Pages 32 et 33 du codex II de Nag Hammadi (Wikimedia).

Les manuscrits de l’Évangile selon Thomas

Robert DavidSylvain Campeau | 17 juin 2011

L’Évangile selon Thomas a été retrouvé en 1945 parmi un lot de papyri découverts à Nag Hammadi, en Haute Égypte. Dès sa publication, ce texte apocryphe a suscité beaucoup d’intérêt tant du côté des chercheurs que du grand public en raison de parallélismes avec certains passages des évangiles canoniques. Le texte est un recueil de 114 paroles attribuées à Jésus et qui semblent, à première vue, avoir été rassemblées sans plan précis.

Le manuscrit copte

Le manuscrit de l’Évangile selon Thomas provenant de Nag Hammadi est l’un des traités du codex II qui suit immédiatement la fin de l’Apocryphe de Jean. S’étendant sur 20 pages, le texte a été rédigé en copte, probablement à partir d’un original grec. Écrit en lettres majuscules sans espace entre les mots, selon l’usage de l’époque, on a utilisé le papyrus comme support d’écriture. Malgré la fragilité du support, son texte a été assez bien préservé et il est conservé aujourd’hui au Musée copte du Caire.

Les spécialistes observent diverses ressemblances entre cet évangile et un autre texte apocryphe : les Actes de Thomas. En raison de ces similitudes et de la dépendance des Actes par rapport à l’Évangile, ils situent sa rédaction vers le milieu du IIe siècle et le lieu d’origine du texte à Edesse (Syrie) ou dans une région avoisinante.

Des fragments de textes grecs

POxy 1, 654 et 655

Dans l'ordre habituel : POxy 1, 654 et 655
(les couleurs et les proportions entre manuscrits ne correspondent pas à celles des originaux)

Des fragments de cet évangile – dans sa version grecque – ont été découverts et publiés au début du XXe siècle. On les désigne sous le nom de papyri d’Oxyrhynque (1, 654 et 655). Ils n’ont été identifiés comme faisant partie de l’Évangile de Thomas qu’après la découverte des codex de Nag Hammadi.

Le premier de ces papyri grecs, actuellement conservé à Oxford (POxy 1), comporte les logia (ou paroles) 26-30, 77b, 31-33 (dans cet ordre). On date ce papyrus du début du IIIe siècle. Le papyrus 654, actuellement à Londres, conserve les logia 1 à 7 et date du milieu du IIIe siècle. Le troisième fragment (POxy 655), conservé à l’Université Harvard, conserve les logia 24 et 36-39; il date de la première moitié du IIIe siècle.

Tous ces textes, avec leurs variantes par rapport au texte copte, montrent que l’Évangile de Thomas a circulé assez largement jusqu’en Égypte du IIe au IVe siècle. On trouve d’ailleurs quelques traces de cet apocryphe dans les œuvres des Pères de l’Église

Un évangile condamné

Comme plusieurs textes qui circulaient dans les premières communautés chrétiennes, l’Évangile selon Thomas a été condamné, sans doute parce qu’il était associé à la gnose, une doctrine considérée comme hérétique par les autorités ecclésiales. Pourtant, cet apocryphe conserve souvent des formes de la tradition plus anciennes que les évangiles canoniques. C’est pour cette raison qu’il est utilisé aujourd’hui dans la recherche sur le Jésus historique et que certains historiens le considèrent comme le « cinquième évangile »! Quoiqu’on en pense, comme les autres documents de la bibliothèque de Nag Hammadi, cet évangile a le mérite de jeter un peu de lumière sur le processus complexe de transmission de la tradition des paroles de Jésus à l’aube du christianisme naissant et des premiers siècles de son expansion autour de la Méditerranée.

Diplômé de l’Université de Montréal, Sylvain Campeau est bibliste et responsable de la rédaction.

Archéologie

Archéologie

Initiée par Guy Couturier (1929-2017), professeur émérite à l'Université de Montréal, cette chronique démontre l'apport de l'archéologie à une meilleure compréhension de la Bible. Au rythme d'un article par mois, nos collaborateurs nous initient à la culture et à l'histoire bibliques par le biais des découvertes archéologiques les plus significatives.