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Archéologie
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chronique du 18 janvier 2008
 

Signature d'un mauvais « pied marin »

Le professeur Nahman Avigad de l’Université hébraïque de Jérusalem a publié l’empreinte d’un sceau israélite, propriété d’un collectionneur américain qui exige toujours l’anonymat; seule l’empreinte a été communiquée au professeur. Ce sceau est fort intéressant à chacun de ses éléments.

Empreinte du sceau d’Oniyahu

Figure 1 : Empreinte du sceau d’Oniyahu

     L’état de conservation du sceau doit être parfait, car l’empreinte est d’une grande précision. Une ligne ovale délimite un champ totalement rempli, à l’exception d’un petit espace au bas. On voit très bien le dessin d’un bateau et l’inscription du nom du propriétaire du sceau, gravé sur deux lignes bien séparées par des doubles traits (fig. 1).

     Tout d’abord j’attire l’attention sur le nom lui-même : on y lit très clairement : « À Oniyahu fils de Mérab ». On remarque aussi que l’inciseur a pris soin de séparer chacun des mots par des points (.). D’après la forme des lettres, il faut dater le sceau de la deuxième moitié du VIIIe siècle avant J.-C., ou au début du VIIe siècle. Le nom Oniyahu n’est pas connu, sous cette forme, dans l’Ancien Testament; toutefois on peut le lire sur une inscription du VIIIe siècle avant J.-C., près d’Hébron. Une forme abrégée est cependant attestée (On) comme nom d’un des révoltés contre Moïse, lors de l’Exode (Nb 16,1). Le nom signifie tout simplement : « Yahvé est ma force ».

     Le présent sceau fait partie du groupe des sceaux privés, puisqu’il n’indique pas une fonction officielle qu’aurait exercée son propriétaire, mais le nom d’une autre personne qui identifie la famille du personnage. Or sur ces sceaux, c’est toujours le nom du père qui est indiqué. Ici la famille est déterminée par une femme, semble-t-il, car Mérab est un nom féminin dans l’Ancien Testament, mentionné qu’une seule fois comme nom de la fille aînée de Saül (1 S 14,49; 18,17.19).

     Ce trait quelque peu étonnant dans le contexte de ces « signatures officielles » perd un peu de sa force, toutefois, si nous nous rappelons que quelques personnages, dans l’Ancien Testament, sont aussi identifiés par les noms de leurs mères : ainsi « Joab et Abishai fils de Çeruya » (1 S 26,6), « Hanan fils de Ma’aka » (1 Ch 11,43) etc. Le sens de ce nom (Mérab) nous est encore inconnu. Si la mère peut officiellement garantir juridiquement l’identité d’une personne, c’est donc un indice non équivoque de la place importante qu’elle pouvait occuper déjà dans la société israélite.
 

Le tribut de Tyr

Figure 2 : Le tribut de Tyr apporté à Salmanasar III
Fragment des portes de Balawat (détail)
IXe siècle avant notre ère
Bronze, British Museum, Londres

     Un deuxième point d’intérêt, et de surprise, de ce sceau, c’est la représentation d’un bateau comme motif personnel ou héraldique servant aussi à identifier le propriétaire. On sait que les Israélites craignaient la mer, et qu’ils ont été de bien mauvais marins. Les deux seules flottes qu’ils se sont données ont été achetées au roi de Tyr et dirigées par des matelots tyriens; leur usage semble avoir été de bien courte durée (1 R 9,26-28; 22,48-51). Pourquoi donc choisir un symbole si peu « attirant » dans cette société israélite? La réponse à cette question dépend sans doute du jeu de mots possible qu’il peut suggérer : en changeant la voyelle ô du nom (ôni = « ma force ») en â, on a un âni, qui signifie alors « mon bateau »; ainsi le monsieur ôniyahu (« ma force est Yahvé », ce qui est certes son nom) prononcé âniyahu devient « mon bateau est Yahvé »! Voudrait-on, par ce symbole, proclamer la foi et l’espérance personnelles de cet Israélite en l’efficacité de son Dieu comme force directrice sur la route de la vie? Du moins il nous est permis de le suggérer.
 

Transport de bois par bateaux

Figure 3 :Transport de bois par bateaux
Bas-relief (détail)
Palais de Sargon II, Khorsabad
VIIe siècle avant notre ère
Calcaire, Musée du Louvre, Paris

     Une dernière particularité de ce sceau qui mérite d’être soulignée c’est le type de bateau qui est ici représenté. Il est remarquable de voir avec quelle précision le tailleur a dessiné ce bateau sur une surface qui ne fait que 10 x 8 mm! La coque est bien arrondie, et son rebord est orné d’une rangée de points ronds et distancés également. La poupe et la proue sont relevées sur une même hauteur, pour se terminer par un objet difficilement identifiable. À l’arrière, on voit clairement une grosse rame servant de gouvernail. Le bateau n’est pas dirigé par des rames, mais par une grande voile bien attachée par de gros cordages (haubans) à un grand mât central. C’est là la seule représentation d’un bateau israélite qui nous soit connue à date.

bateau de Tyr

Figure 4 : Bateau de Tyr sur un bas-relief de Sennacherib.

     Plus haut, nous avons vu que c’est chez les Phéniciens, à Tyr, que Salomon et Josaphat ont acheté leurs flottes. Tous les éléments de ce petit bateau gravé sur ce sceau sont justement bien représentés sur les bas-reliefs assyriens reproduisant des scènes de navigation phénicienne. Un relief en bronze de Salmanasar III (858-824) montre le tribu du roi de Tyr transportée sur des bateaux à la poupe et la proue relevées se terminant par des têtes d’animaux (fig. 2). Un relief de Sargon II (722-705) nous montre clairement le même type de bateau d’une ville phénicienne non identifiée dont la proue se termine par une tête de cheval (fig. 3) : on a sans doute ici le vrai motif décoratif des bateaux du relief de Salmanasar III et de notre sceau israélite. Enfin des bateaux du roi de Tyr sur un bas-relief de Sennacherib (705-681) ont la même coque arrondie, à la poupe et la proue bien relevées, dont le rebord est visiblement orné de rondaches, sortes de boucliers ronds en métal pour protéger les rameurs et les guerriers contre les attaques de bateaux ennemis (fig. 4). Nous ne pouvons pas hésiter : sur une petite surface grande comme l’ongle, notre tailleur de sceau a réussi à inciser un bateau tout à fait phénicien, de Tyr plus précisément, qui a été la ville où les rois de Jérusalem sont allés acheter leurs flottilles! À sa façon, le sceau illustre ces aventures peu heureuses de l’histoire israélite!

Guy Couturier, CSC

Source : Parabole x/5 (1988).

 

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Souvenirs chrétiens à Bethléem

 

 

 

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