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Comprendre la Bible
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chronique du 14 mars 2003
 

Paul et le rapport entre mariage et célibat
  

Il est vrai que ce sujet a retenu l'attention d'un certain nombre d'auteurs qui ont étudié de près ou de loin les lettres de Paul. Je signale tout de suite que l'opinion de Paul sur le lien entre les deux états de vie chrétienne ne peut être compris que lorsqu'on prend au sérieux le contexte général de son discours. D'un côté, les réalités de la vie quotidienne juive et gréco-romaine ne toléraient pas le célibat; la culture biblique considérait même que le mariage et la fécondité étaient un devoir primordial pour perpétuer le peuple de Dieu. D'un autre côté, le contexte littéraire des lettres de Paul, en particulier celle aux Corinthiens, suggère que, dans le milieu chrétien corinthien, un groupe de gens appartenant aux tendances apocalyptiques choisissaient la continence sexuelle comme idéal de vie pour se préparer à la venue très prochaine du Christ; ce qui rappelle d'ailleurs le statut personnel de Paul lui-même, dont j'ai parlé dans un précédent article.

     Le contexte littéraire des passages où Paul parle du célibat indique que lorsque Paul parle de cet état de vie, il se situe dans une perspective générale marquée par l'arrivée imminente de la parousie. On le voit même par ce qu'il dit: Puisque « le temps se fait de plus en plus court » (1 Co 7, 17ss), il préfère épargner la communauté de toutes tribulations liées au mariage. À plusieurs reprises dans 1 Corinthiens et dans d'autres lettres, on retrouve les mêmes traces d'un appel pressant face à l'imminence de la parousie: « Le temps se fait court. Que désormais ceux qui ont femme vivent comme s'ils n'en avaient pas... Car elle passe, la figure de ce monde. » (1 Co 7, 29-31) « Cela leur arrivait pour servir d'exemple, et a été écrit pour notre instruction à nous qui touchons à la fin des temps. » (1 Co 10, 11) « Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés. En un instant, en un clin d'oeil, au son de la trompette finale, ...nous serons transformés. » (1 Co 15, 51-52) « D'autant que vous savez en quel moment nous vivons. C'est l'heure désormais de vous arracher au sommeil; le salut est maintenant plus près de nous qu'au temps où nous avons cru. » (Rm 13, 11) « Nous, les vivants, nous qui seront encore là pour l'avènement du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui seront endormis. » (1 Th 4,15)

     Ainsi, devant le retour imminent du Christ et l'approche certaine de la fin des temps, Paul estime que le comportement éthique des croyants ne doit avoir, pour seul support, que le salut prochain. Aussi, Paul pensera-t-il qu'il ne sert à rien de changer la condition de vie puisque, de toute façon, le temps de vie ici bas n'est plus long.

     Selon Paul, puisque le temps se fait court et que la figure de ce monde passe, l'important n'est plus tellement de changer son état de vie pour un autre (1 Co 7,1-24) et en particulier l'état de virginité (1 Co 7,25-40); l'important c'est de servir pleinement Dieu dans la condition même où l'on se trouve, selon le don reçu de Dieu. L'essentiel pour la personne mariée n' est plus de passer du mariage au célibat, mais de vivre chrétiennement et profondément ses rapports conjugaux, préoccupée par le salut qui vient dans le Christ. De la même façon, pour le célibataire, il lui faut rester dans son état de vie et s'appliquer avant toute chose et sincèrement à répondre à l'appel de Dieu. De toute façon, pense Paul, le temps ne se prête plus à ce va-et-vient, ni à une gymnastique matrimoniale pleine de risques.

     L'imminence de la fin des temps constitue pour ainsi dire un facteur déterminant pour comprendre les textes à propos du mariage et du célibat, à propos de la réciprocité des droits et des devoirs dans le mariage. Ce facteur conditionne le principe « Que chacun continue de vivre... tel que l' a trouvé l'appel de Dieu... » qui régit ses prises de position sur les diverses situations concernant les personnes mariées et seules. Du coup, il devient possible de reconsidérer les enjeux de la théologie paulinienne de l 'amour conjugal et de comprendre que le discours en 1 Co 7,1-7 suggère avant tout que Paul est mu par le réalisme et le pragmatisme du temps, dans sa conception du célibat versus celle du mariage. Sa position est inspirée par le principe: « Que chacun demeure dans la condition où l'appel l'a trouvé ».

     Quelle que soit sa préférence personnelle pour le célibat, Paul estime l'un et l'autre état de vie comme des charismes divins (1 Co 7, 7). À ses yeux, la raison d'ordre pratique de préférer l'abstinence sexuelle et le célibat, se trouve dans le facteur eschatologique. Il nous semble donc, pour finir, que la question de la supériorité ou de l'infériorité du mariage ou du célibat est absurde et non avenue, si on cherche à la résoudre à partir du contenu des Lettres pauliniennes. Point n'est besoin de chercher à opposer ou de hiérarchiser mariage et célibat. L'un et l'autre état de vie sont des charismes chrétiens, le premier étant recommandable en tout temps parce que basé sur l'amour, le second recommandable davantage en contexte eschatologique.

     Ainsi, en ce temps de grands bouleversements sociaux, éthiques et religieux qui affectent la vie conjugale, le vrai message auquel Paul interpelle n'est pas celui du rapport entre mariage et célibat mais un message générateur de vie, un message plein d'espérance aussi bien pour le célibat que pour le mariage.

Jean-Chrysostome Zoloshi

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Le sacrifice du soir