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Le sceau d’un scribe bien connu
Ces dernières années, on a fait la découverte d’un nombre étonnant d’empreintes de sceaux israélites de la période pré-exilique. La présente chronique en a signalé quelques-unes, dont celles de deux personnages qui ont joué un rôle important dans l’incident du rouleau des prophéties de Jérémie que le roi Joaiqîm a fait brûler (Jr 36) : il s’agit de Baruk, scribe et ami de Jérémie, qui inscrivit le rouleau sous la dictée du prophète lui-même et de Yerahméel, fils du roi, qui avait reçu l’ordre d’arrêter Jérémie. Ces deux sceaux faisaient partie d’un même lot de 255 empreintes provenant d’un site inconnu de Juda, apparu à la fin des années 70.
La bulle ou empreinte du sceau de Gemaryahu
L’archéologue israélien Y. Shiloh découvrit 51 nouvelles empreintes en 1982 au pied de la citadelle de David, à Jérusalem, lors d’une campagne de fouilles. Il est incontestable que ce nouveau lot date de la même période que le premier, soit fin du VIIe et début du VIe siècle. Cette date est confirmée de façon assurée par le fait que ces empreintes étaient réunies sur le sol d’une maison incendiée en 587, lors de la conquête de Jérusalem par Nabuchodonosor; les documents scellés ont brûlé, mais le feu a durci les pastilles de glaise sur lesquelles les sceaux étaient apposés.
Une de ces empreintes porte le nom de Gemaryahu fils de Shafan qui doit correspondre à un troisième personnage de l’incident du rouleau de Jérémie, en 605. En effet la première lecture du rouleau fut faite par Baruk dans le bureau d’un certain « Gemaryahu, fils de Shafan, scribe » (v. 10). Ce Shafan est identifié avec raison au scribe du même nom qui lut à Josias le rouleau de la loi deutéronomique découvert par le prêtre Hilqiyyahu, en 622, et qui fut actif dans la réforme religieuse qui s’ensuivit (2 R 22). Son fils Gemaryahu est parmi ces dignitaires de Joiaqîm qui s’émeuvent à la lecture des oracles de Jérémie (vv. 11-20) et tâchent d’empêcher le roi de les lacérer et de les jeter au feu (vv. 21-25). Le père et le fils étaient donc favorables à la politique réformatrice de Josias et sans doute troublés par l’infidélité notoire de son fils et successeur, Joiaqîm. On comprend facilement que Jérémie a été bien vu par Shafan, puisqu’il appuya sans équivoque la réforme de Josias; le fils de Shafan, Gemaryahu, se révèle aussi un solide appui à Jérémie dans sa critique de Joiaqîm et tenta même de lui faire éviter l’arrestation. Il est donc remarquable qu’en moins de dix ans on ait fait la découverte des empreintes de sceaux personnels de trois dignitaires mêlés à un événement capital dans la vie du prophète Jérémie.
Avec ces empreintes, Shiloh a pu recueillir plusieurs vases de céramique éparpillés sur le sol. Deux de ces vases, hauts de 30 et 35 cm, ont la forme d’une cruche à la panse passablement arrondie et avec une base en trompette : c’est là un nouveau type de jarre encore inconnu. Une autre caractéristique de ces jarres : des trous ont été pratiqués, avant cuisson, à la base de la panse. Ces trous font donc partie du dessein premier de leur fabrication : ils remplissent une fonction volontaire. L’archéologue Shiloh croit que ces jarres servaient à la conservation des documents roulés et scellés; les trous permettaient à l’air de circuler et contribuaient ainsi à garder les parchemins et papyrus dans un milieu plus sec, propice à la conservation de tels matériaux.
D’ailleurs une telle pratique est clairement mentionnée dans un texte de Jérémie (ch. 32). Quelques mois avant la chute de Jérusalem, en 587, Jérémie achète un champ à un cousin dans son village natal, Anatot. Le prophète demande à son fidèle ami, Baruk, de rédiger l’acte officiel d’achat qu’il doit sceller, sans doute, avec son sceau personnel de scribe. Puis Jérémie donne à Baruk cet ordre précis : « Prends ces documents, cet acte d’acquisition, l’exemplaire scellé comme la copie ouverte, et mets-les dans un vase de terre, de façon qu’ils se conservent longtemps. » (v. 14)
Ainsi, on pourrait facilement penser que la maison au pied de la citadelle de David, sur laquelle était construit le palais du roi, pourrait bien être la résidence d’un de ces scribes officiels, où certains documents d’usage privé pouvaient être conservés, comme chez un notaire. Les documents officiels de l’État étaient conservés dans des archives, à proximité des cours du temple.
Source : Parabole xii/4 (1990).
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