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Archéologie
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chronique du 12 mai 2006
 

L’arche d’alliance

Au désert comme à Jérusalem, l’arche d’alliance est présentée comme le centre nécessaire du culte qu’Israël rend à son Dieu, Yahvé. Elle symbolise la présence réelle de ce Dieu, d’où son caractère sacré qui doit être respecté et protégé à tout prix!

     La tradition biblique lui attribue deux fonctions bien distinctes, qui exigent du même coup qu’elle ait aussi deux formes physiques distinctes. Une première fonction est celle d’être le réceptacle des tables de la loi (le Décalogue : Dt 10,1-5), d’une mesure de manne du désert (Ex 16,33) et du sceptre fleuri d’Aaron (Nb 17,10). On comprend qu’elle soit alors décrite comme une sorte de coffret rectangulaire (Ex 25,10); d’ailleurs le mot hébreu employé pour la désigner, arôn, signifie justement « coffret, boîte ».

     La deuxième fonction de l’arche, celle qui est sans doute la plus souvent évoquée, n’est nulle autre que de servir de trône royal à Yahvé. À ce titre, on lui donne même un nom, que l’on proclame lors des cérémonies cultuelles : elle s’appelle « Yahvé sabaoth, trônant sur les chérubim » (1 S 4,4; 2 S 6,2; Ps 80,2; 99,1; etc). On ne sera donc pas surpris de voir que la royauté de Yahvé sera toujours évoquée par ce symbole religieux, bien gardé dans la salle la plus sacrée de son temple, ou son palais; tout le culte qui l’entoure est de ce fait centré sur cette royauté. Isaïe (ch. 6) en est un témoin fulgurant, de même que Jérémie (3,17) et Ézéchiel (43,7). Surtout, il faut rappeler ici la grande liturgie de l’intronisation royale de Yahvé à Jérusalem, quand tout le peuple est invité à proclamer avec éclat et joie : « Yahvé est roi » (Ps 24; 93; 96-99). Cette foi profonde en la royauté lumineuse de Yahvé ne s’explique bien que si l’arche, au nom évocateur, est d’abord comprise comme le trône de Yahvé. Une dernière remarque confirme l’hypothèse, car l’arche est aussi appelée, à quelques reprises, le marche-pied ou le tabouret de Yahvé (1 Ch 28,2; Ps 99,1; 132,7; etc.).

plaquette d'ivoire

Figure 1: Détail d’une plaquette d’ivoire de Megiddo (Musée d’Israël)

     Est-ce que l’archéologie peut nous aider à nous représenter concrètement cette arche aux fonctions si diverses? La réponse est sans doute positive. En Syrie-Palestine, depuis le IIe millénaire déjà, les trônes royaux consistaient d’une chaise formée par deux sphinx debout et placés côte à côte, dont les ailes déployées vers le haut servaient de dossier, les pattes, de pattes de la chaise et les têtes, d’accoudoirs. Le roi était donc assis littéralement sur ces êtres mythiques, qui l’enveloppaient en quelque sorte. Cette chronique d’archéologie a déjà parlé de ces sphinx, dont le mot hébreu pour les désigner est kerub (kerubim au pluriel). Une des fonctions du sphinx est précisément la garde des trônes royaux. La figure 1 est une belle illustration d’un de ces trônes, telle que gravée sur une plaquette d’ivoire trouvée à Megiddo, et datant du XIVe siècle avant J.-C. On voit le roi assis sur son trône à chérubim, en présence de la reine et entouré de porteurs d’offrande et d’une joueuse de lyre. On remarque aussi que le roi a les pieds posés sur un tabouret. Des tabourets trouvés en Égypte sont ornés de figures d’ennemis captifs, de sorte que le roi pose littéralement ses pieds sur ses ennemis, de façon symbolique, quand il siège sur son trône; cette image est bien connue du Psaume 110 : « Tes ennemis, j’en ferai ton marchepied. » (v. 1)

trône divin

Figure 2 : Trône divin vide (Musée du Louvre)

     Un autre fait très intéressant mérite une mention toute spéciale. En Phénicie on a trouvé plusieurs modèles de trônes à chérubim (ou sphinx) qui étaient destinés à des dieux. Il en est même quelques-uns qui ne permettaient pas qu’on y asseye une figure divine, car le siège était ou trop étroit ou sculpté trop en pente : la divinité y siégeait donc de façon invisible (fig. 2). Parfois, on évoquait le dieu de façon précise en gravant un signe qui l’identifie. Évidemment, un tabouret était nécessairement associé à ces trônes divins.

     Si nous revoyons la tradition biblique sur l’arrière-fond de ces trônes royaux et divins, nous comprenons très bien que l’arche soit décrite comme un siège formé de chérubim. On sait aussi que ce trône devait être vide, puisque Yahvé n’y était pas représenté, ce qui eut été contraire à la loi religieuse d’Israël.

     On comprend aussi fort bien que l’arche soit aussi une sorte de réceptacle rectangulaire, puisqu’un tabouret devait nécessairement être placé devant ce trône, ce que quelques textes, on l’a vu, déclarent explicitement. Il faut surtout évoquer des textes hittites et égyptiens qui déclarent ouvertement que des copies de traités (alliances) internationaux étaient « placés sous les pieds des dieux » : ne serait-ce pas, alors, dans ce tabouret des trônes divins? L’hypothèse est trop belle pour ne pas être formulée avec beaucoup de vraisemblance.

Guy Couturier, CSC

Source : Parabole xiv/2 (1991).

Article précédent :
La première découverte d’un crucifié

 

 

 

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