Vue aérienne du tell (Daniel Baránek / Wikimedia).

La destruction de Lakish

Robert DavidRobert David | 13 mai 2016

Peut-être n’avez-vous jamais entendu parler de Lakish. Pourtant, ce site est lié à l’histoire du royaume de Juda de façon dramatique. En 701 av. J.-C., les troupes assyriennes, avec Sénnachérib à leur tête, prennent la ville et la détruisent. Ils déportent la population et font de Lakish leur base à partir de laquelle ils tenteront l’assaut contre Jérusalem et son roi Ézéchias (2 R 18,13-17; Is 36,2; 37,8).

La prise de Lakish est rendue célèbre par les bas-reliefs assyriens qui dépeignent cet assaut. Visiter Lakish c’est retourner lire ces événements et nous imaginer les troupes assyriennes, faisant le siège de la ville, y montant à l’assaut, la détruisant et s’y installant en vainqueurs. C’est aussi nous remémorer la tentative de prise de Jérusalem par le même Sénnachérib, tentative qui incitera Ézéchias à se préparer en conséquence. Notons aussi qu’en 587 av. J.-C. Lakish sera détruite à nouveau détruite par les troupes babyloniennes de Nabuchodonosor (Jr 34,7).

rampe assyrienne

Rampe assyrienne encore visible sur le site (Wikimedia)

La rampe assyrienne

Il est toujours très émouvant de se trouver en présence d’objets ou de restes archéologiques qui ont été témoins de moments dramatiques dans l’histoire d’un peuple.  Le tas de roches que nous voyons devant nous fait partie de cette catégorie. Il est aujourd’hui presque complètement recouvert de végétation, mais les Britanniques avaient dévoilé, dans les années 1930, les restes de la rampe assyrienne qui avait permis aux troupes de Sénnacherib de conquérir la ville de Lakish en 701.

Le système défensif de Lakish ne permettait à personne de prendre la ville en montant à l’assaut de la porte. Celle-ci avait beau être une brèche dans la muraille, on avait pris soin de faire en sorte que cette brèche soit absolument infranchissable. On pouvait penser faire le siège de la ville, mais le système d’approvisionnement en eau et la présence d’entrepôts pouvant stocker des vivres pour tenir des semaines, sinon des mois, rendaient ce siège à peu près inutile.  Que faire?  

Devant les obstacles qui se dressaient devant eux, les Assyriens ont entrepris de construire une rampe qui leur permettrait d’accéder à la muraille avec leurs machines de guerre.  Ils décidèrent d’ériger cette rampe dans le coin sud-ouest du site. Ce sont les restes de cette rampe que nous voyons sur la photo ci-haut. Cette rampe faisait de 70 à 75 mètres de largeur par 50 à 60 mètres de longueur. On a évalué à près de 18 000 tonnes de roches ce qu’il fallut transporter des champs avoisinants pour ériger cette rampe.  Une fois terminée, elle venait rejoindre le bas de la muraille extérieure, permettant aux béliers assyriens d’y monter et de défoncer la muraille. 

bas-reliefs de la prise de Lakish

Bas-reliefs de la prise de Lakish (photo © Sébastien Doane)

Voir les bas-reliefs, ainsi que les restes de cette rampe, nous plonge au cœur d’un des épisodes les plus importants, mais en même temps des plus tragiques de l’histoire ancienne d’Israël. Époustouflant! C’est ce qui est représenté sur les bas-reliefs assyriens décrivant la prise de Lakish. On y voit très bien les belligérants, Israélites dans la ville fortifiée, et Assyriens qui montent la rampe avec leurs béliers.

Bien entendu, les Israélites de la ville assiégée n’ont pas tardé à réagir en voyant les Assyriens construire leur rampe. Ils ont travaillé à renforcer la muraille du coin sud-ouest, créant une contre-rampe en pierre et en terre, mais ceci n’allait pas arrêter la machine de guerre assyrienne.

Siège de Lakish

Siège de Lakish, bas-reliefs du palais de Sénnachérib. Détail montrant des frondeurs et des archers assyriens (Zunkir / Wikimedia)

Les fouilles des Britanniques ont permis de nous faire une idée de l’ampleur du conflit qui s’est joué ici en 701. On a découvert plus de 850 pointes de flèches aux pieds de la trouée de la muraille, les restes de casque de soldat assyrien, de monture de chariots assyriens, des parties d’armures ainsi que de nombreuses pierres perforées pesant jusqu’à 200 kilos. Ces pierres devaient être attachées à des cordes que l’on balançait le long de la muraille pour détruire les béliers assyriens. On a aussi trouvé des pointes de flèches près de la porte de la ville. La ville n’allait pas tenir le coup et Sénnachérib a réussi à s’en emparer. 

prisonniers

Soldat assyrien et prisonniers (photo © Sébastien Doane)

Comme c’était la coutume chez les Assyriens, Sénnachérib déporta ce qui restait de la population (on a trouvé plus de 1500 squelettes ensevelis de façon désordonnée dans des grottes du côté ouest du tell). La deuxième plus importante ville de la Judée était tombée. Sénnachérib pouvait maintenant penser monter à l’assaut de Jérusalem... Pour la suite du récit, raconté à partir d’une perspective judéenne, allez lire 2 Rois 18-19.

Robert David est professeur honoraire de l’Université de Montréal. Il a enseigné l’exégèse de l’Ancien Testament et l’hébreu biblique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de 1988 à 2015.

Archéologie

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Initiée par Guy Couturier (1929-2017), professeur émérite à l'Université de Montréal, cette chronique démontre l'apport de l'archéologie à une meilleure compréhension de la Bible. Au rythme d'un article par mois, nos collaborateurs nous initient à la culture et à l'histoire bibliques par le biais des découvertes archéologiques les plus significatives.