussent toujours dans un jardin adjacent à l’église actuelle montre bien que les racines de ces oliviers courent sur le pavement de l’église médiévale : ils sont donc presque millénaires!

grotte

L’intérieur de la chapelle en contrebas du domaine (rparys / 123RF)

À un jet de pierre (Lc 22,41) du rocher inséré dans l’église, il se trouve une grotte naturelle qui fut aussi l’objet de vénération des chrétiens de Jérusalem. Une inondation récente l’a beaucoup endommagée ; on profite donc de l’occasion pour l’étudier attentivement. Elle est assez vaste, mesurant, en gros, 13,50 x 8,50 m. On sait maintenant qu’elle fut aménagée en lieu de culte chrétien avant la fin du IVe siècle, mais en étant agrandie (17,50 x 12 m) ; cet aménagement est donc contemporain de la première église. C’est là que le souvenir du lieu où reposaient les disciples y était attaché; comme ce lieu était connu de Judas, il faut penser que c’est aussi là qu’il y conduisit la troupe qui exécuta l’arrestation de Jésus. Encore faut-il ajouter que certaines particularités du sol de la grotte pourraient être interprétées comme des ouvrages de pressoir à huile, justifiant donc le nom de Gethsémani attaché à ce lieu.

Il restera toujours très difficile de prouver, par l’archéologie, que nous sommes en présence du lieu vrai et précis de l’agonie de Jésus et de son arrestation, mais il reste tout aussi vrai que c’est bien là la région où ces événements se déroulèrent, le fait bien établi que les chrétiens, dès le début du IVe siècle, en ont fixé là le souvenir ne devrait pas manquer de susciter pour nous un vif intérêt.

Orientaliste et exégète de l’Ancien Testament, Guy Couturier (1929-2017) était professeur émérite de l’Université de Montréal.

Source : Parabole xv/2 (1992) 3.

Archéologie

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Initiée par Guy Couturier (1929-2017), professeur émérite à l'Université de Montréal, cette chronique démontre l'apport de l'archéologie à une meilleure compréhension de la Bible. Au rythme d'un article par mois, nos collaborateurs nous initient à la culture et à l'histoire bibliques par le biais des découvertes archéologiques les plus significatives.