INTERBIBLE
À la découverte du monde biblique
comprendre la biblearchéologiegroupes bibliquesinsolite
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Archéologie
  image
Imprimer
chronique du 14 mai 2010
 

Les baptistères en Palestine

Au cours des dernières années, plusieurs églises furent découvertes dans la partie Nord du Sinaï, qui presque toutes étaient munies d’un baptistère. Cette région quasi désertique avait toujours été le théâtre des déplacements de nomades, comme le témoin des caravanes transportant épices et aromates de l’Orient vers l’Occident.

     Si plusieurs événements de l’histoire biblique se sont déroulés dans cette partie du sud de la Palestine, les chrétiens de l’époque byzantine (IVe au VIe siècle ap. J.-C.) ont semblé vouloir commémorer le souvenir de l’Exode, en réoccupant les villes caravanières des arabes et des romains, prenant bien soin d’y ajouter des églises-monastères, magnifiques dans leur simplicité. À la même époque, plusieurs moines fondent aussi des monastères dans le désert de Juda, afin de revivre le séjour de Jésus en ce lieu. La présente chronique ne portera toutefois que sur les baptistères du Nord du Sinaï.

     Nous connaissons maintenant assez bien l’évolution des lieux du baptême, depuis le temps de Jésus jusqu’à la conquête arabe, au début du VIIe siècle. Puisque Jésus s’était fait baptiser par Jean dans le Jourdain (Mc 1,9-11), c’est d’abord dans les cours d’eau qu’on administra le baptême aux nouveaux chrétiens; c’est là que Philippe baptisa l’eunuque éthiopien (Ac 8,36-38), et Paul la pieuse Lydie de Philippes (Ac 16,13-15). Au IIIe siècle, on baptisait encore au puits de Jacob, à Sichem; Eusèbe de Césarée raconte que Constantin voulut recevoir le baptême dans le Jourdain, puisque c’en était encore la coutume. À partir du IIe siècle, on aménage une petite salle à cette fin dans les maisons où se réunissent les communautés pour la célébration de l’eucharistie; on n’y trouve qu’une petite vasque, bien plâtrée, mais sans signes distinctifs.

baptistère

illustration © Issa Eid

     Avec la conversion de l’empereur Constantin, au début du IVe siècle, le christianisme est proclamé religion d’État; nous assistons aussitôt à l’éclosion d’un grand nombre d’édifices religieux à travers tout l’Empire, où le culte chrétien devra être célébré. Deux bâtiments essentiels sont construits : la basilique ou « salle royale », qui sert aux réunions eucharistiques, et le baptistère, pour célébrer les rites d’entrée dans l’Église. Deux traditions différentes ont présidé l’érection de ces baptistères. En Occident, ce bâtiment aux dimensions modestes est tout à fait indépendant de la basilique, mais situé dans son voisinage; il prend aussi presque toujours la forme octogonale, dont le symbolisme est aussitôt évident : cette forme évoque le huitième jour, jour de la résurrection de Jésus.

     En Orient, la tradition est quelque peu différente; la trentaine de baptistères connus aujourd’hui nous donne une idée bien précise sur leur caractère physique et sur les rites qui s’y déroulaient. Ce sont les exemples du Nord du Sinaï qui sont les mieux conservés.

baptistère

Baptistère cruciforme de Shivta
photo Creative Commons zeevveez

     Tout d’abord, cette salle du baptême est étroitement liée à la basilique elle-même; elle est tantôt adossée à son vaisseau (nef), tantôt jointe au narthex (porche), ou à l’atrium, sorte de cour ouverte placée devant le narthex. Ainsi la basilique et le baptistère, tout en étant encore distincts, forment un tout intimement uni. La forme de ce baptistère correspond à celle de la basilique, soit une petite salle rectangulaire, dont l’un des petits côtés est transformé en abside, et toutes deux sont toujours orientées vers le soleil levant. Un des baptistères de Subeita [aujourd'hui Shivta] est le type classique d’un tel monument (A). Il mesure 10 m par 6,5 m, et son abside donne un diamètre de 3,5 m; comparé à la basilique, il présente 1/5 de la superficie de cette dernière. De même qu’un cancel séparait l’autel et le clergé de la communauté des fidèles, dans la basilique, ainsi un petit cancel isole ici les fonts et les ministres du baptême. Le sol était recouvert de mosaïques, mais beaucoup moins soignées que celles de l’église.

baptistère

illustration © Issa Eid

     L’objet essentiel du baptistère est évidemment les fonts baptismaux, dont le nom lui-même évoque le lieu originel du baptême (fons : source). Dès que l’initiation chrétienne fut célébrée dans un bâtiment, il a donc fallu reconstituer une source où on pouvait faire descendre le catéchumène. Au cours des trois premiers siècles, cette source prit la forme d’un simple bassin, tantôt rectangulaire, tantôt rond; il faut aussi mentionner de très rares cas de cuves hexagonales, dont on ignore la provenance et le symbolisme. Mais à partir du IVe siècle, les fonts baptismaux ont été taillés dans un seul bloc de pierre, en suivant une double tradition, pour sa forme. Il était assez fréquent de tailler en octogone la partie extérieure du bassin qui était, lui, rond (B.1); on se souvient que l’octogone évoque la résurrection. L’autre tradition, la mieux attestée, est centrée sur la forme de la cuve intérieure des fonts; on lui donne la forme d’une croix, aux quatre bras égaux et présentant des extrémités arrondies (B.2) ou carrées (B.3). Dans le cas d’une croix aux bouts arrondis, la partie extérieure de la cuve peut être carrée, ronde et même octogonale. La grandeur de ces fonts varie, en général de 60 cm à 1,50 m, pour leur diamètre, et de 33 cm à 1,10 m, pour leur profondeur; il faut noter qu’un petit bassin est ajouté, lorsque les fonts sont d’assez grandes dimensions, pour permettre de baptiser les enfants.

     L’intérieur de la cuve comporte toujours au moins un degré, pour faciliter la descente du catéchumène. Dans les baptistères du Nord du Sinaï, les fonts cruciformes se sont imposés, et on a pris soin de bâtir deux escaliers, dans les bras est et ouest de la cuve. Le symbolisme de ce double escalier est fondé sur ce texte de S. Paul : « Ignorez-vous que, baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que tous nous avons été baptisés? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle. » (Rm 6,3-4) Saint Cyrille de Jérusalem (315-386) ne laisse aucun doute à ce sujet : par un escalier, le catéchumène descend dans la mort et le tombeau, pour remonter ensuite, par le deuxième escalier, dans la vie du ressuscité. On va même jusqu’à parler dans ce contexte d’un double baptême : le baptême d’eau a lieu dans la descente dans la cuve, symbolisant la mort, et le baptême dans l’Esprit survient lors de la remontée de la cuve, puisque c’est en sortant du Jourdain que Jésus a vu les cieux s’ouvrir au-dessus de lui, pour permettre à l’Esprit de venir prendre possession de toute son existence (Mc 1,10).

     La disposition générale des lieux du baptême, à partir du IVe siècle, et telle que nous la connaissons maintenant, correspond parfaitement aux rites de cette initiation chrétienne, d’après le témoignage de S. Cyrille de Jérusalem et de la pèlerine Ethérie, vers la fin du IVe siècle. Tout d’abord on conduit le catéchumène dans la cour ouverte devant l’église; tourné vers l’Occident, il renonce à Satan et à toutes ses puissances maléfiques, puis, tourné vers l’Orient, il fait sa profession de foi au Christ. Introduit ensuite dans le baptistère, comme Jésus au pied de la croix, il se dépouille de ses vêtements devant les fonts baptismaux.

     Empruntant l’escalier ouest de la piscine, il descend dans l’eau, où il se plonge trois fois, évoquant les trois jours de Jésus au tombeau. Puis il remonte par l’escalier est, en tenant à la main une petite lampe allumée; elle est presque toujours décorée de palmes, symbole de la victoire, ou de piscines baptismales même, reproduisant schématiquement la cuve et les escaliers; une inscription y est aussi ajoutée, parfois, mentionnant la « lumière du Christ ». Devenu, donc, un être nouveau dans le Christ ressuscité, le nouveau baptisé est alors oint du chrême, huile sainte qui le sacre membre d’un peuple royal. Et c’est alors seulement qu’il peut faire son entrée dans la basilique, salle « royale », pour participer à la célébration eucharistique.

     En résumé, l’archéologie nous a permis de mieux comprendre le symbolisme profond du baptême chrétien, puisque les lieux eux-mêmes de son administration étaient une traduction vivante de ce symbolisme.

Guy Couturier

Article précédent :
Une synagogue du premier siècle découverte à Magdala

 

 

 

| Accueil | DÉCOUVERTE (index) | Archéologie (index) | Vous avez des questions? |

www.interbible.org