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Archéologie
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chronique du 16 novembre 2007
 

Le sceau du maître des chœurs?

Le professeur F.M. Cross, bien connu des savants du Proche-Orient ancien, a publié un sceau israélite que possède le Harvard Semitic Museum (Boston). On ne sait pas très bien comment il est arrivé dans cette collection, et personne ne s’était encore intéressé à sa valeur. Pourtant, il s’agit d’un objet tout à fait unique par plus d’un trait, et d’un témoin d’une fonction encore inconnue dans ce type de documents que sont les sceaux, instruments de signatures officielles et autorisées.

sceau

À gauche, première face du sceau permettant une lecture directe avant l’utilisation.
À droite, seconde face du sceau, inscrite en négatif, permettant de sceller les documents.

     Le sceau aurait été trouvé dans une tombe dans la vicinité de Jérusalem. Il est taillé dans un morceau de jaspe rouge veiné de jaspe blanc. Il est de forme ellipsoïdale et bien poli. Une perforation longitudinale permettait à son propriétaire de la suspendre au cou, sans doute.
Plusieurs caractéristiques de ce sceau sont étonnantes. On se serait attendu qu’une bordure encadre l’inscription, comme il est coutumier sur tous les sceaux; normalement une double ligne devrait aussi séparer les deux lignes d’écriture. Un seul sceau connu présente les mêmes traits : il s’agit d’un sceau de la première moitié du VIIIe siècle, au nom d’un certain « Jérémie ».

     Mais ce qui surprend par-dessus tout, c’est que ce sceau est inscrit sur ses deux faces, ce qui est un fait rare, mais dont l’une des inscriptions est au positif, ce qui est un fait unique. Il ne fait pas de doute que cette première face inscrite, que nous appellerons le recto du sceau, ne pouvait pas être utilisée pour sceller un document, car l’impression aurait présenté une inscription au négatif! Elle servait donc uniquement de témoin pour une lecture directe du sceau. La deuxième face inscrite, que nous appelleront le verso du sceau, est bien taillée au négatif, ce qui permet de produire une impression au positif sur le document scellé, ce qui est dans la normalité des choses.

     L’inscription elle-même nous offre des particularités qui méritent d’être soulignées. La première concerne la particule qui précède le nom du propriétaire. À peu près tous les sceaux sont gravés d’un le devant le nom du propriétaire, qui signifie tout simplement à, désignant ainsi la propriété officielle du signataire du document scellé. Cette particule est bien inscrite sur la face au négatif (verso), celle qui servait à sceller, mais elle est omise sur la face au positif (recto), ce qui confirme que cette face ne servait qu’à identifier directement le propriétaire du sceau, mais non à sceller un document quelconque.

     Le nom du propriétaire se lit Miqnêyô, qui signifie : « propriété ou créature de Yahvé ». Le nom n’est mentionné qu’une fois dans l’Ancien Testament, comme le nom de deux chantres que David installa dans le temple de Jérusalem (1 Ch 15,18.21); il est aussi connu sur un sceau et sur une inscription d’Arad au VIIe siècle. Toutefois c’est toujours sous sa forme pleine (Miqnêyahû) qu’il est utilisé, ce qui correspond bien à l’usage en Juda, alors que le Miqnêyô de notre sceau correspond surtout à l’usage du royaume du Nord, Israël!

     La dernière surprise que nous présente ce sceau n’est pas la moindre : il s’agit du titre de ce Miqnêyô : on lit très clairement Ebed Yahweh, « Serviteur de Yahvé ». Il s’agit certainement d’un titre, et non du nom du père du propriétaire qui aurait pu être un « Ebed Yahvé », car un point (.) divise les deux mots, pour qu’aucune confusion ne soit possible.

     À quoi donc peut correspondre ce titre de fonction! Dans l’Ancien Testament, il fait surtout référence à des personnages religieux, comme des prophètes, et surtout ce personnage mystérieux du Deutéro-Isaïe (nous connaissons tous le « Serviteur souffrant »). Jamais le roi ou quelque ministre de ce dernier ne porte un tel titre; quand on spécifie la personne que le propriétaire du sceau sert par quelque fonction il s’agit toujours du roi, jamais de Yahvé! Seuls un sceau araméen du VIIIe siècle et deux sceaux ammonites du VIIe siècle ont un titre semblable : « serviteur de X (nom d’un dieu) ». Jusqu’ici, jamais un tel titre n’était connu en Israël.

     Le professeur Cross écarte le roi et le prêtre, car leurs titres sont bien connus : melek (roi) et cohen (prêtre); aussi on ne les dit jamais serviteur de Yahvé. Je suis tout à fait d’accord avec Cross pour que notre attention se dirige vers quelque fonctionnaire du temple. Le fait de servir directement et officiellement Yahvé nous invite fortement à penser à quelqu’un qui joue un rôle important dans le culte. La référence aux deux chantres installés par David dans le temple (1 Ch 15,18.21) est un indice à prendre au sérieux, car des groupes précis ont tendance à conserver les mêmes noms. Surtout le Psaume 135, dans son invitation d’ouverture à la louange de Yahvé, lors d’une cérémonie au temple, proclame ceci : « Louez le nom de Yahvé, louez, serviteurs de Yahvé, célébrant dans la maison de Yahvé, dans les parvis de la maison de notre Dieu. »

     Chantres et musiciens faisaient partie du personnel cultuel en Israël comme dans tout le Proche-Orient ancien; les psaumes et les livres historiques font très souvent référence à ces ministres d’accompagnement musical. Miqnêyô ne serait-il pas le chef de ces « symphonistes sacrés » (chantres et musiciens), car on ne voit pas pourquoi chacun d’eux aurait eu droit à la possession d’un sceau personnel pour authentifier des documents!

     Comme ce sceau doit être daté du VIIIe siècle, à cause de la forme de l’écriture, nous sommes donc en présence du grand maître des musiciens et choristes de Jérusalem au temps des grands prophètes Isaïe et Michée!

Guy Couturier, CSC

Source : Parabole xi/4 (1989).

 

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Jérusalem incendiée : le sort d’une ville royale

 

 

 

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